Faut-il avoir peur du TAFTA (Trans-Atlantic Free Trade Agreement), le traité de libre échange entre l’Europe et les USA en cours de négociation ? Alors que la treizième session des négociations a repris à New York le 25 avril, la France semble vouloir bloquer la négociation. Douche froide pour Barack Obama venu en Europe défendre le traité et qui, la veille en compagnie d’Angela Merkel, pressait les Européens d’aboutir.
Lors de la dernière session de négociation sur le traité de libre échange transatlantique (TAFTA / TTIP), le Premier Ministre français Manuel Valls a haussé le ton en matière de garanties sanitaires et environnementales exigées par la France : pour lui, « aujourd’hui on est loin du compte ». Le Ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll pouvait de son côté expliquer que les IGP (Indications Géographiques Protégées comme « Champagne » ou « Roquefort ») ne sauraient être remises en cause.
Faut-il avoir peur du traité de libre-échange ?
Un tel type d’accord commercial entre les Etats-Unis et l’Europe peut pourtant être une bonne idée. L’extension du marché permettrait en effet aux producteurs et commerçants des deux rives de l’Atlantique de bénéficier d’opportunités accrues, de faire des économies d’échelle et de dégager de la croissance, au bénéfice des consommateurs et de l’emploi net. Ce nouvel espace de concurrence impliquerait bien évidemment des ajustements que certains craignent. Mais, comme cela a été le cas pour le grand marché européen, les aspects bénéfiques l’emporteraient.
L’idée de l’accord est d’abord d’abolir toutes les barrières tarifaires (en moyenne à 3% actuellement, mais avec des pics tarifaires sur des produits comme le textile avec 42% de droits de douanes aux USA par exemple). Ensuite, les barrières non tarifaires, c’est à dire réglementaires, devraient être « harmonisées », de sorte que des entreprises ne soient pas confrontées à deux ensembles réglementaires redondants et coûteux. Et là où des règlementations de sécurité sont différentes mais également efficaces (comme en matière de ceintures de sécurité), pourquoi ne pas accepter les deux ? Troisièmement l’accès aux marchés publics doit s’ouvrir. Le « Buy American Act » réservant ces marchés aux seules entreprises américaines fait évidemment problème. Enfin, point très contesté, un mécanisme de règlement des différends entre entreprises et États qui aurait permis à des entreprises de poursuive des États dans le cadre de procédures d’arbitrage, mais il a été amendé l’année dernière.
En fait, toute une série de points de blocage ont été levés de la table des négociations. Le poulet lavé au chlore et le bœuf aux hormones ne se retrouveront pas dans nos assiettes. En matière culturelle, la France a fait retirer l’audio-visuel des négociations au nom de l’exception culturelle : bonne nouvelle pour le secteur ultra-subventionné culturel français, mais sans doute pas une bonne nouvelle pour le contribuable français…
TAFTA / TIPP : un traité instrumentalisé par le politique
En réalité, ce traité est très largement instrumentalisé de manière politique. Du côté américain, sans doute M. Obama veut-il finir son deuxième mandat « en beauté » et quitter la présidence américaine en ayant signé un traité commercial important. Il veut par ailleurs surtout passer par les traités régionaux pour court-circuiter les négociations multilatérales de l’OMC et devoir se frotter à l’Inde et à la Chine. De notre côté de l’Atlantique, on pourrait croire que la position française est un coup de bluff dans la négociation, afin d’obtenir davantage. Peut-être, mais la négociation tombe surtout à pic pour jouer le rôle de repoussoir.
Car Messieurs Valls et Le Foll suivaient cette semaine la parole présidentielle. Le 14 avril M. Hollande avait en effet annoncé que la France avait « fixé ses conditions » à la signature du traité. Les politiciens de droite, comme Bruno Le Maire ou Jean Arthuis, ont eux condamné le traité.
Bien sûr il ne s’agit pas d’ouvrir si les Américains n’ouvrent pas franchement. Mais en réalité le libre-échange n’est pas exactement une marotte française, à droite comme à gauche. La crise actuelle suscite des peurs, les français veulent plus de protection et non davantage d’ouverture. Avec les élections présidentielles dans un an, il n’est sans doute pas question pour l’équipe au pouvoir ni pour la droite d’opposition, de perdre toujours plus d’électeurs en faveur de l’extrême gauche et du FN.
François Hollande, en se posant comme rempart contre le supposé Cheval de Troie du traité, entend redorer son blason de gauche « sociale », « protectrice » etc. et reconquérir en partie son électorat en refusant un traité de libre échange. La culture et l’agriculture françaises sont sauves ! Les Français vont être protégés de la « mondialisation sans visage » ! En outre, tenir tête à M. Obama fait presque de M. Hollande la nouvelle star de l’anti-américanisme, idée qui elle aussi est bien ancrée en France.
Après les reculades en matière de réforme du travail, la campagne présidentielle, qui ne dit pas son nom, prend toujours plus le chemin non pas du réformisme mais du conservatisme.
7 commentaires
TAFTA
bonjour
est-il possible de se procurer une copie de ce projet de traité, ou tout du moins les grandes lignes directrices, afin de se faire une idée sur cette question.
il est toujours difficile d'être pour ou contre si nous ne sommes pas en mesure d'en lire les termes
sincères salutations
d duval
Tout n'est pas disponible pour le public dans les négociations entre représentants.
Pour se faire une idée, voir http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ttip/documents-and-events/index_en.htm#_documents
Peut-on traiter avec ces gens-là ?
Bonjour,
Je me prononce sur la question du TAFTA et non sur la récupération qui peut en être faite par tel ou tel politicien.
Peut-on sérieusement envisager d'obtenir quelque gain que ce soit d'une "négociation" avec les USA ?
Quelques exemples récents :
– 2 grandes banques françaises condamnées à payer plus de 20 Milliard d'amende par les tribunaux américains pour avoir contracté avec des pays boycottés par les USA (mais pas par la France)… Les français ont payé !
– Réciproquement, est-ce que Goldman Sachs est inquiété pour sa responsabilité, pourtant évidente, dans la tragédie grecque ?… Bien sûr que non !
– Aujourd'hui, quand vous voulez souscrire un contrat ou ouvrir une compte bancaire en France, on vous demande si vous êtes ou non citoyen… Américain ! Y a-t-il une réciproque quelconque ? Bien sûr que non.
Je pense donc que l'anti-américanisme qui commence à se faire jour en France relève d'une saine réaction "immunitaire" et non d'une lubie passagère et sans fondement.
En effet, ces gens-là, eux, ont un grand sens de l'intérêt national (le leur naturellement) qui les pousse à sacrifier tout le reste, et donc tous les autres, à leur seul bénéfice.
Toute proportion gardée, le TAFTA apporterait à la France autant de bénéfices que la politique de Collaboration dans les années 1940.
Merci de votre commentaire.
Mais les "français" sont-ils si clean? Quid de "leur"/"notre" politique en Afrique etc. ? Ne voyons-nous pas "nous" aussi que notre intérêt?
S'il n'y avait que les banques américaines responsables de la crise financière (en Grèce et ailleurs)…
L'UE devrait suivre le FACTA US.
Les USA jouent bien sûr de leur pouvoir géopolitique (comme nous, encore une fois) mais le but d'une négociation est de justement tenter d'obtenir plus d'ouverture de leur part.
Pourquoi tant de cachoteries ??
La semaine dernière, j'entendais Alain Lamassoure expliquait que l'UE ne voulait pas abattre toutes ses cartes dans la négociations. Certes c'est un argument défendable. Mais pourquoi tant de cachoteries sur ce qui doit être négocié. Même nos représentants élus ont des difficultés à accéder aux infos, et doivent s'engager à ne rien divulguer.
Autant de précautions n'engagent pas à la transparence, et dans le doute on s'abstient voire on refuse.
Merci de votre commentaire. La commission a fait des efforts de transparence. Il est certain que pour le grand public, cela peut paraitre obscur et compliqué.
Ce qui m'intéresse ici c'est la politisation du traité comme repoussoir.
Deux exemples de ce que le traité doit interdire /
L'amende infligée a BNP et a d'autres banques pour des infractions a la loi US commises hors de territoire américain.
La tentative de procès de Phillips Morris à l’Australie(préjudice commercial au sujet du paquet blanc)