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Les (très) gros problèmes de méthodologie posés par le rapport Oxfam sur les inégalités

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Des revenus et le capital humain qui ne sont pas pris en compte ; truquage des chiffres concernant l’héritage des fortunes, mépris des entrepreneurs : le rapport Oxfam est biaisé.

Le dernier rapport d’Oxfam sur les inégalités dans le monde, intitulé « Récompenser le travail, pas la richesse », donne encore une fois le ton du Forum mondial de l’économie qui se s’est tenu à Davos, en Suisse. A première vue, il semblerait que le monde devienne moins inégalitaire puisque 42 personnes sont supposées contrôler la moitié de la richesse mondiale cette année, alors qu’Oxfam n’en dénombrait que 8 l’année dernière. Mais l’ensemble révisé des données permet au rapport de conclure que la tendance vers des « inégalités toujours croissantes » se maintient. Les données ont peut-être été révisées, mais pas la méthodologie d’Oxfam, qui en aurait pourtant sérieusement besoin. Car cette manière d’évaluer les inégalités est toujours aussi défectueuse.

Les revenus et le capital humain sont exclus du calcul

Oxfam calcule l’inégalité globale sur la base de la richesse nette de chaque individu, c’est-à-dire les actifs moins les passifs. Les revenus sont exclus de ce calcul, qui s’en trouve faussé car il ne tient pas compte des diverses occurrences de la vie courante. Quelqu’un, par exemple, peut avoir une situation financière précaire (passifs élevés) mais jouir cependant d’une vie confortable grâce à des revenus conséquents.

Le capital humain joue aussi son rôle. Exemple : un diplômé d’Harvard ayant décroché son premier job n’a qu’un très petit capital de départ, voire aucun, en revanche sa dette pour le financement de ses études est importante. Mais cette dette représente un investissement sur ses revenus potentiels futurs. Sa situation n’est donc que temporaire. Il ne serait pas exact de dire que cet individu est nécessiteux. Comparons avec un fermier chinois dont les possessions sont limitées, mais qui n’a pas de dettes, ou peu. Selon les critères d’Oxfam, ce fermier se situe bien au-dessus de l’universitaire endetté, sur l’échelle mondiale de la richesse. Ne pas tenir compte du retour sur investissement, du risque ou des variations possibles dans la richesse et les revenus des individus, fausse singulièrement toute évaluation de leur situation économique.

Les rédacteurs du rapport prétendent résoudre ce problème en excluant de leurs données les personnes dotées d’une richesse nette négative. En procédant ainsi, ils constatent que la richesse de 128 milliardaires, au lieu de 42, égale celle de la moitié supérieure de la population mondiale. Cette statistique ne corrige en rien, cependant, le problème méthodologique que pose le calcul d’une richesse nette.

Le problème, ce n’est pas seulement qu’un diplômé d’Harvard n’est pas aussi pauvre qu’un fermier chinois. C’est que tous ceux qu’Oxfam classe dans la catégorie de la richesse négative peuvent vivre beaucoup mieux qu’on ne le croit. En évacuant purement et simplement les personnes qui ont une dette nette et en oubliant d’intégrer les revenus, Oxfam ne consolide pas une méthode dévoyée, il ne fait que brouiller le tableau.

L’épargne est aussi une forme de richesse

Autre oubli : les droits à venir, tels les héritages et les pensions, qui influencent les décisions que l’on peut prendre aujourd’hui et modifient la qualité de vie. En vérité, dans son livret d’information, « Une économie pour 99% », Oxfam essaie de nier le fait que les fonds de pension constituent une forme de richesse. Il argue que « même dans les pays où les fonds de pension sont des facteurs significatifs de l’investissement institutionnel, et où les bénéfices sont réellement partagés avec les retraités, la part de ces derniers dans ces très lucratifs revenus a baissé. » Même si tel était le cas, une baisse des pensions ne signifie pas qu’elles ne doivent pas être prises en compte dans la richesse nette. En fait, les fonds de pension prennent une part de plus en plus importante dans l’économie mondiale. Selon une étude de Willis Towers Watson, les fonds de pension gagnent rapidement du terrain dans le monde entier, surtout en Chine. Les retraites sont une part importante des revenus futurs de chacun, leur évaluation a un impact primordial sur les orientations financières prises dans la vie active.

Oxfam fait les gros titres avec ses statistiques sur le top des 1% ou sur les 50% les plus pauvres. Cette présentation délibérément agressive altère la vision que l’on peut avoir de la situation dans les dernières décades. Si l’on considère la tranche de la population gagnant plus de §50.000 en terme de parité de pouvoir d’achat (à pouvoir d’achat égal, elle a grossi en même temps que progressait l’économie mondiale.

Les héritiers parmi les riches sont peu nombreux : seuls 12,6% aux USA et 12,5% au R.U. sont des héritiers de deuxième génération

Our World in Data a pris en compte la répartition des revenus dans le temps. L’enquête révèle qu’au fur et à mesure que les revenus des riches augmentaient dans le monde depuis la révolution industrielle, ceux des pauvres suivaient. Il est vrai que le fossé entre les riches et les pauvres s’est élargi. Cependant, le nombre de hauts et moyens revenus a progressé de manière significative, tandis que le nombre de bas revenus a diminué, malgré la croissance démographique mondiale.

En outre, Oxfam néglige le fait que les riches ne sont pas toujours les mêmes. Les dynasties de riches n’existent pas dans les économies de marché, comme c’était le cas au temps des privilèges et de l’aristocratie. La richesse se conquiert, elle peut être anéantie, on entre dans ce monde et on en sort, dans un mouvement incessant. Les membres du top 1% sur les marchés les plus libéraux, comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, ont en grande majorité bâti eux-mêmes leur fortune ; seuls 12,6% aux USA et 12,5% au R.U. sont des héritiers de deuxième génération. Des études de Thomas Hirschl et Mark Rank montrent que 50% des Américains figurent au moins une année dans les 10% plus hauts revenus, et 11% au moins une année aussi dans le top 1%. Les économies modernes de marché témoignent d’un admirable dynamisme, et non de quelque système oppressif qu’il conviendrait de mépriser.

Les prescriptions politiques d’Oxfam, qui vont du plafonnement de la rémunération des cadres et des dividendes aux actionnaires, à une taxe mondiale sur la richesse avec programmes massifs de redistribution, compromettraient le système incitatif qui a nourri la prospérité mondiale. Les inégalités posent un réel problème, mais il faudrait surtout s’interroger sur l’assistanat, les réglementations et toutes ces dispositions institutionnelles, qui découragent la mobilité sociale et qui restent stériles. Pour être pris au sérieux, Oxfam devrait aussi s’attaquer au problème des partis-pris idéologiques et à la médiocrité des enquêtes. On ne peut avancer de propositions concrètes et saines sans une honnêteté intellectuelle irréprochable.

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2 commentaires

Sylvie 30 janvier 2018 - 6:10

L'appauvrissement par la redistribution
Un idéologue de gauche (ça va sur l'échiquier politique de Mélenchon inclus à Trump exclus) considère qu'il est plus moral de gagner 100 et partager 50/50, que de gagner 500 et partager 100/400. Tout est dit. Y compris que les fulgurants progrès techniques et de niveau de vie que nous avons réalisés en un peu plus d'un siècle, fruits de l'initiative d'entrepreneurs qui entendaient être rétribués pour, ne seront plus possibles en socialie pikettiste. Et que nous avons commencé notre inéluctable appauvrissement général, en faisant des proies de ceux qui s'occupent de faire de la création de richesse

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Lexxis 30 janvier 2018 - 3:18

ENFUMAGE DE LUXE
Les économistes, comme trop souvent les comptables d'ailleurs, ne comptent généralement que ce qui est le plus facile à compter, ce qui fait passer à la trappe l'incorporel. Même si on s'en tient à un calcul débile axé sur le seul patrimoine, il faut actualiser la rente des revenus et la situation d'un jeune conseiller d'État sans guère de patrimoine est considérablement plus enviable que celle du paysan de Lozère avec un troupeau de 50 vaches. Or chez Oxfam, c'est le paysan de Lozère le plus riche. Il n'y a pas besoin d'aller à Davos pour répandre de telles bêtises. Mais l'avantage à Davos c'est que les métastases d'un tel raisonnement n'affecteront qu'un public choisi et restreint qui a payé cher pour se faire enfumer.

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