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Un impôt mondial sur les sociétés ou comment accoucher d’un monstre fiscal

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Il s’agit d’une réforme improbable qui risque de ne pas rapporter grand-chose et de tout compliquer. Les entreprises ajouteront des formalités sans fin à celles qu’elles subissent déjà et paieront des impôts supplémentaires qui pèseront sur leurs investissements et sur les salaires.

Le monde politique se félicite d’un accord convenu par les ministres des Finances du G7, le 5 juin dernier, pour établir au niveau mondial deux mesures :

• un pilier 1 visant une allocation « équitable » des « droits à taxer » les profits des très grandes entreprises entre les pays du Nord et ceux du Sud, « les pays du marché [là où sont vendus les produits ou services] se voyant attribuer des droits d’imposition sur au moins 20 % des bénéfices dépassant une marge de 10 % pour les entreprises multinationales les plus grandes et les plus rentables ».
• un pilier 2 consistant en un impôt minimum sur les bénéfices des sociétés d’au moins 15 %, appliqué pays par pays

Les instigateurs de ce projet voudraient qu’il soit entériné au prochain sommet du G20 finances des 9 et 10 juillet, à Venise, après avoir été débattu au sein de l’OCDE dans un comité élargi à 139 pays riches et émergents. Ils proposent que ces mesures frappent les 100 multinationales les plus grandes et les plus rentables du monde, ce qui pourraient concerner une poignée d’entreprises françaises.

C’est un pas de géant, clame le chœur politiquement correct. Bruno Le Maire a évoqué des recettes à venir de « plusieurs milliards d’euros à l’échelle de la France », bien plus que les 400 millions d’euros de la taxe GAFA instituée pour le moment en France. Sous couvert de justice fiscale, l’objectif est bassement financier, conçu pour imposer les profits délocalisés des grandes entreprises et notamment des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Selon l’Observatoire européen de la fiscalité, avec un taux minimum de 15% d’impôt sur les sociétés, l’UE dans son ensemble gagnerait 50 milliards d’euros de recettes liées à l’IS et la France, 4,3 Md€. Au niveau mondial le gain pourrait aller jusqu’à 150 milliards de dollars (123,5 milliards d’euros).

Mais les calculs sont faits comme si les GAFA ne payaient quasiment pas d’impôt sur les sociétés. Or, comme le fait observer l’Institut Economique de Montréal, les rapports annuels des GAFA montrent qu’ils supportent déjà une fiscalité comparable à celle des entreprises traditionnelles. Apple, Microsoft, Google, Facebook et Amazon ont versé respectivement 10,9,7,4 et 3 milliards d’impôt en 2020, soit 33 milliards au total.

L’impact budgétaire de ces mesures a été estimé par l’OCDE au niveau mondial mais pas au niveau de chaque pays. Dans son rapport très complet à l’Assemblée nationale du 7 avril 2021 présenté par Mme Peyrol, la commission des finances, s’appuyant sur des travaux du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2020 et du Conseil d’analyse économique (CAE) en 2019,a conclu à « un impact plutôt positif des réformes pour la France, en termes de recettes fiscales ». Le pilier 1 serait neutre ou presque et le pilier 2 pourrait, selon la commission, rapporter entre 5 et 9 Md€. Pourtant, les très grandes entreprises françaises, Total, LVMH, Sanofi… risquent de subir une hausse sensible de leurs niveaux d’imposition sur les marchés où elles sont implantées. D’autres estimations s’établissent plutôt entre 1 et 9 milliards selon que les pays où le taux d’imposition est inférieur à 15 % comme l’Irlande (12,5%), la Bulgarie et la Roumanie (10%) et les paradis fiscaux relèveront ou non leur taux d’imposition pour s’aligner avec les 15 %. Le différentiel pourrait rester très modeste.

Une nouvelle usine à gaz

En réalité, l’opération risque d’être plus compliquée et moins rentable que prévu. Les pays qui pratiquent des taux d’impositions inférieurs à 15% sont plus que réticents envers la réforme. D’autres pays en développement voudront élargir le champ d’application des règles de partage du profit à plus de sociétés que les seules très grandes multinationales. Le Sénat américain n’est pas près d’approuver cette réforme et sans lui, l’Amérique ne signera pas. Les clés de répartition entre les pays des profits des multinationales selon la localisation des utilisateurs ne sera pas facile. Les exclusions déjà envisagées pour les industries minières extractives et les transports internationaux par exemple, feront l’objet de marchandages sévères. Chacun demandera son exemption ! Le Royaume Uni milite pour exonérer les banques et services financiers. La France plaide pour les industries du luxe…

Mais si jamais la réforme se fait, quelle machine infernale !

Un taux d’impôt ne veut rien dire s’il s’applique à des bases différentes. Que deviendront les innombrables régimes spéciaux de chaque pays ? Que deviendront les régimes particuliers de pays comme Malte ou Chypre qui pratiquent des taux normaux d’imposition liés à des dérogations ou exemptions nécessaires pour faire venir les investisseurs dans ces îles peu accessibles ?

Il faudra qu’au niveau mondial les bases de l’impôt et du contrôle de l’impôt sur les bénéfices des sociétés deviennent identiques. C’est une atteinte très grave et importante à la souveraineté des nations, qui conduira à supprimer toute concurrence fiscale entre les pays et à les empêcher d’adapter leur fiscalité à leurs besoins et contraintes. C’est le début de la mise en place d’une fiscalité uniforme au niveau mondial et d’une administration mondiale de contrôle des Etats et de leurs entreprises, car il faudra bien éviter la triche.

Au final, il s’agit d’une réforme improbable qui risque de ne pas rapporter grand-chose et de tout compliquer. Les entreprises ajouteront des formalités sans fin à celles qu’elles subissent déjà et paieront des impôts supplémentaires qui pèseront sur leurs investissements et sur les salaires (voir notre étude) avant de réduire encore la croissance. Car l’activité économique en souffrira et affaiblira la créativité et la profitabilité entrepreneuriale, au détriment des Etats eux-mêmes. Ceux-ci, qui croient renforcer leur pouvoir à cette occasion, le perdront au profit d’une technocratie mondiale. Tout ça pour ça, ou tout ça pour l’ego de quelques ministres à la recherche de reconnaissance, et pour satisfaire à une imbécile idéologie ambiante.

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2 commentaires

Charles Martel 15 juin 2021 - 9:06

Des impôts, des impôts, toujours des impôts…Un impôt mondial sur les sociétés ou comment accoucher d’un monstre fiscal
Et au bout de la chaine, qui paye les impôts? Ben nous voyons. Le principe est toujours le même, c’est le dernier qui trinque, les intermédiaires rigolent et s’engraissent quand les impôts augmentent puisqu’ils travaillent toujours en pourcentage sur les sommes qui transitent.

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Astérix 15 juin 2021 - 9:26

Un impôt mondial sur les sociétés ou comment accoucher d’un monstre fiscal
Créer des richesses au sens noble n’intéresse que le secteur privé que nos crétins de dirigeants assassinent avec des taxes toujours plus lourdes, jusqu’à la mort des entreprises !!
Qui paiera le salaire et les retraites des gens du secteur public ??????
Seuls les fonctionnaires irresponsables, car incompétents, préfèrent taxer ce qui est beaucoup plus facile et pas fatiguant, assis derrière son bureau….!
Il appartient aux Français de leur retirer le pouvoir concernant notre Pays .!?

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