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Pourquoi l’universalisation de l’assurance-chômage n’est pas souhaitable

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La réforme de l’assurance-chômage voulue par Emmanuel Macron comporte deux facettes indissociables : la nationalisation et l’universalisation. La première (la nationalisation) consiste à faire financer l’assurance-chômage, non plus seulement par les salariés et les employeurs via les cotisations, mais aussi par l’ensemble des contribuables (actifs, retraités, etc.) via une hausse de la CSG. Quant à la seconde (l’universalisation), elle vise à offrir la couverture chômage à tous les actifs, qu’ils soient artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professionnels libéraux, agriculteurs ou salariés ; ces derniers pouvant aussi être indemnisés en cas de départ volontaire.

S’agissant de l’ouverture aux travailleurs indépendants

Cette mesure soulève plusieurs problèmes. Il apparaît tout d’abord contestable que des travailleurs indépendants qui n’auraient jamais cotisé pour le chômage puissent soudainement bénéficier des mêmes droits en la matière que des salariés qui auraient cotisé pendant plusieurs années, à hauteur de 2,40% de leur salaire mensuel brut.

De surcroît, l’octroi du chômage aux travailleurs indépendants risquerait de casser la dynamique entrepreneuriale, comme il est parvenu à casser en partie la dynamique salariale au cours des dernières décennies.

Sans compter que la catégorie des travailleurs indépendants recouvre des situations très diverses, auxquelles il apparaît artificiel d’apporter un traitement uniforme. Comment peut-on en effet envisager d’indemniser de la même façon un avocat, un chef d’entreprise, un agriculteur ou un médecin ; sachant que ce dernier n’est a priori aucunement concerné par l’inactivité dès lors qu’il se trouve sur un marché en situation de sous-effectif chronique ?

Enfin, plusieurs catégories de travailleurs indépendants (avocats, chefs d’entreprises, etc.) disposent d’ores et déjà de la possibilité de s’assurer efficacement contre les aléas de leur activité par le biais d’assurances privées, lesquelles ont pour avantage d’être adaptées aux spécificités de chaque profession.

S’agissant de l’ouverture aux salariés démissionnaires

Emmanuel Macron entend également ouvrir l’indemnisation chômage aux salariés démissionnaires dans la limite d’une fois tous les cinq ans. On précisera d’emblée que certains cas de démission considérés comme légitimes (rupture pour suivi du conjoint, éducation d’un enfant handicapé, harcèlement moral, etc.) donnent déjà lieu à indemnisation.

Les démissions s’inscrivent comme un motif important de sorties de CDI puisqu’en 2012, elles ont représenté 57% de celles-ci (hors rupture de la période d’essai et départ à la retraite) contre 16% pour les ruptures conventionnelles et 27% pour les licenciements, dont 6% pour les licenciements économiques. Le flux annuel de démissions peut être estimé entre 900.000 et 1.100.000.

De même que pour les travailleurs indépendants, l’ouverture de l’indemnisation chômage aux démissionnaires poserait de nombreux problèmes. Elle se révèlerait, en premier lieu, déresponsabilisante dès lors qu’elle permettrait aux salariés de démissionner sans motif et d’être automatiquement indemnisés, sans aucune contrepartie. Elle risquerait également d’instaurer une ambiance délétère au sein des entreprises en soumettant, encore un peu plus, les chefs d’entreprise au bon vouloir de leurs salariés.

Du reste, cette mesure reviendrait à faire peser sur l’ensemble des contribuables le poids d’un chômage choisi et non subi par les salariés. Or, seul ce dernier devrait légitimement ouvrir droit à indemnisation, les contribuables n’ayant pas à financer les velléités entrepreneuriales ou les congés sabbatiques des salariés démissionnaires.

Enfin, il est important de souligner que cette mesure est totalement inédite puisqu’elle n’a été instaurée dans aucun pays jusqu’à présent ; ce qui, soit dit en passant, n’est guère surprenant compte tenu des écueils moraux qu’elle soulève.

S’agissant du coût de ces mesures

Actuellement, alors que seuls les salariés licenciés sont concernés, l’assurance-chômage représente déjà une dépense annuelle supérieure à 30 Md€. Ce coût serait mathématiquement supérieur si on ouvrait le système aux travailleurs indépendants ainsi qu’aux salariés démissionnaires.

Il va sans dire que le coût de ces deux mesures s’avère extrêmement délicat à évaluer car il n’est pas possible d’évaluer a priori les effets d’aubaines qu’elles pourraient générer ; cela étant, l’Institut Montaigne a estimé qu’elles pourraient coûter près de 9 Md€ aux finances publiques.

Une réforme malvenue

En somme, l’universalisation de l’assurance-chômage n’est aucunement souhaitable. En effet, cette réforme serait, d’une part, inadaptée à la situation des indépendants, qui auraient plus intérêt à recourir aux assurances privées, et d’autre part, bien trop généreuse à l’égard des salariés démissionnaires.

Elle serait en outre extrêmement coûteuse pour l’ensemble des contribuables amenés à financer ce système dispendieux par le biais de la CSG. Enfin, après les lois Aubry, elle risquerait d’accentuer encore un peu plus l’état d’esprit négatif qui prévaut déjà trop souvent à l’égard du travail en France.

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