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Emmanuel Macron n’a rien compris à la politique de l’offre

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Emmanuel Macron
Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, de nombreuses voix se sont élevées contre une possible remise en cause de la politique de l’offre poussée par Emmanuel Macron. Mais celle-ci a-t-elle vraiment existé ? Le président de la République a-t-il seulement compris ce qu’était une politique de l’offre ?

 Depuis le mois de juin 2024, chacun y va de sa petite phrase pour que la politique de l’offre mise en place par Emmanuel Macron ne soit pas abandonnée. L’ancien Premier ministre Edouard Philippe avertissait à la veille du scrutin : « Un des enjeux forts de cette élection, c’est de perdre la politique de l’offre ». Marc Ferracci, éphémère ministre délégué à l’Industrie dans le gouvernement de Michel Barnier, s’exprimant dans le quotidien suisse Le Temps en octobre 2024, prétendait que la remise en question de la politique de l’offre « serait délétère pour la France ».

Du côté des entreprises, le discours est le même. Lors de la Rencontre des entrepreneurs de France (REF), organisée par le Medef fin août 2024, son président, Patrick Martin, a remercié Bruno Le Maire, présent dans l’assistance, pour sa « politique pro-business » et a affirmé que la suspension de la politique de l’offre se paierait « cash » ! Quant à la CPME, elle a souhaité que « soit confirmée une politique de l’offre visant à soutenir les entreprises, la seule à même de générer cette croissance indispensable à notre pays ».

Félix Torres et Michel Hau, dans leur ouvrage « Le décrochage français » dont nous avons rendu compte en mai 2024, soutiennent même que la politique de l’offre a débuté en 2002 avec Jacques Chirac et qu’elle s’est poursuivie avec ses successeurs – Sarkozy, Hollande et Macron.

Une politique « pro-business », pas une politique de l’offre

Nous avons rappelé récemment ce que le tout nouveau président de la République promettait aux startuppers réunis au salon Viva Tech en juin 2017. Sept ans plus tard, son discours n’a pas changé. Au mois de mai 2024, devant 180 patrons étrangers réunis à Versailles pour la septième édition de Choose France, Emmanuel Macron vantait « le dynamisme de l’économie française, la réindustrialisation du pays et son attractivité malgré le ralentissement mondial ». Selon Les Échos, l’Élysée attendait de ce sommet, « un nombre de projets et un montant record d’investissements » avec « 56 annonces pour un total de plus de 15 milliards d’euros, et la perspective de quelque 10 000 emplois créés. En 2023, 28 décisions d’investissement pour un total de 13 milliards avaient été annoncées ». Bref, comme le disait le président de la République dans L’Express du 23 mai 2024, « on garde le cap, car notre stratégie est la bonne ».

Pour attirer les entreprises étrangères sur notre sol et favoriser l’émergence et le développement des entreprises hexagonales, Emmanuel Macron et ses Premiers ministres successifs (du moins les quatre premiers) énumèrent à l’envi les mesures prises depuis mai 2017 :

  • baisse de 33% à 25% du taux de l’impôt sur les sociétés et fin de la surtaxe exceptionnelle ;
  • baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ;
  • révision de l’assiette des impôts fonciers des sociétés ;
  • plafonnement des indemnités de licenciement et réforme du droit du travail ;
  • développement de l’apprentissage ;
  • réformes des retraites et de l’assurance-chômage ;
  • suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ;
  • création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% sur les revenus des placements financiers ;
  • loi Pacte qui, notamment, simplifie les seuils applicables aux PME, supprime le forfait social sur l’intéressement et la participation, facilite la transmission d’entreprise, permet de créer une entreprise 100% en ligne.

Cette politique, nous assure-t-on, a eu des résultats remarquables. Tout d’abord, le chômage a baissé, passant de 9,6% en 2017 à 7,3% au premier trimestre 2024. Ensuite, la France s’est réindustrialisée puisqu’elle compte désormais 500 usines de plus qu’en 2016. La croissance a également été supérieure à celle de nos principaux voisins européens (3% pour la France au cours des sept dernières années contre 0% pour l’Allemagne). Et l’attractivité du pays s’est renforcée, la France étant régulièrement en tête des classements européens.

Loin de nous l’idée de nier ce qu’a accompli Emmanuel Macron. Mais force est de constater qu’aujourd’hui la situation se dégrade : le chômage repart à la hausse, la croissance est en panne, les licenciements et les défaillances d’entreprises se multiplient, l’attractivité est en berne. Pourquoi ? La conjoncture ? Sans doute y est-elle pour quelque chose. Mais si les résultats ne sont pas au rendez-vous, c’est surtout parce que le président de la République n’a en rien mis en œuvre une politique de l’offre, pas plus que ses prédécesseurs.

Des réformettes plutôt que des réformes audacieuses

Une véritable politique de l’offre aurait été beaucoup plus audacieuse. Car, si nombre d’indicateurs se sont améliorés, ils restent globalement mauvais. Les impôts de production restent élevés (la France est vice-championne d’Europe derrière la Suède). Les charges sociales sur les salaires sont excessivement importantes et supérieures à celles de nos voisins et partenaires. Les retraites n’ont pas été réformées puisque le système par répartition, qui va droit à la faillite, n’a pas été remis en cause. Nous sommes toujours à la traîne en ce qui concerne la durée du travail des salariés : 1673 heures par an, soit trois semaines de moins qu’en Allemagne (1790 heures).

Pis, les baisses d’impôts réalisées par Emmanuel Macron, largement médiatisées, ont été compensées par des hausses, le plus souvent cachées. Par exemple, les impôts de production sont repartis à la hausse dès 2023. Le stock de normes n’a fait que croître depuis 2017 ; la simplification administrative a été oubliée.

Bref, loin des grandes réformes, loin de la révolution promise par le candidat Macron en 2017, sa politique n’a été faite que de réformettes qui nous laissent toujours loin derrière nos principaux concurrents. C’est pourquoi, comme nous l’indiquions il y a quelques jours, les chefs d’entreprise ne lui font plus confiance. C’est pourquoi le taux de chômage reste très supérieur à ce qu’il est chez nos principaux voisins et partenaires : 3,4% en Allemagne, 4,1% aux Etats-Unis, 4,3% au Royaume-Uni, 4,9% en moyenne dans l’OCDE, 5,8% en Belgique et en Italie (chiffres d’octobre 2024). C’est pourquoi le déficit du commerce extérieur se creuse un peu plus chaque jour. C’est pourquoi le PIB par habitant croît moins vite chez nous qu’ailleurs en Europe. C’est pourquoi la productivité s’est détériorée.

On se demande souvent pourquoi les Français épargnent tant (6 000 Md€ en 2024, soit 18% des revenus du pays). C’est probablement parce qu’ils sont inquiets de l’avenir du fait des dettes et déficits publics. Comment avec 3 200 Md€ de dette (112% du PIB) à la fin du troisième trimestre 2024, et avec un déficit étatique de 162,4 Md€ (6,1% du PIB) ne pas être inquiets ? Les Français comprennent que ces chiffres exécrables sont annonciateurs d’augmentations d’impôts et épargnent pour pouvoir y faire face.

Si les Français sont inquiets, les entreprises le sont également. C’est pourquoi elles limitent leurs embauches, leurs investissements, leurs innovations… prévoyant de nouvelles ponctions fiscales.

C’est d’ailleurs précisément ce qu’il est en train de passer depuis la rentrée de septembre 2024 : les projets de budgets successifs comportent tous une hausse des prélèvements obligatoires.

Augmenter les recettes pour accroître le poids de l’État

Il nous semble que si les dépenses publiques se sont si fortement accrues avec Emmanuel Macron, c’est parce qu’il l’a souhaité. En étatiste convaincu, il a toujours cherché à augmenter le poids de la sphère publique. Il a été à l’origine d’une recentralisation importante, tout devant se décider à l’Élysée.

Il a cru qu’en faisant quelques réformes, notamment en baissant quelques impôts, les recettes augmenteraient et viendraient naturellement améliorer les comptes publics sans qu’il soit besoin de réduire les dépenses. C’est sans doute ainsi qu’il faut comprendre la phrase présidentielle qui a tant fait polémique – « Nous n’avons pas un problème de dépenses excessives mais un problème de moindres recettes ».

Or les choses ne marchent pas de la manière dont Emmanuel Macron le pense. Comme l’a montré François Facchini dans un article récent, les pays qui ont connu la plus forte croissance de leur PIB par habitant sont ceux qui ont le moins augmenté leurs ratios de dépenses publiques. La plupart des pays qui ont rattrapé et dépassé la France entre 1980 et 2022 ont engagé « une politique d’austérité expansive » en baissant leurs dépenses publiques et en mettant leur population au travail par une réforme de leur régime de retraite et de leur marché du travail.

C’est aussi ce que démontre Xavier Fontanet, l’ancien président d’Essilor, qui aime projeter le schéma ci-dessous, provenant du MIT, lors de ses conférences. On y voit clairement que les pays qui ont connu la plus forte croissance pendant la période 2009-2013, au sortir de la crise des subprimes, sont ceux qui ont baissé simultanément leurs dépenses publiques et leurs impôts.

 

Manifestement Emmanuel Macron n’a pas choisi la bonne politique du « en même temps » !

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7 commentaires

Yves, Montenay 22 janvier 2025 - 9:23 am

Xavier Fontanet a insisté sur le fait qu’il fallait travailler davantage, ce qui est une évidence. L’offre, c’estd’abord l’offre de travail, et si on assimile un instant, le niveau de vie à la consommation, on ne peut à long terme, consommer que ce qu’on a produit ou échangé.
Cette position ressemble beaucoup à la mienne, qui est démographique (augmenter le nombre d’actifs ou le nombre d’années de travail)
Dans les deux cas, le système de retraite est indifférent : ce qui compte c’est le travail et non l’organisation financière. L’argent ne se transforme pas en aides-soignants

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Kierszbaum 22 janvier 2025 - 10:46 am

Merci d’adresser cet article de toute urgence à Matignon et à Bercy !! Pour la destination Élysée, c’est manifestement trop tard.

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Laurent46 22 janvier 2025 - 11:03 am

A part son incompétence, sa très grande prétention et son goût pour le luxe et le fric des autres, trouvez moi un sujet qu’il aurait compris ?

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Virgile 22 janvier 2025 - 12:19 pm

Le malheur est qu’il n’y a pas que ça qu’il ne comprend pas. Vu ses échecs sur tous les plans, on peut douter de sa compétence!

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Jacques Baudouin 22 janvier 2025 - 1:11 pm

Question : Qu’est-ce macron a compris à l’économie ?
Nous subirons son incompétence jusqu’en 2027 !

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Guerin Patrice 22 janvier 2025 - 1:22 pm

Comment faut-il expliquer à ces êtres supérieurs qui pensent nous gouverner qu’avant de distribuer de la richesse ( aide , subvention , hausses de salaires) , il faut d’abord la créer , le contraire de ce qui se passe de nos jours puisque la croissance de la masse monétaire est supérieure à celle de la richesse produite.
Travailler davantage est bien sûr un élément clé . Réduire de façon drastique les dépenses (absurdes dans bien des cas) d’un Etat irresponsable est bien entendu incontournable , le graphique ci-dessus le montre avec éloquence. Mais ne pas oublier que la politique de l’Offre doit d’abord commencer par l’Offre de perspectives dont on tant besoin à la fois les Patrons et les Salariés.

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Virgile 28 janvier 2025 - 1:18 pm

Vu l’échec patent de cette politique ils ne se remettent pas en question ?

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