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Déflation : Illusions et réalités

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Une nouvelle fois, la question de la déflation est posée en Europe. C’est Mario Draghi, le Président de la Banque Centrale Européenne, qui a souligné le 3 septembre que « de nouveaux risques pesant sur les perspectives de croissance comme d’inflation sont apparus récemment ». Il est certain que la croissance est faible dans la zone euro : l’estimation est de 1,4% seulement pour 2015 et de 1,7% en 2016, en recul sur les prévisions précédentes. Mais qu’en est-il pour l’inflation ? Paradoxalement, ce n’est pas le risque d’inflation qui inquiète le Président de la BCE, mais la peur de la déflation, c’est-à-dire d’une baisse cumulative des prix, entrainant le recul de toute l’économie.

L’inflation n’est pas un facteur de croissance

Qu’en est-il en réalité ? Les prévisions d’inflation pour 2015 sont de 0,1% seulement (contre 0,3% initialement prévus) et de 1,1% en 2016. Certes, Mario Draghi n’exclut pas une inflation négative dans les mois à venir, mais, dit-il « le conseil des gouverneurs tend à penser qu’il s’agit d’effets transitoires principalement dus aux effets des prix du pétrole ». Il est vrai que, selon les dernières statistiques de l’OCDE (1er septembre), dans la zone euro les prix de l’énergie ont diminué de 5,4% en un an, ce qui donne une hausse des prix hors énergie de l’ordre de 1,0%. Au sens strict, il n’y a pas déflation, mais stabilité ou légère hausse des prix. Mais, depuis l’origine, la BCE, dont le rôle principal est, d’après ses statuts, de veiller à la stabilité des prix, s’est fixé un objectif de hausse des prix de 2% par an, chiffre arbitraire, sans fondement scientifique, sinon l’idée fausse qu’un peu d’inflation mettrait de l’huile dans les rouages économiques. Si l‘on regarde au-delà de l’Europe, selon l’OCDE, les Etats-Unis ont 0,2% d’inflation seulement, ce qui ne les empêche pas d’avoir une croissance du PIB de 3,7% au second trimestre et un chômage au plus bas (5,1%). L’idée (largement keynésienne) qu’une inflation serait un facteur de croissance, et la déflation le mal absolu, est tout à fait contestable.

Les Etats aiment l’inflation

Ce débat sur la nécessité d’éviter la déflation masque en réalité des éléments plus fondamentaux. Tout d’abord, au nom de la lutte contre la déflation et la récession, la BCE a suivi la FED en pratiquant une politique de QE (Quantitative easing) consistant à acheter massivement des créances et des obligations d’Etat (60 milliards d’euros par mois) : en clair à créer de la monnaie, et à pratiquer des taux d’intérêt extrêmement faibles. Ces taux d’intérêt bas, ainsi manipulés, permettent aux Etats de s’endetter sans cesse à bas prix, et cela d’autant plus que la BCE rachète des titres publics. Une politique monétaire plus restrictive, avec des taux d’intérêt plus élevés, est la terreur des Etats, car, comme ceux-ci empruntent pour rembourser les titres arrivant à échéance, toute hausse des taux ferait exploser la charge de la dette. (Un point de taux d’intérêt sur l’ensemble de la dette publique française-plus de 2000 milliards- c’est 20 milliards !). Les Etats se réjouissent de ces taux faibles, qui ont des effets pervers, y compris sur le secteur privé, en maintenant en survie des entreprises grâce à ces faux prix. En outre, les Etats espèrent ainsi faire grimper l’inflation, comme Jacques Delors puis le FMI l’avaient recommandé, puisque l’inflation pénalise les épargnants, les préteurs, et allège la dette des emprunteurs, donc des Etats, qui remboursent en monnaie de singe.

Plus généralement, l’inflation est un impôt sur les encaisses, comme l’avait expliqué Milton Friedman, peut-être le plus injuste des impôts, qu’aucun parlement n’a voté. Tout cela n’est qu’une illusion, car l’inondation monétaire n’a jamais relancé l’économie, mais provoque des bulles spéculatives, avant de se transformer un jour en inflation ouverte. D’ailleurs une partie des liquidités créées par la Fed et d’autres banques centrales se sont placées dans les pays émergents, contribuant à l’inflation en Argentine (14,6%), au Brésil (9,6%) ou en Inde (4,4%). L’épouvantail de la déflation n’est agité que pour justifier une politique keynésienne de relance monétaire, car la hauteur des déficits budgétaires et des dettes souveraines rend plus difficile une nouvelle relance budgétaire keynésienne.

Le vrai problème, c’est l’hypertrophie des Etats

En réalité, le débat sur la déflation est faussé par le fait que de nombreux prix, notamment en France, sont de faux prix, fixés arbitrairement par l’Etat, empêchant une mesure exacte de l’inflation ; en outre, la hausse massive des impôts réduit le pouvoir d’achat, ce que l’indice des prix ne permet pas de prendre en compte. Avec un revenu stable et des prix apparemment stables, la hausse des prélèvements réduit le revenu réel et contribue au recul économique. Or ces prélèvements agissent ainsi non seulement sur la demande, via le pouvoir d’achat, mais aussi et surtout sur l’offre, en détruisant les incitations à produire, entreprendre, investir ou travailler plus. Voilà le fond du problème que le débat sur la déflation masque : une monnaie mal gérée peut provoquer de graves crises, comme en 1929, mais le laxisme monétaire n’a jamais entrainé de reprise, car la mauvaise situation économique a une cause précise : l’hypertrophie des Etats et de ses réglementations ; si « déflation » il doit y avoir, c’est bien celle des Etats. Moins d’Etat, plus de liberté, c’est le seul chemin de la reprise ; quant au faux débat inflation/déflation, il n‘existerait plus si l’on adoptait une règle monétaire stable ou, mieux encore, une vraie concurrence monétaire.

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