Le 3 mars 2021, le Fidesz a quitté le Parti populaire européen. En cause : la hausse des tensions entre les dirigeants du PPE – tels que le polonais Donald Tusk et l’allemand Manfred Weber – et le Premier ministre hongrois Viktor Orban. Ce départ ne va pas être sans conséquences sur la politique européenne. Le Fidesz, avec ses 13 sièges au Parlement européen, était la quatrième force du PPE. Désormais en quête de nouveaux alliés, le parti hongrois aimerait créer une nouvelle force politique à droite. La récente rencontre de Viktor Orban avec Mateusz Morawiecki, Premier ministre polonais du parti « droit et Justice » (PiS) et le dirigeant de la Ligue du Nord/Lega Matteo Salvini, permet d’entrevoir une nouvelle recomposition, mais pousse à s’interroger quant à l’avenir du libéralisme dans l’UE.
Vers une majorité européenne plus orientée vers la gauche
En quittant le PPE, le Fidesz est aussi sorti de la majorité parlementaire européenne. La composition de cette dernière (traditionnellement, une coalition entre les chrétiens-démocrates du PPE et les socio-démocrates du S&D), a changé lors de l’élection de 2019. L’ALDE (renommée Renew Europe) et ses nouveaux alliés français de LREM sont montés en puissance tandis que les socialistes (S&D) et les LR (PPE) français ont été affaiblis. La nouvelle majorité inclut maintenant Renew Europe en plus du PPE et du S&D, ce qui, avec l’appui de LREM, lui a fait prendre un tournant plus interventionniste économiquement et plus progressiste. Elle a aussi perdu un contrepoids majeur avec le départ des Anglais, qui avaient 73 sièges, dont 20 pour les conservateurs dans la précédente législature.
Le départ du Fidesz va accentuer ce tournant vers la gauche. Selon le site VoteWatch, qui analyse les votes du parlement européen, « la situation profite clairement à S&D et Renew Europe alors que les deux groupes gagnent du terrain face au PPE ». « Le fossé entre le PPE et les socio-démocrates pourrait encore se réduire si les négociations pour une entrée du Mouvement 5 étoiles italien dans le S&D se révélaient fructueuses. » Plus problématique d’un point de vue libéral, VoteWatch fait remarquer que « le départ des Hongrois affaiblit également les factions pro-marché libre au sein du PPE, qui comptaient sur la grande délégation du Fidesz pour contrer les partis du PPE plus interventionnistes d’Europe du Nord-Ouest, notamment sur les questions réglementaires ». En effet, si, au niveau national, la politique du Fidesz n’est pas particulièrement libérale, ironiquement, au niveau européen c’était un allié économique pour les libéraux. Une position qui n’est pas si étonnante : compte tenu de leur passé, la plupart des populations d’Europe centrale sont plus attachées au libéralisme économique que celles de l’Europe de l’ouest. Ainsi en 2019, 70% des Hongrois jugeaient positive l’économie de marché contre 56% des Français en 2020.
Un renforcement du groupe des Conservateurs et réformistes européens comme force d’opposition
Le rapprochement du Fidesz et du PiS polonais, qui domine le groupe des conservateurs et réformistes européens (ECR), n’est pas surprenant. Les positions politiques des deux partis sur la scène européenne sont proches. L’ECR, fondé initialement par les conservateurs anglais après une scission avec le PPE, se voulait initialement libéral-conservateur. Si le départ des Britanniques a conduit à un tournant moins libéral, le groupe restait jusqu’à présent attaché aux libertés économiques. C’est pourquoi le rapprochement avec la Lega italienne attire l’attention. En effet, cette dernière est actuellement affiliée au groupe Identité et démocratie où se trouve aussi le RN de Marine Le Pen. Mais historiquement la Lega est différente du FN/RN. C’était un parti régionaliste concentré dans les régions riches du Nord de l’Italie et affilié entre 1994 et 1997 au Groupe du Parti européen des libéraux, démocrates et réformateurs, l’ancêtre de l’ALDE et de Renew Europe. Ce grand écart idéologique démontre que la Lega est capable de s’adapter pour gouverner. De ce fait, il convient de rappeler qu’elle fait partie du gouvernement Draghi avec les socio-démocrates et le Mouvement 5 étoiles. En outre, la Lega durcit actuellement ses positions sur la Russie, en partie pour plaire au PiS. De même, Salvini vante désormais la flat tax hongroise. Une volonté de normaliser peu à peu ses relations avec les autres pays au niveau européen et national ?
Si le Fidesz et la Ligue rejoignaient l’ECR, celui-ci passerait de 63 sièges à 102 sièges au parlement européen. Devenant ainsi le troisième groupe au lieu de l’avant-dernier. Le RN, qui perdrait un allié, serait un des grands perdants et se retrouverait isolé. Néanmoins, la réputation de Salvini et d’Orban rendra difficile des coalitions avec les autres groupes européens. Quant au libéralisme économique de cette nouvelle version de l’ECR, il sera à démontrer : le lointain passé de la Lega ne doit pas faire oublier l’étatisme récent du parti, y compris dans les affaires européennes.
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Recomposition des partis conservateurs dans l’UE : quels impacts ?
Les gauchos vont là aussi détruire tout ce qui bouge jusqu’à l’explosion de l’Europe qui est de plus en plus visible.. cela se fera peut-être pas dans le calme. D’ailleurs ils commencent déjà avec les écolos, il ne manque plus que l’effacement des dettes reportées sur l’Europe avec des taxes à venir ce que tous les pays n’accepteront pas à juste raison.