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France Stratégie, ou une vision biaisée de la réalité de l’emploi public en France

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France Stratégie a publié un rapport pour soutenir que l’emploi public n’est pas aussi important en France qu’on le dit trop souvent. Mais ses chiffres sont biaisés et son rapport n’observe pas les conséquences de l’emploi public sur la croissance et le dynamisme économiques.

Evolution et nature de l’emploi public en France et en Scandinavie

+Comparatif de l’évolution de l’emploi public+

France Stratégie a publié le 21 décembre 2017 un état comparatif de l’emploi public entre pays. L’étude ne s’intéresse, cependant, qu’aux fonctionnaires (emploi dans les administrations publiques) et pas à l’emploi public au sens large, étendu aux agences de l’Etat et aux entreprises publiques et parapubliques. Ces résultats sont donc faussés dès le départ.

L’institut tire de ces statistiques l’idée que le niveau de l’administration en France est élevé mais qu’il y a pire en Norvège, en Suède, en Finlande et au Danemark – donc que tout va bien. Mais il en ressort surtout que les dépenses relatives aux rémunérations des fonctionnaires publics sur le PIB sont, en France, au 4ème rangs des plus élevées de l’OCDE, atteignant 13% du PIB. Loin devant l’Irlande et l’Allemagne (7% du PIB) et le Royaume Uni (9% du PIB). Par ailleurs, l’étude confirme ce que l’on sait depuis longtemps : la France est championne toute catégorie de la dépense sociale (en espèces et de transferts en nature) atteignant 35% du PIB.

Qu’en est-il, alors, des pays classés par France Stratégie devant la France, en termes d’emplois publics ? Le Royaume-Uni servira de référence : l’emploi public y a diminué de 24% entre 1980 et 2018 et de 10% entre 2010 et 2016, ce qui représente 600 000 fonctionnaires de moins sur cette dernière période.

Ainsi qu’on peut l’observer sur le graphique 1 ci-dessous, tous les pays cités par France Stratégie connaissent une croissance des emplois publics, mais à un rythme très différent. Par exemple, en Norvège le rythme de création d’emplois publics est effréné : +87% entre 1980 et 2018. En Suède en revanche, la croissance de l’emploi public a d’abord diminué de 5,1% entre 1980 et 2010 puis a augmenté de 9% entre 2014 et 2018.

Graph 1. Croissance de l'emploi public en 1980 et 2017

Graph 1. Croissance de l’emploi public en 1980 et 2017

Enfin, selon l’étude copubliée par l’IREF et Contribuables associés sur la situation de la fonction publique dans 16 pays de l’OCDE[[Fonction publique français : le dernier dinosaure, Contribuables associés et IREF, 2011.]], la part d’emplois publics au sein de la population active (hors chômeurs) en France était de 21,90% en 2011 ; elle est en 2016 de 22,5%. Ce taux augmente aussi, pour les mêmes années, en Norvège, en Suède et en Finlande. Au Royaume-Uni, les chiffres indiquent 19% en 2011 et 16% en 2016 soit une réduction de 430 000 fonctionnaires. (voir Tab. 1.)

Tab. 1. Part des emplois publics sur la population active (hors chômage)

Tab. 1. Part des emplois publics sur la population active (hors chômage)

Certes, les emplois publics augmentent plus et sont plus nombreux en Scandinavie qu’en France, mais s’arrêter à une telle comparaison serait lacunaire.

La fonction publique en France et en Scandinavie : changement radical de contexte
En France, la fonction publique jouit d’un statut particulier, d’un autre siècle, qui lui offre une série d’avantages : l’emploi à vie, le reclassement systématiquement préféré au licenciement, une rémunération par ancienneté, des aides familiales supplémentaires, un régime spécial de retraite.

Or, ces avantages n’existent tout simplement pas en Suède, en Norvège ou en Finlande (voir aussi l’article de l’IREF de 2013 sur la fonction publique Suède vs France).

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Le rapport entre le poids des dépenses publiques et l’importance de l’emploi public dans la population active de ces pays montre que la fonction publique scandinave est plus nombreuse mais moins onéreuse et plus efficace, sans doute parce qu’elle ne bénéficie pas d’un statut spécial.

France Stratégie élude la comparaison des performances économiques des pays concernés

Ainsi, les statistiques de France Stratégie sont biaisées parce qu’elles observent uniquement, à un moment donné, la situation de la France et surtout ne comparent pas les conclusions de l’étude à l’ensemble des résultats économiques des pays.

Toute la question est de savoir si l’activité productive est plus efficace dans ces pays scandinaves qu’en France, donc, s’il existe une contrepartie suffisante aux dépenses publiques. La part de dépenses publiques étant plus élevée en France, on pourrait d’ores-et-déjà en déduire, d’une part que l’Etat français dépense trop par rapport à sa propre richesse et d’autre part que la Norvège, la Finlande et la Suède ont une économie plus productive.

Déterminons, par conséquent, les différences entre la France et la Scandinavie en ce qui concerne leurs activités productives.

+La croissance de l’emploi privé est un indicateur comparatif important+

La croissance des emplois privés (Graph. 2) est bien plus faible que celles des emplois publics partout, sauf au Royaume-Uni et en Suède. Ais elle s’est nettement accélérée entre 2010 et 2018 en Norvège (+5,6%), en Suède (+11,7%) et au Royaume-Uni (+14,3%). En revanche, la France connaît sur cette période d’abord un recul, puis une faible hausse à partir de 2014 (+3.3%). Ainsi, dans les pays nordiques où la croissance de l’emploi public est plus importante qu’en France, la croissance de l’emploi privé est également plus rapide. Donc qu’il y a en proportion plus d’individus qui rentrent sur le marché du travail qu’en France.

Graph 2. Croissance de l'emploi privé entre 1980 et 2017

Graph 2. Croissance de l’emploi privé entre 1980 et 2017

+Pourquoi alors l’emploi privé croît plus lentement en France ?+

Le niveau de liberté économique est déterminé par deux classements mondiaux, le Economic Freedom Ranking 2015 de l’Institut Fraser et le Doing Business 2017 de la Banque mondiale.

Le premier classement mesure la taille du gouvernement, le système légal et le droit de propriété, la qualité de la monnaie et l’ouverture au commerce international. La France s’y positionne à la 52e place, la Suède est 27e, la Norvège 25e, la Finlande 17e et le Royaume-Uni 6e. Dans ce premier classement, tous pèchent sur la charge de leur dépense publique, mais la France est le pays qui a la plus mauvaise note pour ce qui concerne les transferts et subventions publics.

Ce qui coule aussi la France, c’est son marché du travail trop rigide, notamment ses réglementations sur le salaire minimum, les règlements sur les licenciements et l’extension des contrats syndicaux aux salariés non-syndiqués. Dans tous ces domaines, elle obtient la pire notation. En Norvège, en Finlande et en Suède il n’existe simplement aucun salaire minimum et la durée légale du travail est fixée à 40h. Le marché du travail est également plus souple dans ces pays où la flexisécurité a été adoptée. Par exemple il est possible en Finlande, pour tout contrat de moins d’un mois, de se contenter d’un accord oral entre l’employeur et le salarié.

Le second classement mesure le niveau de l’environnement réglementaire des affaires, afin de déterminer s’il est favorable à la création et au développement d’entreprises. La France y est à la 31e position, le Royaume-Uni est 7e, la Norvège 8e, la Suède 11e et la Finlande 14e. Si les pays scandinaves sont si biens classés c’est parce qu’ils ont dérèglementé et privatisé des services publics, notamment dans les domaines de la téléphonie, des transports, de l’électricité ainsi que la poste.

Ce qui handicape la France dans ce classement, c’est notamment la lourdeur des procédures, délais et coûts nécessaires pour qu’une entreprise puisse en acheter une autre. Il y a ainsi en France 8 procédures différentes à suivre pour ce type de transaction, qui prennent en moyenne 64 jours ; une seule suffit en Norvège et en Suède, de respectivement 3 et 7 jours.

Enfin, et l’on s’en doute déjà, la France est déclassée par son taux d’imposition des entreprises élevé et sa quantité de démarches administratives. Le total à payer (impôts + cotisations obligatoires) pour une PME est de 62,2 % du bénéfice brut, contre 38,4% en Finlande, 49,1% en Suède et 37,8% en Norvège. Le temps passé, par année, à préparer, déclarer et payer ces impôts, la TVA et les cotisations sociales, représente en France 139h, contre 122h en Suède, 93h en Finlande et 83h en Norvège.

Tous ces éléments ont des conséquences directes sur la qualité du marché du travail et sur la croissance économique.

+Le taux de chômage est plus élevé en France+

Même si ces pays connaissent, comme la France, une augmentation du nombre de fonctionnaires, ils ont, en revanche, un taux de chômage plus faible, de manière continue depuis 1990 – à l’exception de la Finlande qui a connu un taux de chômage supérieur à 10% entre 1992 et 1998. Cela s’explique par la souplesse et la liberté économiques qui les distinguent de la France. Ainsi, en 2017, le taux de chômage en France est de 9,5% contre 8,7% en Finlande, 6,4% en Suède, 4,2% au Royaume-Uni et 4% en Norvège.

+Et la croissance économique plus lente aussi en France+

La croissance du PIB en volume a beaucoup ralenti entre 2011 et 2012, en France, en Finlande et en Suède, se stabilisant respectivement à +0,2%, -1,4% et 0%. Toutefois, la Finlande a réussi à relancer sa croissance économique à 1,9% en 2016. De même pour la Suède où le PIB a augmenté de 3,1% en 2016.

En revanche, la France a conservé une croissance du PIB faible de 1,1% et la Norvège (PIB continental, hors offshore) a vu son PIB diminuer à 1,6% en 2016. Or, contrairement à la France, la Norvège est touchée depuis 2014 par la forte baisse des cours du pétrole alors même que le pays a une industrie pétrolière très importante (environ 20% du PNB et 1/3 des exportations). Cela a entraîné une diminution des investissements dans ce secteur, qui s’est répercutée sur l’économie continentale dans toutes les entreprises liées directement ou indirectement au pétrole.

Ainsi, la croissance économique reprend plus rapidement en Finlande, en Suède et en Norvège – qui connaît une crise – qu’en France. Là encore, la liberté économique est le principal moteur de cette reprise.

Conclusion

Contrairement à l’idée dont France Stratégie veut nous convaincre, il est faux de dire que la situation est pire en Scandinavie. L’institut traite de l’emploi public sous le mauvais angle. Se contenter de dire que trois pays ont plus de fonctionnaires que la France pour en conclure qu’il n’y a pas d’excès dans notre pays n’est en rien un indicateur de performance économique.

Au contraire, ces trois pays, même s’ils comptent plus de fonctionnaires, ont en contrepartie des activités productives qui génèrent plus de richesse qu’en France. Si bien que leurs dépenses publiques en pourcentage du PIB sont plus faibles.

L’Etat français accuse un retard conséquent en matière d’assouplissement du marché du travail et de liberté économique, et substitue ses décisions à l’action individuelle. Ce retard, et l’absence des réformes nécessaires, expliquent le taux de chômage élevé, la lenteur de création d’emplois privés et, en finalité, le faible taux de croissance du PIB français.

Graph 1. Croissance de l'emploi public en 1980 et 2017
Graph 1. Croissance de l'emploi public en 1980 et 2017
Tab. 1. Part des emplois publics sur la population active (hors chômage)
Tab. 1. Part des emplois publics sur la population active (hors chômage)
g3-24.jpgGraph 2. Croissance de l'emploi privé entre 1980 et 2017
Graph 2. Croissance de l'emploi privé entre 1980 et 2017

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3 commentaires

laurent 46 16 janvier 2018 - 5:16

pas tout à fait vrai !
Le problème est simple, nous sommes les premiers en terme de taux du chômage, les premiers au niveau des taxes et charges, les premiers en terme d'endettement toutes proportions gardés, et pas les premiers dans l'emploi public ! ce n'est pas normal, sauf que dans ces chiffres on oublie la SNCF avec les mêmes avantages et un trou abysal comblé par l'Etat, EDF eidem et pire encore le Nucléaire et toutes les associations voir fondations qui vivent exclusivement des fonds publics,et peut être aussi les emplois des colectivités locales largement sous évalué.
Alors si on fait le compte réel, ne sommes nous pas là aussi les premier ? Et tout cela sans aucune richesse minière ou pétrolière, richesses qui dans tous les cas sera bientôt interdit en France ! y compris les études … La France n'est devenue qu'un misérable pays de menteurs et d'escrocs avec une population majoritairement de fainéants et d'assistés et surtout des loques qui n'ont plus aucun sens de jugement moins encore de dynamisme mais avec des prétentions bien au-dessus de la moyenne voir là aussi les premiers au monde. Maintenat se trainer à 80 km/h max sur les route alors qu'on y verra les extrémistes rouler à 60 ou au mieux 70 km/h va augmenter considérablement le dynamisme économique ! bien entendu en-dehors de celui des PV qui vont continuer à bien alimenter le misérable système Français.
L'Etat Français de mélant aujourd'hui de tout et le comportement des collectivités locales me fait penser aux meilleurs momment de l'URSS, à la période de famine provoquée par l'incompétence politico-administrative.

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médisant 16 janvier 2018 - 7:49

Et il ne faut pas oublier:
Le train de vie de nos politiques
Leur système de retraite particulier
Leur "rémunération" pendant leurs carrières
Les avantages qu'ils tirent pendant et après leurs carrières…
On est pas n° 01 là aussi?

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Durance 16 janvier 2018 - 8:44

Inclure l'Allemagne dans l'étude
Merci pour cet article très intéressant. Inclure l'Allemagne, et si possible aussi l'Italie et l'Espagne serait éclairant, même sur une période statistique plus courte..

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