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“Suspension” de la réforme des retraites : un non-sens constitutionnel

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Les socialistes demandent à cors et à cri une « suspension » de la réforme des retraites. Une demande dénuée de fondement constitutionnel.

On entend la même petite musique depuis plusieurs semaines : les socialistes souhaitent, au grand dam des Insoumis qui ne parlent, eux, que d’abrogation, la « suspension » de la réforme des retraites. Plus qu’un souhait, il s’agit même d’une exigence puisqu’ils en font la condition de leur absence de censure du gouvernement.

Le 16 décembre sur France 2, Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, affirme : « Nous voulons une suspension de la réforme ». Le 9 janvier sur Franceinfo, le député Philippe Brun en fait la condition sine qua non de l’absence de censure, en précisant que par « suspension » il fallait entendre un âge de départ en retraite maintenu à 62 ans et 6 mois durant le temps de la négociation. Le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, a demandé le lendemain sur le même média « la suspension ou l’équivalent ».

Le tir groupé des socialistes manque pourtant sa cible. En effet, la notion de « suspension » de la loi n’existe pas en droit constitutionnel (Le Figaro, 19 décembre 2024). Une loi s’applique, elle se modifie ou elle s’abroge; elle ne se suspend pas. Seule une loi peut défaire ce qu’une loi a fait.

Certes, un moyen de suspendre de fait les effets d’une loi, du moins durant un temps, est de ne pas publier ses décrets d’application. Mais en l’espèce, la quasi-intégralité des décrets d’application de la loi, promulguée le 14 avril 2023, a été publiée. Cependant, le constitutionnaliste de gauche Dominique Rousseau a émis l’idée d’une modification du décret d’application de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, autrement dit la possibilité d’une suspension partielle de la loi puisque la suspension totale est impossible (Franceinfo, 11 janvier 2024).

Il n’en demeure pas moins que, à supposer que la suspension soit techniquement envisageable, elle poserait des difficultés constitutionnelles liées à la rupture du principe de l’égalité devant la loi, puisque le même texte s’appliquerait à certains sans s’appliquer à d’autres pourtant peu ou prou dans la même situation (Public Sénat, 8 janvier 2025).

La seule solution serait l’adoption d’une loi rectificative, une solution qui n’a presque aucune chance de voir le jour compte tenu de la composition de l’Assemblée nationale et du caractère minoritaire du gouvernement.

On ne peut croire que les socialistes ignorent à ce point le droit constitutionnel. Pas plus que l’on ne peut croire qu’ils aient oublié la fin de non-recevoir émise par le Premier ministre dès la fin du mois de décembre dernier. Alors que cherchent-ils, si ce n’est justifier la censure du gouvernement Bayrou en se donnant le beau rôle ?

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