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Egalité des chances : allegro ma non troppo

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Dans sa conférence de presse de ce 16 janvier, le président de la République a vanté l’égalité des chances : « La première injustice, […] c’est […] celle des déterminismes social et familial. Nous n’avons pas les mêmes chances […] l’avenir des enfants de la République reste encore par trop déterminé par le nom de famille, l’endroit où l’on est né, le milieu auquel on appartient. C’est la pire des injustices, l’inégalité de départ ». Pour y remédier, il a insisté sur le droit de chacun d’avoir un accès à l’éducation. La solution a-t-il dit, c’est l’école, l’école, l’école.

Injustice ?

Il a raison d’insister sur l’importance de l’école, même si je ne pense pas que ce soit pour autant une injustice de naître dans un milieu plus pauvre ou moins cultivé. Nous sommes tous différents. Ceux qui ont un physique agréable ont plus d’atouts pour avoir du succès, comme ceux qui ont une bonne mémoire par exemple. Ils ne sont pourtant pas coupables d’injustice. Car la justice est une vertu qui ne se définit que dans l’exercice de sa volonté à l’égard d’autrui. La loterie génétique (cf., sous ce titre, l’ouvrage de Kathryn Paige Harden, Les Arènes) et le hasard des naissances dotent chacun d’un certain bagage. Nous ne naissons pas comme une page blanche. Il y a des déterminismes divers et liés dans des proportions inconnues à l’inné et à l’acquis. Mais en tout homme il y a aussi sa part de liberté et de volonté qui lui permettent de surmonter les données de son état initial ou de les utiliser à bon escient.
Avant l’école, la famille a le devoir de prendre en compte les besoins différents des enfants pour grandir en sagesse et en intelligence. L’école peut, partiellement, suppléer aux carences familiales. A cet égard, il peut être utile, comme l’a proposé M. Macron, d’apprendre aux enfants le théâtre et l’histoire de l’art ou de leur imposer un uniforme. Cela peut participer à l’éveil et à la culture, qu’il faut allier pour élever l’esprit et éduquer au respect de soi et des autres. Mais le meilleur enseignement puise sans doute dans la rigueur des apprentissages et dans la juste exigence des maîtres, qui sont la plus grande chance offerte à tous ceux qui en manquent chez eux et qui risquent d’en être toujours privés pour avancer dans leur vie à défaut d’en avoir bénéficié à l’école.

Des chances sans garantie

L’égalité des chances est une chance offerte, pas une chance garantie. L’enseignement est naturellement le lieu d’un rapport inégal tendu vers l’égalité puisque ce sont les maîtres qui savent et apprennent aux élèves qui ne savent pas. C’est l’inégalité de savoir et de compréhension qui entraîne vers le haut ceux qui en ont la capacité et la volonté. Encore faut-il qu’il soit accepté que l’égalité à l’école génère elle-même l’inégalité en permettant aux plus doués de se distinguer et de faire les meilleures études qui différencieront leurs carrières.
Pour que l’école joue ce rôle d’égalisation des chances, il faut donc que prévale notamment de la part des enseignants et des familles le respect de la distinction par l’effort et le mérite. M. Macron l’a souligné en ajoutant plus généralement et à juste titre que « l’ordre va avec le progrès et l’autorité avec l’émancipation ». Mais nos écoles publiques, centralisées à l’excès, sont-elles prêtes à prendre cette direction ? On peut en douter tant le corps enseignant, déjà affadi par son statut de fonctionnaire, y est gangrené par les idéologies égalitaristes qui refusent de distinguer le talent, confondent l’égalité des chances avec celles des conditions et ont démontré leur incapacité à délivrer les bases du savoir à tous et à promouvoir les élèves les plus prometteurs.
Il faut sans doute autrement de courage pour remettre l’école à l’endroit. Il faut y rétablir les devoirs surveillés, des horaires larges et impératifs, la notation tout au long du cursus sans utiliser de fausses notes pour délivrer le bac ou le brevet… Il faut surtout des enseignants qui soient des maîtres, qui enseignent l’esprit critique et l’amour du savoir autant que la constance au travail. Il faut des maîtres libres pour y enseigner la liberté, pour apprendre aux élèves à travailler à leur propre avancement. Et pour avoir ces maîtres, il faut les payer mais aussi leur permettre d’exercer leur autorité et leur apprendre à le faire.
Certes, on peut se demander s’il n’est pas trop tard pour guérir l’école publique de ses maux, sauf peut-être à la mettre en concurrence pour qu’elle réagisse. L’égalité des chances passe d’ailleurs précisément par la liberté de l’école, c’est-à-dire par la liberté d’ouvrir des écoles privées sans autre contrainte que le respect des lois générales de la République et la liberté des parents de mettre leurs enfants dans l’école de leur choix sans risquer l’opprobre publique. Car cette liberté permet à chacun de trouver école à sa mesure.
L’égalité des chances est perverse quand elle recherche l’égalité des situations, quand elle s’impose au détriment de l’égalité de droit. La meilleure chance donnée aux plus démunis est de leur offrir un égal accès à toutes les écoles en fonction de leurs capacités. Ce que permettrait l’instauration d’un chèque scolaire délivré aux parents ou éducateurs pour payer l’école, publique ou privée, la mieux adaptée à l’enfant. Elle est aussi de placer tous les enfants devant la même exigence, à défaut de quoi l’école s’abaisse tout entière au niveau des moins bons d’où ne s’élèvent que ceux qui en trouvent le moyen à la maison.
L’égalité des chances est un objectif louable, qui induit de porter plus d’attention à ceux qui en ont besoin. Mais elle ne peut ni ne doit vouloir changer l’homme lui-même sinon à lui faire perdre son humanité qui prévaut dans sa singularité et donc dans ses inégales différences.

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7 commentaires

Oncpicsou 22 janvier 2024 - 7:29

Quand on parle de chèque éducation, il faut le prendre au pieds de la lettre : un vrai chèque, affichant le coût réel de la dépense publique qu’il implique. Cela ferait prendre conscience de la vraie valeur de ce que l’élève pourrait croire ne rien coûter, et du devoir que cela implique de faire son possible pour ne pas la gaspiller par un réel effort dans l’étude. Et pourquoi pas, endebut de Journée un message de remerciements à tout ceux qui prennent sur leur pouvoir d’achat afin de permettre au jeune de s’émanciper par l’apprentissage.
Car on oublie trop vite que RIEN n’est gratuit !

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DEL 22 janvier 2024 - 8:19

Il faudrait réformer du tout au tout l’Education Nationale et, pour cela, il y a du pain sur la planche … Il faut redonner un certain pouvoir aux professeurs afin qu’ils puissent exercer une certaine rigueur, punir sévèrement les parents qui s’insurgent car il n’y a que l’ordre et la discipline qui donnent des résultats concrets, il faut réinstaurer le respect des professeurs etc…

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Gilles Vedun 22 janvier 2024 - 9:04

Selon ce principe tous concours de la fonction publique est à priori discriminant mis à part le droit de s’y inscrire et encore. L’état et notamment avec le code du travail mais pas uniquement crée lui aussi différentes catégories de population ayant éventuellement accès aux mêmes droits mais pas au même rythme. Enfin la politique et même les dites sciences politiques crée aussi des distorsions en favorisant un électorat au détriment d’un autre. D’ailleurs s’il y a un problème à l’école, il n’a évidemment rien à voir avec le traitement des professeurs, le niveau de recrutement sans formation
cohérente et désormais sans concours discriminant pour le coup, rien à voir avec leur autorité ou l’autorité de l’état, l’amplitude du niveau de connaissance à l’entrée d’une même classe qui s’amplifie que l’on cherche à gommer par le nivellement par le bas, les programmes qui changent à chaque remaniement ou encore les perspectives d’insertion des élèves de plus en plus dégradées sur le marché de l’emploi, ni même avec la culture d’un élitisme dévoyé qui dans les années 90 a dévalorisé les professions manuelles pendant que ces emplois se délocalisaient. Je pense que les prof ou les élèves ne savent plus ce qu’ils font à l’école, sauf ceux qui sont là pour le statut.

Bien à vous

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poivre 22 janvier 2024 - 9:04

« Elle est aussi de placer tous les enfants devant la même exigence, à défaut de quoi l’école s’abaisse tout entière au niveau des moins bons d’où ne s’élèvent que ceux qui en trouvent le moyen à la maison. »
Cela a été l’objectif des puissants qui ne supportaient plus la concurrence des intelligences issues du peuple vis à vis de leurs rejetons.

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Farid 22 janvier 2024 - 6:12

Pour bien connaître le milieu, comme DEL, je pense qu’il faut redonner de l’autorité aux profs, et sanctionner les parents qui osent entraver cette autorité. Les problèmes de l’école actuelle sont:
-les parents qui n’appuient pas les profs, voire s’autorisent à faire parfois manquer une journée, ou contredisent mots de remontrances et notations. C’est du sabotage.
– l’idéologie gauchiste qui refuse les classes de niveau, dévalorise les diplômes et permets le comportement des parents.
– les directions d’école qui par clientélisme ne sont pas fermes du tout.
Je rappelle que l’idéologie de gauche ça ne marche pas et cela a toujours mal fini dans l’histoire du Monde.

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Jean-Aymar de Sékonla 24 janvier 2024 - 2:16

Les adeptes de l’égalitarisme à l’école sont, étonnamment, les mêmes qui encensent la diversité! J’y vois là un symptôme fort de dysfonctionnement neuronal…

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Proponome 11 février 2024 - 1:03

L’école sous sa forme actuelle n’est pas réformable, elle est trop centralisée, trop hiérarchisée, offrant aux arrivistes de tout poil trop de latitude. Cette école est prédisposée à l’uniformisation égalitariste par le bas…

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