Depuis le 11 décembre 2019, l’Organisation mondiale du commerce tourne au ralenti. Mettant en œuvre une menace brandie depuis l’administration Obama, l’administration Trump bloque la nomination des arbitres nécessaires au bon fonctionnement de l’instance d’appel de l’organe de règlement des différends (ORD). Pièce maitresse de l’Organisation mondiale du commerce, l’ORD est l’institution que les États saisissent pour intimer les gouvernements à respecter les traités multilatéraux qui régulent le commerce international.
L’administration américaine émettait plusieurs griefs contre l’ORD. La lenteur des procédures, sa tendance à outrepasser son rôle concernant le protectionnisme défensif occidental ainsi que son incapacité à remettre en question les distorsions de concurrence induites par le modèle économique chinois et ses entreprises d’État. L’hebdomadaire The Economist s’inquiète de ce blocage. « Avant 1995 [date de naissance de l’OMC, ndlr], le commerce international était moins stable et moins juste ». Selon certains, le risque lié au dépérissement de l’OMC est donc de voir le commerce international basculer à nouveau dans une sorte d’anarchie.
Si l’OMC peut se targuer de quelques victoires en matière d’ouverture commerciale, on peut se demander si elle a le monopole de ce processus. Par exemple, un rapport établi par la Banque mondiale en 2005 rappelle que, sur les 21 points de droits de douane éliminés en moyenne dans les pays en voie de développement entre 1983 et 2005, deux tiers de ces réductions ont été portés par des initiatives unilatérales.
Autre considération qui devrait nous conduire à relativiser l’importance de cette institution multilatérale, la croissance du commerce international précède largement les accords de Marrakech qui ont donné naissance à l’Organisation mondiale du commerce (figure 1).
De plus, un examen du top 20 des pays mettant en œuvre les plus faibles restrictions douanières montre qu’ils ne font pas nécessairement partie de ceux qui ont adhéré le plus tôt aux accords commerciaux multilatéraux, dont le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade, l’ancêtre de l’OMC). Ce classement suggère ainsi que l’appartenance à l’OMC a une faible incidence sur le degré d’ouverture commerciale d’un pays.
Classement du pays en fonction de leur indice d’ouverture commerciale (source : Heritage Foundation, 2019) | Date d’adhésion au GATT et à l’OMC |
1. Hong Kong | 1986; 1995 |
2. Singapour | 1973; 1995 |
3. Nouvelle-Zélande | 1948; 1995 |
4. Macao | 1991; 1995 |
5. Chilie | 1949; 1995 |
6. Georgie | 2000 (OMC) |
7. Albanie | 2000 (OMC) |
8. Australie | 1948; 1995 |
9. Maurice | 1970; 1995 |
10. Swaziland | 1993; 1995 |
11. Canada | 1948; 1995 |
12. Islande | 1968; 1995 |
13. Oman | 2000 (OMC) |
14. Suisse | 1966; 1995 |
15. Taiwan | 2002 (OMC) |
16. Etats-Unis | 1948; 1995 |
17. Autriche | 1951; 1995 |
18. Belgique | 1948; 1995 |
19. Bulgarie | 1996 (OMC) |
20. Croatie | 2000 (OMC) |
À l’inverse, parmi les membres fondateurs du GATT, certains pays sont mal positionnés dans le classement des politiques commerciales les moins restrictives de l’Heritage Foundation.
Nom du pays fondateur | Classement Heritage (sur 178 pays) |
Australie | 8 |
Belgique | 18 |
Brésil | 122 |
Birmanie | 113 |
Canada | 11 |
Ceylan britannique (Sri Lanka) | 97 |
Chilie | 5 |
Chine | 106 |
Cuba | 145 |
Tchécoslovaquie | 22 (Rép. tchèque) et 39 (Slovaquie) |
France | 62 |
Inde | 111 |
Liban | 79 |
Luxembourg | 32 |
Pays-bas | 34 |
Nouvelle-Zélande | 3 |
Norvège | 52 |
Pakistan | 141 |
Rhodésie du Sud (Zimbabwe) | 121 |
Syrie | 177 |
Afrique du sud | 96 |
Royaume-Uni | 43 |
États-Unis | 16 |
Ces données suggèrent une fois de plus que l’ouverture d’un pays au commerce international est davantage une question de politique locale et intérieure qu’une question de participation à des organisations multilatérales. Ainsi que l’IREF l’a déjà écrit, il ne tient donc qu’aux pays de s’ouvrir, de prendre les devants sans subir les incertitudes du contexte géopolitique mondial.