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La France est-elle si attractive qu’on le dit ?

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Les médias ont fait leurs choux gras ces derniers jours du baromètre de l’attractivité de la France publié par le cabinet de conseil EY. Notre pays semble, en effet, tirer son épingle du jeu puisqu’avec 1 027 investissements étrangers réalisés en 2018 (+ 1 % par rapport à 2017), la France dépasse désormais l’Allemagne. Il n’en fallait pas plus pour que journaux, radios et télés fassent leur une sur cette « bonne nouvelle » selon les propos de Bruno Lemaire, le ministre de l’économie et des finances.

Les investissements étrangers (973) en Allemagne baissent de 13 % entre 2017 et 2018 tout comme au Royaume-Uni. Ce dernier pays conserve tout de même la première place du podium avec 1 054 investissements étrangers. En moyenne, les pays européens voient leurs investissements étrangers baisser, en nombre de projets (6 356), de 4 % en 2018.

La France, 1ère pour la R&D et l’industrie

Cette bonne performance française est principalement due au fait que notre pays est la première destination européenne des investissements étrangers pour la R&D et l’industrie.

Dans ces deux domaines, la France devance largement ses suivants. Elle cumule davantage de projets en R&D (144) que le Royaume-Uni (74) et l’Allemagne (64) réunis. L’Hexagone est aussi en tête pour les projets industriels (339, dont 80 % d’extensions), devant la Turquie (203) et l’Allemagne (152).

Au mois de mai 2019, le cabinet A.T. Kearney a publié un classement qui portait sur les investissements mondiaux. La France y figurait à la cinquième place, derrière les États-Unis, l’Allemagne, le Canada et le Royaume-Uni. Viennent ensuite le Japon et la Chine. Cette fois, la France est devancée par ses voisins. Voilà qui relativise les résultats présentés par EY qui portent pourtant sur la même période (des différences dans les méthodes de calcul sans doute) !

De nombreux bémols

Nous nous réjouissons de cette bonne place française. Mais il est nécessaire de regarder les autres chiffres du baromètre EY. Ils relativisent encore davantage les bons chiffres mis en avant.

Soulignons d’abord qu’en dépit du Brexit, qui n’en finit pas de se concrétiser et qui plonge l’économie britannique dans une grande incertitude, le Royaume-Uni a accueilli l’année dernière davantage d’investissements étrangers que la France.

Les perspectives pour 2019 ne sont guère encourageantes pour la France. Après l’enthousiasme – pour ne pas dire l’irrationnelle euphorie – qui a suivi l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, le soufflé est en train de retomber. Alors que 55 % des dirigeants internationaux interrogés par EY en 2017 pensaient que l’attractivité de la France allait s’améliorer au cours des trois prochaines années, ils ne sont plus, cette année, que 30 % à avoir cette opinion. Une baisse de 25 points qui s’explique sans doute par le dessillement des yeux de ces mêmes dirigeants qui s’aperçoivent que les grandes réformes annoncées n’ont pas la taille requise.

Conséquence immédiate de ce réveil, les dirigeants internationaux ne sont plus que 19 % à envisager des investissements en France en 2019, contre 24 % l’année dernière. Une baisse de 5 points qui pourraient faire descendre notre pays de la deuxième marche du podium.

Les dirigeants interrogés par EY mettent en avant les atouts français : des spécificités sectorielles fortes (aéronautique, luxe, biotechnologies principalement), un rayonnement touristique certain, sa capacité d’innovation et de recherche, son accessibilité internationale et ses infrastructures.

Mais les efforts qui restent à accomplir ne sont pas oubliés :
– intensifier l’action de simplification administrative pour les entreprises (47 % des investisseurs interrogés) ;
– améliorer la compétitivité fiscale de la France (44 %) ;
– poursuivre l’action de réduction du coût du travail (37 %) ;
– aller plus loin dans la réforme du droit du travail vers une plus grande flexibilité (32%) ;
– repenser le dialogue avec les partenaires sociaux (31%).

Dans son baromètre EY fait le cumul de certains projets considérés comme stratégiques sur la période 2009-2018. Le tableau ci-dessous en fait la synthèse :

Cumul des investissements 2009-2018

Royaume-Uni Allemagne France Pays-Bas
Projets de centres de décision 679 301 226 239
Projets dans le secteur digital 1 971 1 142 860 365
Projets en provenance de Chine et d’Inde 854 853 257 206
Projets en provenance des États-Unis 2 951 1 624 1 505 701
Total des projets stratégiques 6 455 3 920 2 848 1 511

On remarque que la France est systématiquement devancée par le Royaume-Uni et l’Allemagne, et même parfois talonnée et dépassée par les Pays-Bas qui ont presque quatre moins d’habitants.

D’autres études relativisent l’attractivité française

Alors, cette deuxième place dans le baromètre de l’attractivité en 2018 n’est-elle qu’un feu de paille ? On pourrait le croire à la lecture d’autres études publiées ces dernières semaines.

Citons, par exemple, celle conduite par BCG et Cadremploi qui montre que 76 % des experts du digital français sont prêts à quitter l’Hexagone (contre 67 % en moyenne mondiale). Et où veulent-ils aller ces « french geeks » ? Au pays des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) ? Non ! Au pays des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiomi) alors ? Pas davantage ! Ils rêvent de Suisse et de Canada, des pays où la qualité de la vie leur semble supérieure à la nôtre.

Autre chiffre, celui du nombre de candidatures d’étudiants étrangers (extra-européens) aux universités françaises. Il est en baisse de 22% par rapport à 2018, selon le point fait en février par Campus France. Et l’augmentation des frais universitaires voulue par le gouvernement n’y est pour rien. L’hémorragie est plus ancienne : déjà en février 2018, on observait une chute de 25 % par rapport à 2017 ; et entre 2011 et 2016, le nombre d’étudiants non européens a baissé de 8,5 % en France tandis qu’il progressait de 37 % aux États-Unis.

Les acteurs de la nouvelle économie et les étudiants étrangers qui désertent la France, cela relativise encore un peu plus l’attractivité du pays.

Intensifier le rythme des réformes, mais surtout leur profondeur afin, comme le rappelait il y a quelques jours Jean-Philippe Delsol, que les Français soient davantage libres et responsables, s’avère donc indispensable.

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2 commentaires

Laurent46 11 juin 2019 - 1:06

Avec l'argent public !
Les gros investisseurs aiment la France. Un cahier des charge pour créer 1000 à 2000 emplois rien de tel pour faire baver toutes la minable classe politique. Bien entendu pour ce faire les investisseurs demandent des aides plusieurs millions par site qui ouvre ses porte et les referme aussi vite une fois les aides et le liquide de la société acheté mis à l'abri à l'étranger.
Mais rien de tel pour faire brailler les politiques "On a gagné" ! mais à y regarder de près c'est la déconfiture aidée en cela par la multitude d'Enarques devenus conseillers après avoir fait un stage à Bercy histoire de bien montrer aux investisseurs l'art et la manière de piller le pays France.

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Philbert Carbon 13 juin 2019 - 9:58

La France est sortie du top 10 mondial des écosystèmes startup
Dans Madyness ce matin :
"Paru mi-mai, le rapport Startup Ecosystem Rankings, cru 2019, établi conjointement par Crunchbase, Similarweb et Coworker, a fait couler beaucoup d’encre… outre-Atlantique. Et pour cause : les États-Unis se classent une fois de plus premiers au classement des écosystèmes les plus attractifs pour les startups. Côté français, c’est plutôt la désillusion. Après plusieurs années durant lesquelles l’attractivité de l’Hexagone n’avait cessé de grimper, la cote de la France est en berne. Elle a perdu deux places au classement, sortant du top 10 pour s’établir à la onzième place. Une petite forme qui contraste avec le dynamisme d’autres écosystèmes européens : les Pays-Bas gagnent neuf places pour entrer dans le top 10, directement à la sixième place ; et l’Espagne en gagne quatre, passant devant la France pour ravir la dixième place."
ttps://www.maddyness.com/2019/06/12/etude-france-ecosystemes-startup/

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