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Entreprise et bien commun : faut-il modifier l’objet social des sociétés ?

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Quelle est la mission des entreprises ? Depuis que le monde est monde, l’entreprise a vocation à fournir des biens et services à ses clients. Elle contribue largement ainsi au bien commun en mettant à disposition de tous de quoi répondre à leurs besoins. Et ce qui motive l’entrepreneur dans son aventure est notamment la recherche d’un profit. Mais désormais, et par un dévoiement de la pensée et de l’action, il faudrait que l’entreprise serve autrement l’intérêt général en incluant des objectifs sociaux, moraux, voire politiques, dans les voies et moyens qu’elle met en œuvre et dans l’objet social des sociétés. Il y a là une confusion nuisible à l’entreprise et, par là, au bien commun lui-même.

L’intérêt personnel est incontournable

Le profit est rarement le seul mobile des créateurs d’entreprise qui sont tentés par l’aventure humaine, commerciale, technique… de leur projet. Au-delà du succès financier, bien d’autres motivations peuvent intervenir dans la recherche d’une satisfaction morale, dans la passion de la création de nouveaux produits ou services, dans le plaisir et l’intérêt de partager des projets ou la fierté d’une réussite sociale… C’est parce qu’il aime les contacts humains que le patron sait parler à ses salariés et les motiver, qu’il sait aussi approcher ses prospects et les convaincre, négocier avec ses fournisseurs, s’impliquer dans la vie sociale pour y faire valoir son point de vue. Mais l’entrepreneur cherche d’abord à gagner sa vie, comme le salarié qui lui demande de l’embaucher. Le reste n’est généralement donné que par surcroît et même alors relève de l’intérêt personnel des acteurs de l’entreprise.

C’est plus vrai encore pour les investisseurs, c’est-à-dire pour ceux qui mettent de l’argent dans une société comme actionnaires ou préteurs obligataires. Ils peuvent être intéréssés par le projet de la société, y croire et vouloir l’encourager, mais ils veulent surtout, sauf cas particulier, placer leur épargne et en attendre un retour.

L’intérêt guide l’activité humaine. Il suffit d’observer le comportement des hommes. Bien des auteurs l’ont souligné. Aristote et Saint Thomas notaient que chacun regardait son intérêt en affirmant qu’ « Il y a plus d’ordre dans l’administration des biens quand le soin de chaque chose est confié à une personne, tandis que ce serait la confusion si tout le monde s’occupait indistinctement de tout »[[Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIa- IIae, question 66, article 2]]. Hegel notait que « l’activité humaine en général dérive d’intérêts particuliers, de fins spéciales ou, si l’on veut, d’intentions égoïstes,… rien ne s’est fait sans être soutenu par l’intérêt de ceux qui y ont collaboré »[[Georg W. F. Hegel, La raison dans l’histoire, Pocket, 2016, pp. 121/122]]. Eux tous veulent réunir l’intérêt privé à l’intérêt général et Hegel exprime qu’ « un Etat est bien ordonné et fort en lui-même quand l’intérêt privé des citoyens est uni à la fin générale de l’Etat ». Mais là où Aristote et l’Aquinate considèrent que le moyen d’y satisfaire est de respecter la propriété privée parce que « chacun se soucie au plus haut point de ce qui lui appartient en propre »[[Aristote, Politique, II, 3, 35 sq.]], Hegel croit nécessaire de forcer cette coopération qu’il ne croît pas naturelle. Il s’en remet à l’Etat auquel il incomberait de « lutter contre les intérêts particuliers et les passions et les soumettre à un dressage aussi long que difficile »[[Georg W. F. Hegel, La raison dans l’histoire, p. 123]].

Aristote et Thomas d’Aquin ont raison contre Hegel et c’est Adam Smith qui l’a compris le mieux et synthétisé de manière lapidaire, « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme »[[ Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776]]. Ainsi la liberté d’entreprendre et d’échanger laissée à ceux qui recherchent leur propre intérêt pourvoit aux besoins de la communauté humaine mieux que la contrainte que voulait instaurer Hegel dont la pensée a favorisé la naissance des totalitarismes rouges et noir. La grande découverte du libéralisme est cette puissance de la liberté par laquelle, dans les plus nombreux cas, l’intérêt particulier concoure à l’intérêt général mieux que la coercition. Pas toujours certes, pas nécessairement car la nature humaine est capable du meilleur et du pire. Mais généralement. L’histoire du monde en atteste qui a permis aux peuples libres de prospérer tandis que les peuples contraints s’étiolaient.

L’objet des sociétés n’est pas une auberge espagnole

C’est dans l’esprit libéral d’Adam Smith que le Code civil a défini la société en son article 1832 comme « instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ». Il ajoute d’ailleurs que « Les associés s’engagent à contribuer aux pertes », ce qui n’est vrai aujourd’hui que pour les sociétés de personnes et non pour les sociétés de capitaux comme les sociétés par actions ou à responsabilité limitée. L’article 1833 indique pour sa part que « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés ».

Mais désormais, une mode nouvelle voudrait que les entreprises ne soient plus seulement dévolues à la recherche du profit, comme s’il s’agissait de quelque chose de honteux, de dégradant, peut-être même d’ignominieux. Il faudrait désormais imposer aux entreprises de prendre en compte les objectifs politiques et humains fixés par le pouvoir politique, comme si elles ne savaient pas déterminer par elles-mêmes ce qui peut relever de leur intérêt en même temps que de celui de la communauté. Le gouvernement a succombé à cette doxa et veut tout réformer, y compris le capitalisme, surtout lui peut-être ! Le ministre de l’économie, Bruno Lemaire, a promis une loi au printemps et son collègue de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, en a fixé la portée : « Nous allons faire évoluer l’objet social des entreprises, qui ne peut plus être le simple profit, sans considération aucune pour les hommes et les femmes qui y travaillent, sans regard sur les dégâts environnementaux ». L’idée serait de rajouter à l’article 1832 du Code que la société est également constituée « dans le respect des parties prenantes concernées ». Quant à l’article 1833, il serait complété pour dire que la société est constituée dans l’intérêt commun des associés « en tenant compte des intérêts des tiers prenant part en qualité de salariés, de collaborateurs, de donneurs de crédit, de fournisseurs, de clients ou autrement au développement de l’entreprise » ou quelque chose comme ça.

L’idée est à l’œuvre depuis quelques temps chez les intellectuels teintés par les philosophies de la déconstruction et de la dialectique. Blanche Segrestin et Armand Hatchuel -professeurs à Mines ParisTech ont publié en 2012 un petit ouvrage[[Refonder l’entreprise, le Seuil, 2012]] pour remettre en question la notion même d’entreprise. Considérant que celle-ci est de plus en plus une « création collective » dans la durée du fait de l’évolution technologique et l’accélération de l’innovation, ils y préconisaient l’institution d’une Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) prenant en compte les intérêts de toutes les parties prenantes au sens large : salariés, actionnaires, fournisseurs, ONG, collectivités…Ils demandaient même que le Chef d’entreprise ne soit plus mandaté par ses actionnaires, mais habilité par les salariés ! A l’effet de rendre possible la mise en pratique de ces principes, ils proposaient une réforme du droit des sociétés pour que celles-ci puissent disposer d’un « Objet Social Etendu » incluant des objectifs autres que la création de valeur économique pour les actionnaires. Sollicités aujourd’hui sur le sujet, ils avancent un exemple concret : « Si le dirigeant d’une entreprise d’énergie souhaite se désengager du charbon, pour favoriser d’autres énergies, et que cela fait baisser le cours de l’action, il aura du mal à le faire, car les actionnaires peuvent lui en tenir rigueur. Alors qu’au final, il favorisera l’intérêt général »[[L’Opinion, 18 décembre 2017]].

Ce discours relève pourtant d’une confusion totale. Si les actionnaires donnent leur accord, dans le cas évoqué, pour se désengager du charbon, l’entreprise peut le faire sans attendre que la loi lui permette d’avoir un objet social étendu. Cet exemple prend d’ailleurs les dirigeants et actionnaires d’entreprises pour des crétins rivés au court terme. Ils le sont parfois d’ailleurs, mais sans doute moins que les hommes politiques connectés généralement au seul horizon étroit de leur réélection. D’une manière générale, c’est la vision d’avenir des entrepreneurs qui a permis le progrès du monde. Il paraît logique et souhaitable que les dirigeants de l’entreprise n’engagent pas des investissements massifs sans l’accord de leurs actionnaires qui en portent le financement. Sans le soutien des actionnaires-investisseurs les entreprises risquent d’être démunies de leurs moyens de poursuivre leur développement. Il est symptomatique qu’à l’avant-garde de cette campagne de propagande pour modifier le Code civil se trouve la CAMIF, cette coopérative de distribution de meubles et d’appareils ménagers qui a annoncé la cessation de ses paiements le 23 octobre 2008 après avoir présenté quelques mois auparavant un plan de suppression de 509 emplois. Au total environ mille salariés ont été sacrifiés et l’entreprise a redémarré avec très peu d’employés! Aujourd’hui la société a d’ores et déjà transformé son objet social pour continuer à « proposer des produits et services pour la maison », mais « au bénéfice de l’homme et de la planète ». Dans cet esprit, son patron, Emery Jacquillat, veut donner des leçons au monde en refusant de participer aux promotions du black Friday. « On s’est assis sur pas mal de chiffre d’affaires », reconnait-il, mais il dit l’avoir fait sciemment pour répondre à son objectif d’ « inventer de nouveaux modèles de consommation »[[Le Monde, 14 février 2018]]. Libre à la CAMIF de choisir son modèle de développement, au risque de mettre en cause l’entreprise et ses salariés, mais elle n’a pas besoin de l’imposer aux autres. Libres aux patrons et actionnaires qui le souhaitent de prendre en compte d’autres dimensions que le profit pour autant que ce ne soit pas avec l’argent des autres. Cette confusion dans les buts de l’entreprise est évidemment facilement partagée et reprise à leur compte par les hommes politiques trop habitués à dépenser l’argent des contribuables sans leur accord pour se soucier de ce problème moral sans doute !

Charité bien ordonnée commence par soi-même

Le Professeur de droit Yves Guyon écrivait en 1989 : « Dans le droit des sociétés, la fraternité est partout, ce qui peut aussi signifier qu’elle est nulle part. Surtout elle conduit à raisonner non pas en termes d’obligation et de sanction, comme le font habituellement les juristes, mais en termes de faculté. En effet la question […] n’est pas de savoir s’il existe une obligation à la fraternité, mais beaucoup plus de savoir si la fraternité est une faculté, compatible avec le droit des sociétés »[[Y. GUYON, « La fraternité dans le droit des sociétés », Revue des sociétés 1989, p. 439] ]. Elle est compatible dès aujourd’hui. Pour faire la charité avec l’argent de l’entreprise, il existe déjà de nombreuses solutions au travers du mécénat, qui permet en France de disposer d’un crédit d’impôt sur les sociétés à raison de 60% des dons consentis par la société dans la limite de 5%°, ou en créant une fondation d’entreprise ou un fonds de dotation. Les moyens sont plus importants encore aux Etats-Unis. Dans ce pays, une association a créé en 2007 une certification « B Corp » que peuvent obtenir les entreprises qui s’engagent à amender leurs statuts pour y inclure des objectifs sociaux et environnementaux et à publier leur rapport annuel évaluant leur réussite dans ces domaines. Depuis, 34 états américains ont adopté dans leur législation le statut de « benefit corporation », à objet social étendu, pour lequel ont opté environ 5 000 sociétés américaines. Mais elles ont librement opté pour ce statut, comme l’ont fait en France les 22 500 coopératives qui exercent leurs activité notamment dans le domaine agricole et de l’assurance.

Les entreprises n’ont pas attendu les nouveaux réformateurs pour s’occuper de leurs salariés, soigner leurs clients et leurs fournisseurs, … Elles l’ont fait parce que pour grandir sur leur marché, c’est leur intérêt d’être attentives à l’air du temps qui demande que l’environnement soit pris en compte au sens large. Les entreprises savent qu’elles ont besoin de leurs salariés et que des employés heureux au travail ont une meilleure efficacité, elles savent que l’environnement est devenu un argument de vente autant qu’un souci moral, qu’une bonne relation avec ses fournisseurs est souvent le moyen d’en obtenir les meilleurs produits et services, que le respect de la loi est une marque de qualité de la part des nouvelles générations. Celles qui ne sont pas sensibles à ces exigences modernes courent le risque de chuter à la première occasion comme Enron en 2001 suivie du cabinet Arthur Andersen en 2002. Les appels au boycott des clients comme ceux organisés contre Orange en 2011 ou TNT en 2017 ou encore comme ceux qui ont visé en 2016 les entreprises de chocolat faisant travailler des enfants, n’ont pas été anodins pour les sociétés concernées. Il est vraisemblable que la société Lactalis souffrira longtemps de l’image dégradée causée par sa mise en vente de laits infantiles contaminés sortis de son usine de Mayenne et de ses défauts de communication après que le scandale ait été révélé. C’est une autre expression de la magie du libéralisme que la liberté des acteurs du marché peuvent faire plus pour l’ordonner que des mesures autoritaires même s’il ne faut pas exclure que celles-ci puissent être nécessaires en cas de carence.

Le mouvement s’amplifie pour ouvrir le champ de l’entreprise. Aux Etats-Unis Amazon, JP Morgan et le groupe du milliardaire Warren Buffett se sont associés pour constituer une structure à but non lucratif afin d’offrir à leurs salariés des soins à prix raisonnables. De son coté, dans sa dernière lettre annuelle, Larry Fink, le fondateur et dirigeant du fonds d’investissement le plus important du monde, BlackRock, a incité les sociétés dans lesquelles il investit à se mettre « au service du bien commun ». Mais il ne faut pas s’y tromper. « Pour prospérer au fil du temps, écrit-il, toute entreprise doit non seulement produire des résultats financiers, mais aussi montrer comment elle apporte une contribution positive à la société. Les entreprises doivent bénéficier à l’ensemble de leurs parties prenantes, dont les actionnaires, les salariés, les clients et les communautés dans lesquelles elles opèrent »[[Les Echos 23 janvier 2018]]. Il s’agit bien de répondre aux attentes des clients ou de contenter, valoriser et fidéliser les salariés. L’entreprise y trouve son compte aussi comme celles qui en France baptisent les obligations qu’elles émettent de « GreenBonds » pour verdir leur offre et satisfaire à la mode du moment afin de faciliter la souscription de leur emprunt obligataire. Tant mieux. L’entreprise n’a pas besoin de la loi pour ouvrir son champ d’action afin de mieux prospérer. Et il est certain que cet élargissement sociétal de l’activité de l’entreprise se fait et se fera plus facilement par l’intérêt qui trouvent et y trouveront ses dirigeants, actionnaires et autres partenaires que par l’obligation de la loi. Plutôt que d’imposer un objet social élargi, la loi devrait faciliter les formules d’intéressement sous formes d’options d’actions ou d’actions gratuite en allégeant la fiscalité trop mouvante et encore très lourde sur ces instruments d’association des salariés au capital.

Le frein naturel de la fiscalité et du droit pénal

D’ailleurs, en l’état du droit, l’entreprise serait répréhensible de commettre un acte anormal de gestion au plan fiscal ou un abus de bien social au plan pénal si elle utilisait les moyens de l’entreprise sans que ce soit son intérêt propre.

– L’acte de gestion anormal est celui qui met à la charge de l’entreprise une dépense ou la prive d’une recette sans être justifié par les intérêts de l’exploitation commerciale. L’administration fiscale est alors fondée, sous certaines conditions, à rectifier les conséquences de ces actes en matière d’impôt sur les bénéfices. Ainsi, par exemple, les aides de toute nature consenties à une autre entreprise, sous forme de subvention, abandon de créance, prix inférieurs au marché…, ne peuvent être comprises dans les charges déductibles que si elles répondent à des motivations à caractère commercial ou bénéficient à des entreprises en difficulté financière soumises à une procédure collective ou de conciliation. Les aides accordées à des personnes physiques sont quant à elles admises en déduction dès lors qu’elles présentent un caractère normal, par exemple au titre des rémunérations qui ne doivent pas être sans contreparties. Mais bien entendu toutes dépenses de l’entreprise concourant à son intérêt économique sont déductibles. A ce titre, les sociétés françaises n’ont pas besoin que la loi soit modifiée pour bien traiter leurs salariés, adopter des modes de production non polluants, favoriser une production durable, développer des produits adaptés aux populations défavorisées… C’est ce qu’a bien compris Michelin quand il amis au point des pneus résistants dans la durée et écologiques avec l’ambition et la volonté d’avoir réduit en 2030 la part de la consommation due aux pneumatiques de 20% par rapport à ce qu’elle était en 2010. Emmanuel Faber, nouveau dirigeant de Danone, suit la même trajectoire quand son entreprise annonce qu’« En 2025, 100 % de [ses] produits cultivés en France seront issus d’une agriculture régénératrice »[[Les Echos, 21 février 2018]].
– L’abus de bien social, pour sa part, est le délit qui consiste pour un dirigeant à utiliser à des fins personnelles, pour lui ou des tiers, les biens ou droits, le crédit, les pouvoirs ou les voix de la société au sein de laquelle il exerce ses fonctions. Mais il ne saurait être reproché à un dirigeant de faire du mécénat s’il a raisonnablement pour but de favoriser l’image de l’entreprise et contribue à son développement plutôt que de la mettre en difficulté.

En définitive, le droit est un bon garde fou qui veille à ce que l’entreprise n’engage pas des dépenses qui lui soient étrangères pour échapper à l’impôt, ce qui d’une certaine manière revient à voler les autres ainsi que l’admettent sans hésiter tous ceux qui soutiennent la lutte contre la fraude. Il empêche également l’entreprise de prendre en charge les lubies ou hobbies de ses dirigeants ou actionnaires, quand bien même ils seraient moralement louables, ne concourant pas à l’intérêt de la société naturellement partagé avec ses salariés, ses créanciers, ses fournisseurs qui à défaut risquent de perdre leur travail, de ne pas recouvrer leurs créances, de voir disparaître leurs clients…

Conclusion : le mieux est souvent l’ennemi du bien

Bien entendu, c’est sympathique de vouloir que les entreprises participent au bien commun, mais ceux qui veulent révolutionner le droit à cet effet sont comme Monsieur Jourdain qui ne se rendait pas compte qu’il faisait de la prose. Les entreprises contribuent déjà très largement, par nature et par essence, au bien commun en produisant les biens et services qu’elles mettent sur le marché et qu’elles améliorent sans cesse dans leur propre intérêt comme dans celui de leurs clients. Quand elles cessent de rendre ce service, leurs ventes s’affadissent et souvent, elles meurent. A vouloir les encombrer d’obligations étrangères à leur vocation naturelle, on les rendra moins efficaces et plus fragiles. A leur demander d’aider la planète, on risque de les entraver dans la réalisation de leurs buts qui déjà ne peuvent être mis en œuvre au profit des actionnaires que si elles restent en même temps à l’écoute des attentes de tous leurs partenaires et notamment de leurs employés.

Elargir l’objet des sociétés dans la loi ne permettra pas plus aux dirigeants de décider sans l’accord de leurs actionnaires. Mais ce serait une porte ouverte à des dérives au détriment des actionnaires autant qu’aux autres partenaires de l’entreprise. Le droit fiscal et le droit pénal s’y perdraient et le risque serait augmenté que des entreprises oublient la nécessité d’être profitables pour poursuivre leur activité. Comme le disait le sapeur Camember : « Quand on dépasse les bornes, il n’y a plus de limites ! »

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4 commentaires

Marsaudon D. 6 mars 2018 - 9:19

un grand merçi pour cette étude
mais..
nb: dans les sociétés de capitaux aussi les associés
participent aux pertes éventuelles …par le risque de
perte du capital..

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Pierrette François-Morin 6 mars 2018 - 3:01

Entreprise et bien commun
Magnifique article qui cerne bien le problème et qui est capable d'éclairer les personnes, éloignées de l'entreprise, qui pourraient, par naïteveté, se laisser entraîner par ce faux "progrès social".

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popol 6 mars 2018 - 7:24

Qu'on arrête d'em…. les français (G.Pompidou )
merci encore une fois pour un excellent exposé ;
si monsieur Lemaire avait travaillé en entreprise , il saurait que sur le long
terme une entreprise ne peut vivre , progresser qu'en respectant les autres parties prenantes à la vie de notre société .Les dirigeants d'entreprise n'ont pas besoin de "nounou" pour leur dire comment se comporter .

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FXL 4 mai 2018 - 12:47

Remarquable contribution
Merci pour cette contribution lumineuse consacrée à ce désolant projet de réécriture de l'article 1832 du code civil, réforme qui réussit ce tour de force d'être tout à la fois dangereuse et inutile. Il serait plus opportun de s'attaquer au capitalisme avide des GAFA et notamment de trouver le moyen de leur faire payer des impôts substantiels, ce qui serait le moyen de desserrer l'étau fiscal qui étouffe les petites entreprises.

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