Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

Journal des Libertes
anglais
Accueil » La nuit règne sur Cuba

La nuit règne sur Cuba

par
15 vues
coupures d'électricité Cuba

Depuis plusieurs mois, l’île de Cuba vit au rythme des coupures de courant, conséquences symptomatiques d’un système énergétique au bord de l’effondrement. Ces “apagones”, comme les appellent les Cubains, ne sont pas nouveaux, mais leur fréquence et leur durée se sont intensifiées à partir de 2024, plongeant l’île dans une crise sans précédent depuis les années 1990. Pourquoi ces pannes à répétition ? Comment affectent-elles le quotidien du peuple cubain ?

Les coupures de courant à Cuba ne datent pas d’aujourd’hui, elles trouvent leurs origines dans la dépendance historique de l’île aux énergies fossiles importées (pétrole) et dans l’obsolescence de son infrastructure électrique. Pour faire simple, comme dans beaucoup de pays communistes, l’électricité est une denrée qui, toujours, reste incertaine. Les problèmes d’électrification plongent très souvent les résidents dans le noir. Les usines tournent, bon gré mal gré mais l’éclairage des logements n’est guère la priorité. Après la chute de l’Union soviétique en 1991, Cuba avait – à travers ce que l’on nomme poliment la « Période spéciale » – expérimenté une décennie de privations dues à l’arrêt des subventions pétrolières soviétiques. Si des investissements dans les années 2000, notamment avec l’aide du Venezuela, avaient permis une certaine stabilisation, il semblerait que Cuba retourne  à ses heures les plus sombres.

La crise énergétique : les Cubains n’en peuvent plus !

Les prémices datent de 2021, mais c’est le 18 octobre 2024 qu’une panne – majeure – a frappé l’île pour la première fois. Des millions de Cubains se sont retrouvés, des jours et des jours, privés d’électricité. Selon le ministère de l’Énergie et des Mines, cette panne venait d’une défaillance de la centrale thermique Antonio Guiteras (la plus importante du pays) qui se fatigue à combler une demande excédant de très loin ses capacités de production. Face à pareil désastre, le gouvernement a été obligé, le 20 octobre 2024, de reconnaître la vétusté du système électrique. L’aveu n’a en rien désarmé la colère populaire : « On nous demande de la patience, mais on n’en peut plus ! », a lancé Carlos Pérez, un étudiant de Pinar del Río, lors d’une manifestation rapidement dispersée par les autorités.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2023, Cuba ne produisait que 50 % de ses besoins énergétiques quotidiens (1 500 mégawatts pour un besoin estimé à 3 000 MW) selon les données de l’Union électrique en charge du réseau. Cette insuffisance peut s’expliquer par l’extrême vétusté des huit centrales thermiques, dont certaines remontent aux années 1970. Surtout qu’elles ne fonctionnent qu’à 40 % à peine de leur capacité.

Des causes multiples

Cependant plusieurs autres facteurs convergent pour expliquer une pareille crise.

La diminution des livraisons en pétrole vénézuélien (70 % de barils en moins depuis 2016) en est un. Depuis, Cuba tente de compenser en important du pétrole brut d’origine mexicaine ou russe mais ces approvisionnements restent aussi insuffisants que coûteux à cause de l’embargo américain qui vient compliquer les transactions internationales.

À cela s’ajoute une crise économique interne. Avec une inflation galopante (estimée à plus de 500 % en 2023 !) et une pénurie constante de devises étrangères, le gouvernement cubain peine à financer l’entretien des centrales ou l’achat de carburant. Les conditions climatiques assombrissent encore un tableau déjà très préoccupant. L’ouragan Rafael, qui a frappé l’ouest de Cuba le 6 novembre 2024, est ainsi venu jouer les trouble-fêtes, endommageant des lignes électriques déjà pas très vaillantes. « C’est comme si la nature s’acharnait sur un système déjà à bout de souffle », commente María González, habitante de La Havane, qui est restée trois jours sans électricité après le passage du cyclone.

Jusqu’à 12 heures de coupure de courant chaque jour

Pour les 11 millions d’habitants de l’île, ces coupures font désormais partie du quotidien. En province, elles peuvent aller jusqu’à 12 heures par jour et la ville de La Havane, où elles ne durent « que » 4 à 8 heures parce qu’elle est classée réseau prioritaire, paraît presque privilégiée. Les réfrigérateurs s’arrêtent, les aliments pourrissent et les ventilateurs, vitaux dans la chaleur tropicale, se font silencieux. Les hôpitaux, bien que prioritaires, ne sont pas épargnés. Des médecins de Santiago de Cuba signalent des interruptions dans les blocs opératoires malgré des générateurs « de secours » qui cessent de l’être faute de carburant. Un chirurgien le dit lui-même : « On opère à la lampe torche quand il le faut. »

Selon la Chambre de commerce cubaine, 60 % des petites et moyennes entreprises ont dû restreindre leurs activités, aggravant ainsi chômage et pénurie de biens.

La solution n’est pas pour demain

Le gouvernement cubain promet des solutions, mais les options restent drastiquement limitées. En novembre 2024, le président Miguel Díaz-Canel a annonçé un plan d’urgence incluant la réparation des centrales sans préciser d’où viendraient les financements. Et comme le dit si bien cet adage populaire « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » !

L’énergie renouvelable, un temps présentée comme une piste, progresse lentement puisqu’en 2023, elle ne représentait que 5 % de la production électrique. La solution ne peut venir de là. Pourtant on parsème le futur de projets de fermes solaires comme on appliquerait un pansement sur une jambe de bois.

À court terme, le salut ne pourrait venir que de l’extérieur. En février 2025, la Russie a promis d’envoyer 50 000 tonnes de diesel à l’ancien petit frère soviétique mais sur un plus long terme ? En attendant qu’un miracle ait lieu, les Cubains s’adaptent : « On cuisine au charbon, on dort sur les toits pour avoir de l’air. On survit », raconte María González.

En clair, pour l’instant, l’obscurité domine !

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire