L’esprit européen ? Jetez un œil sur la manière dont l’Europe fonctionne réellement, vous le verrez à l’œuvre. Vous verrez clairement qu’il existe, non pas malgré les diversités du continent, mais grâce à elles. A la base de cette construction complexe, il y a des racines culturelles communes.
L’année écoulée fut plutôt bonne pour l’Europe. En 2017, son économie s’est améliorée, l’immigration a régressé et les tensions avec la Russie n’ont pas fait les gros titres des journaux. Même le problème de la dépense publique en hausse a été évacué, du moins pour le moment, par la politique monétaire plutôt laxiste de la Banque centrale européenne. Sur le plan politique, cependant, il est évident que tout ne va pas comme sur des roulettes. Au niveau des États, les partis traditionnels doivent affronter des mouvements dits populistes et nationalistes. Au niveau du continent, certains gouvernements, estampillés comme « autocratiques », « populistes » ou « nationalistes », sont marginalisés. D’une manière générale, l’Europe a eu recours à une régulation excessive pour protéger son économie, ce qui globalement affaiblit sa compétitivité et renforce les tendances protectionnistes. En outre, les « normes de valeur » qu’elle impose dans le domaine commercial lui aliènent des partenaires ; même chose dans le domaine politique, avec l’arrogante usurpation d’une prétendue supériorité éthique. Les valeurs qui sous-tendent ces règles ne sont pas forcément partagées par les sociétés qui les subissent en son sein, et ne parlons pas des membres d’autres cultures.
L’obligation d’être heureux
A cause de cette « harmonisation » – décrétée par l’outrecuidante Europe technocratique – beaucoup de préférences locales et d’habitudes ancestrales sont détruites. Sous prétexte de combattre le nationalisme, l’Union européenne tend à remplacer les patriotismes régionaux par une autre espèce de nationalisme, froid, technocratique. Dans ce contexte, il n’est pas inutile de rappeler la brillante définition de De Gaulle : « Le patriotisme, c’est aimer son pays. Le nationalisme, c’est détester celui des autres. »
Les mouvements que l’on appelle populistes en Europe ne sont nationalistes qu’en surface. En réalité, leurs adhérents rejettent l’harmonisation et sont motivés par des sentiments patriotiques, qui ont fait la force de la tradition libérale et tolérante de l’Europe.
Certains pays européen sont aujourd’hui qualifiés avec mépris d’autocratiques. Mais si l’on y regarde de plus près, c’est l’Union européenne elle-même, avec son élite boursouflée, qui est devenue indiscutablement autoritaire. Cette élite de Bruxelles et de quelques autres pays membres n’a que trop tendance à vouloir décider de ce qui est le mieux pour la population, pour la grandeur de l’Europe (« make Europe great »). Cependant, cette manière d’imposer le bonheur aux citoyens limite drastiquement leur liberté personnelle et leur liberté de choix.
Les fondations de l’Europe, les diversités de toutes sortes, sont menacées
L’archiduc Otto von Habsburg (1912 – 2011) – fils aîné du dernier empereur austro-hongrois – longtemps membre du Parlement européen, a consacré sa vie à l’unité européenne dans la paix après la seconde guerre mondiale. Il a souvent tiré la sonnette d’alarme contre les politiciens qui promettent le paradis sur terre : c’était paver le chemin pour l’enfer, insistait-il, car le monde n’est pas parfait et ne le sera jamais. Cette constatation basique n’a pourtant jamais empêché les dirigeants de la promettre, cette société parfaite – une aberration qui conduit à des folies furieuses dont le marxisme est un exemple terrifiant. Aujourd’hui, cette quête dangereuse prend la forme d’un Etat-providence en expansion constante. Un processus qui ronge graduellement, subrepticement, les libertés individuelles.
L’archiduc a formulé cet avertissement il y a 40 ans. Aujourd’hui, les fondations de la liberté, les diversités régionales et autres sont menacées en Europe. Quand le libéralisme et la tolérance chrétienne sont sacrifiés par facilité, il ne faut pas s’étonner de voir émerger des partis du type populiste.
Le régime technocratique de l’UE fournit aux partis politiques traditionnels une assise confortable. Au lieu de s’attacher aux principes de liberté, de diversité sous toutes ses formes, ces vieux organes se laissent en permanence attirer vers les sombres démons familiers de la gauche – opportunisme politique et contrôle. S’appuyant sur des valeurs qu’ils définissent eux-mêmes, peu soucieux du politiquement correct, les mouvements populaires qui s’opposent à cette tendance sont la cible de diffamations féroces. La diversité des opinions, les débats basés sur des faits, même s’ils donnent lieu à des échanges rudes, sont essentiels à toute culture politique aspirant à sauvegarder la liberté. Et diaboliser les nouveaux mouvements politiques et les gouvernements démocratiquement élus, à l’intérieur de l’Europe comme à l’extérieur, est une réaction autoritaire.
Les conséquences pour l’Europe seront terribles
Le danger ne vient pas des prétendus mouvements populistes et nationalistes européens, mais plutôt des bastions technocratiques qui phagocytent le pouvoir et prétendent être les seuls à même de dispenser prospérité et bonheur. Comme dans le vieux système soviétique, la perte de liberté déclenchera un rapide déclin de la compétitivité, une progression de la misère économique dans des sociétés en principe plus égalitaires, et l’émergence d’une nomenklatura politique toute puissante. L’Europe devra profiter des vents favorables qui soufflent en ce moment sur l’économie et sur un contexte politique relativement calme pour restaurer ses principes libéraux fondamentaux.
Ces principes, qui, ancrés dans la philosophie de la liberté et de la responsabilité individuelles, ont permis de bâtir une Europe forte et prospère.
Tels sont mes vœux pour la nouvelle année 2018.
Michael von Liechtenstein
Moins d’Europe pour sauver l’Europe !
« Europe is back », a clamé Emmanuel Macron lors de son voyage en Chine. Avant de savoir exactement ce qu’il a vraiment obtenu en Chine, nous avons des raisons de nous inquiéter de ce à quoi ressemblerait l’Europe d’Emmanuel Macron. Rappelons d’abord quelques faits. Au mois de juillet 2017, quelques semaines seulement après son élection, E. Macron a commencé par nationaliser les chantiers navals STX plutôt que de les laisser entièrement entre les mains de l’acheteur italien Fincantieri SpA. Il a aussi choisi de s’opposer à la directive européenne sur les travailleurs détachés originaires de plusieurs pays membres de l’Union européenne. Et lorsqu’il était ministre, il avait stoppé les importations de produits laitiers en provenance de la Belgique, de la Suède et de l’Allemagne. En 2017, ces importations avaient baissé de 24 % depuis la Belgique et de 25 % depuis la Suède.
En octobre dernier, lors d’un discours sur l’Europe, E. Macron avait laissé comprendre qu’il fallait plus de réglementations, de contrôles, et parlait même d’un salaire minimum européen. Il envisagerait donc un « renforcement » de l’Europe par le haut et non par le bas. Ce n’est pourtant pas la vocation européenne construite sur le socle de la subsidiarité, ni le souhait des peuples, en particulier ceux qui ont voté ces dernières années pour des mouvements politiques populistes. Ces peuples ne veulent pas d’un « Bruxelles plus », mais plutôt un « Bruxelles moins ».. Le Brexit n’a été que l’aboutissement d’un mouvement contre la technocratie bruxelloise et contre les vagues d’immigrés au sein d’un pays en très bonne santé économique. Comme c’est le cas aussi d’autres pays touchés par la vague populiste : Pays-Bas, Autriche, Allemagne… Dans ces pays, il n’y a pratiquement pas de chômage, mais il y a le rejet des réglementations et la peur des immigrés (même dans les pays de l’Est de l’Europe, cette peur apparaît dans les sondages…).
L’harmonisation européenne est contre les peuples
Les récentes élections en République tchèque ont d’ailleurs fait élire un euro-sceptique dans un pays où plus de 80 % de la population est contre la monnaie unique. Les peuples semblent donc se prononcer contre une forme « d’harmonisation européenne ».
Malheureusement, le prochain gouvernement allemand sera composé d’une alliance avec le SPD qui affiche de plus en plus ses idées centralisatrices et favorables à une harmonisation européenne. Ce parti vient pourtant d’obtenir l’un de ses plus mauvais résultats électoraux depuis 1949 ; une alliance de Mme Merkel avec son leader, Martin Schulz, laisserait de côté les électeurs du FDP et de l’AFD, résolument contre la technocratie bruxelloise. Une Allemagne de moins en moins libérale et de moins en moins réformatrice pousserait la France vers l’option moins de réformes et plus d’Etat.
En 2005, paraissait l’essai du célèbre dissident soviétique Vladimir Boukovsky intitulé « L’Union européenne, une nouvelle URSS ? ». Dans ce livre visionnaire, l’auteur mettait en garde contre la transformation de l’idée européenne en un monstre bureaucratique et prédisait plusieurs soubresauts à l’intérieur des pays membres. Les événements qui ont suivi en Europe lui ont donné raison.
En fait, le paradoxe c’est que l’Europe ne sera pas sauvée grâce à plus d’Europe mais à … moins d’Europe. C’est-à -dire plus de subsidiarité, plus de libertés et de concurrence. Il faudrait montrer aux peuples européens que les changements viennent d’en bas, de l’individu et de la société civile, pas de la Commission qui est aujourd’hui une sorte d’épouvantail technocratique. Moins de directives et plus d’initiatives individuelles garderont l’esprit européen en vie. Mais cela ne semble pas la voie choisie par la France.
Nicolas Lecaussin