Le colloque auquel a participé l’IREF, à Prague, a été aussi l’occasion de prendre connaissance de plusieurs expériences étrangères dans le domaine de l’Education. On a d’abord entendu la présidente de l’Agence nationale finlandaise pour l’Education qui a expliqué les raisons de l’excellente place (5ème alors que la France n’est que 26ème) qu’occupe son pays dans le classement PISA. Il s’agit d’un travail permanent pour apprendre la rigueur aux élèves ; et l’on exige aussi que tous acquièrent, très tôt, la capacité de lire et d’écrire correctement.
La ministre de l’Education du Liechtenstein a insisté sur le fait que les enseignants doivent être évalués régulièrement et que ce qui compte beaucoup c’est le travail effectué avec l’élève. L’enseignant n’a pas besoin de lui expliquer tout mais seulement de lui donner les bases nécessaires, lui faire apprendre les langues étrangères et l’autonomie. Au lycée, l’apprentissage en entreprise est privilégié : 1 ou 2 journées d’école par semaine et 3 ou 4 de travail et de découverte dans une entreprise.
L’éducation n’est pas un monopole d’Etat
Plusieurs entrepreneurs ont fait des interventions très intéressantes au regard des liens entre l’école et l’entreprise. L’industriel tchèque Martin Roman finance même un lycée privé. Le représentant du groupe Nestlé en République tchèque a décrit le fonctionnement de l’association Alliance for Youth dont le rôle est de faire comprendre aux plus jeunes le monde du travail. Le Slovaque Jan Oravec, dirigeant de l’Association des Entrepreneurs, propose une réforme radicale du système éducatif qui n’a aucune raison d’être dirigé d’en haut. Les initiatives pour l’école devraient venir de la part de la société civile et des individus. D’ailleurs, pour cela, il suggère la création de comptes-éducation dotés par l’Etat – sur le modèle des comptes-santé – grâce auxquels on donnerait aux familles la possibilité de choisir librement l’école de leur choix pour leurs enfants.
En Lituanie, les chèques-éducation sont au pouvoir
L’un des témoignages les plus intéressants a été celui de l’ancien ministre lituanien de l’Education. Entre 2008 et 2012, il a été à l’origine d’une très grande réforme avec l’introduction des chèques-éducation. « Plus d’autonomie et moins de directives » a été la devise de cette grande réforme qui a commencé par la réduction de 50 % de la paperasse administrative que les enseignants avaient à remplir. Ensuite, le chèque-éducation a été introduit dès la maternelle et, avec lui, la sélection libre des directeurs des écoles qui ne sont plus nommés par le ministère mais choisi par le corps professoral. Les activités parascolaires sont financées en grande partie par le privé mais il y a aussi des chèque-éducation pour les activités postscolaires. A l’université aussi où l’autonomie est importante, les présidents sont des managers et les membres des conseils universitaires proviennent, en grande partie, du privé.
Tous ces témoignages et présentations prouvent qu’il existe des solutions pour réformer l’école sans dépenser plus d’argent. Même s’il n’y avait pas de représentant de l’Estonie à ce colloque, l’expérience menée par ce pays mérite d’être mentionnée avec son école qui dispose d’une complète autonomie et ses enseignants rémunérés en fonction des résultats. Dans le dernier classement PISA, l’Estonie est… 3ème sur 72 pays.
Nicolas Lecaussin
La nécessaire autonomie de l’école
Un colloque universitaire a été co-organisé par l’IREF à Prague, République tchèque, ces 5 et 6 octobre, sur l’éducation. A cette occasion, Nicolas Lecaussin a présenté l’index établi par l’IREF et Jean-Philippe Delsol en a tiré quelques conclusions dans les termes ci-après :
L’index de l’IREF sur l’éducation fait ressortir que (i) des enseignants mieux payés obtiennent, en moyenne, de meilleurs résultats et que (ii) des écoles plus autonomes ont plus d’aptitudes à faire progresser leurs élèves que des écoles trop dirigées par un système centralisé. Ce deuxième constat induit d’ailleurs le premier car des écoles autonomes peuvent payer librement leurs enseignants et donc mieux payer leurs bons professeurs alors qu’un système centralisé est généralement enfermé dans des règles statutaires qui les condamnent à payer leurs personnels de manière administrée plutôt qu’en fonction des résultats.
L’autonomie, voire l’indépendance des établissements d’enseignement, ce que nous pouvons appeler la liberté scolaire, apparaît donc comme un facteur d’efficacité important. Mais elle n’est pas efficace par hasard. Elle l’est parce que le premier but de l’école est sans doute d’apprendre aux enfants à être autonomes. Et cette autonomie, c’est-à -dire l’exercice de sa liberté par l’enfant, ne peut pas être bien enseignée par des écoles et des professeurs qui ne sont pas maîtres de leurs enseignements, qui ne sont pas eux mêmes autonomes.
Certes, l’école est d’abord là pour instruire. Elle était là pour ça exclusivement quand la famille jouait pleinement son rôle, ce qui devient moins commun. Mais si la famille, justement, a, elle, pour rôle premier d’assurer la transmission, l’éducation, l’école ne peut pas, ne peut plus, ne pas accompagner cette mission d’éducation. Malheureusement aujourd’hui la démission de beaucoup de familles oblige l’école à prendre ce relai.
Avec les familles, l’école doit donc à ce titre apprendre, ou contribuer à apprendre aux enfants l’usage de leur liberté en vue de l’exercice de leur responsabilité tant à l’égard d’eux-mêmes que des autres. Elle doit le faire pour permettre aux enfants, in fine, d’être autonomes, de tracer leur vie en cherchant toujours, et sans doute sans fin, à réaliser leur finalité. C’est le sens de la phrase de Pindare (Vème siècle avant JC), Deviens ce que tu es, qui exige d’avoir appris à se connaître soi-même, c’est-à -dire aussi avoir appris d’où l’on vient et avec qui nous vivons.
L’apprentissage de cette autonomie est en même temps une ouverture à une culture d’inquiétude, d’interrogation pour le moins. C’est donc aussi apprendre à vivre d’incertitude, de questionnement et de réponses possibles là où nous aimerions tant des réponses certaines, vivre au plus profond du tragique de l’existence qui se nourrit de cet inconnu de la nôtre…
L’éducation est donc d’abord un apprentissage de la vie libre avec ce quelle comporte d’inconnu et d’exigence. C’est à ce titre que la liberté scolaire est nécessaire presque de manière anthropologique, parce que des enseignants qui n’ont pas la liberté du contenu de leur enseignement et/ou de leur méthodes d’enseignement ne sont pas préparés, ne sont pas construits pour enseigner l’art de la liberté et de son exercice. Il est difficile d’apprendre aux autres ce que l’on ne vit pas.
Ce qui est coulé dans le moule uniforme d’un système de masse a forcément de la peine à penser et à accepter tout à la fois la singularité et la diversité, à les valoriser, à les prendre en compte, à apprendre à progresser avec cette inquiétude et à en tirer parti. L’école d’Etat ne vit que de ses certitudes, de ses méthodes et ses programmes imposés, trop souvent enfermée dans son carcan idéologique susceptible de l’entraver dans son apprentissage des enfants à disposer d’un esprit ouvert pour vivre dans un monde ouvert. L’école unique a aussi plus de difficultés d’une part à prendre en compte la diversité des enfants qui peut exiger des méthodes et des contenus différents et d’autre part à se remettre en question et s’améliorer de manière permanente, ainsi que l’exige l’évolution même des enfants, dans son monde fermé où l’absence de compétition manque à toute stimulation.
L’école française laïque et républicaine, comme sans doute celle de tous les pays qui ont un système unique centralisé et étatique d’éducation, rêve encore des utopies de Platon et de More qui voulaient que l’éduction des enfants soit toute entière confiée à la collectivité. Ils reproduisent, peu ou prou, les modèles soviétiques ou nazis, celui des internats où l’un et l’autre ont enfermé des dizaines ou centaines de milliers d’enfants cobayes pour les formater aux couleurs du régime. Ce fut toujours un échec total bien sûr. Pourtant, avec évidemment beaucoup de nuances, dans des formats atténués où la personnalité de nombreux enseignants de qualité parvient, heureusement souvent, à primer sur la rigidité du modèle, c’est bien le modèle que reproduisent tous les systèmes centralisés d’éducation, et en particulier le système français qui est au surplus gangrené par des syndicats radicalisés.
En définitive, l’étatisation complète du système éducatif apparaît comme incompatible par nature avec la finalité même de l’éducation. Et c’est pourquoi la liberté scolaire est nécessaire pour répondre aux besoins mêmes de l’éducation en même temps qu’elle est forcément plus juste et plus efficace. Une telle liberté scolaire peut prendre des formes diverses, au travers du bon scolaire (comme en Suède par exemple) ou par un subventionnement objectif des écoles indépendantes (comme aux Pays Bas ou avec les free schools ou les Académies en Angleterre, ou les Charter schools aux USA…). Peu importe du moment qu’elle existe. Partout les résultats sont là aussi pour démontrer que globalement, les enfants sont les bénéficiaires de la liberté scolaire. Simplement parce qu’elle répond à leur besoin naturel, parce que des écoles autonomes enseignent mieux l’autonomie, que des écoles libres forment mieux à la liberté.
Certes, la liberté scolaire peut donner lieu à des échecs ou à des abus. A cet égard, un contrôle étatique peut être justifié, notamment pour éviter les dérives de certaines écoles dont pourraient s’emparer des sectes ou autres idéologies intolérantes et/ou oppressives. Mais les risques que court la liberté scolaire sont toujours moins grands que ceux qu’un système centralisé engendre.
Jean-Philippe DELSOL
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Education
Tant que nos hommes politiques n'auront pas en tête "la culture du mérite" notre éducation et bien d'autres secteurs de notre pays resteront à la traîne en Europe.Nous sommes dirigés par des fonctionnaires, tous, ou presque, sortis du même moule l'ENA ou Sciences-Po, voire les deux.