Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

Journal des Libertes
anglais
Accueil » Pénurie de foncier économique : l’angle mort de la politique de réindustrialisation de la France

Pénurie de foncier économique : l’angle mort de la politique de réindustrialisation de la France

par
887 vues
Avec l’adoption de l’objectif ZAN (zéro artificialisation nette), de plus en plus d’entreprises doivent renoncer à s’étendre ou à s’implanter dans les territoires, en particulier les TPE-PME, ce qui constitue un désavantage compétitif de plus pour une économie qui voudrait se réindustrialiser.

Introduit par la loi Climat et Résilience, promulguée en août 2021, l’objectif ZAN impose de diminuer par deux la consommation de foncier supplémentaire en 2025, par rapport à la moyenne observée pendant la période 2011-2020, puis de stopper complètement les nouvelles consommations d’espace à horizon 2050.

Même si quelques exceptions y ont été ajoutées depuis, comme la création d’une réserve foncière minimale dérogeant à l’objectif ZAN, cette nouvelle loi devrait faire pression sur un secteur immobilier déjà mal en point et sur les capacités à se loger de la classe moyenne.

Comme le révélait récemment un rapport de la délégation aux entreprises du Sénat, cette situation délétère devrait également s’étendre aux activités productives privées et notamment aux industries, touchant particulièrement les TPE-PME, via la raréfaction des terres constructibles et les freins administratifs à l’aménagement économique de ces terres.

Des collectivités locales désarmées

Il y a deux ans, le Cerema et Intercommunalités de France avaient publié une enquête réalisée auprès des EPCI (établissements publics intercommunaux) sur les perspectives du foncier économique avec cet objectif ZAN. Elle mettait en lumière une raréfaction inquiétante des terrains constructibles à vocation économique : 67 % des collectivités ayant répondu déclaraient ainsi avoir déjà dû refuser l’implantation d’entreprises par manque de place et 71 % considéraient leur parc d’activités économiques comme trop petit, soit 30 % de plus que lors de la dernière enquête, en 2017.

La saturation effective de l’espace réservé aux activités productives n’atteignait que 26 % des EPCI mais ce chiffre devrait grimper à 70 % en 2025 puis à 93 % en 2030, coïncidant, comme par hasard, avec la mise en œuvre progressive de l’objectif ZAN. Plus les projets sont grands, plus ils sont susceptibles de ne pas arriver à terme : 97 % des intercommunalités disent ne pas être en mesure d’accueillir des implantations de plus de 100 ha, un chiffre qui ne descend que très légèrement à 92 et 73 % pour les projets d’entre 50 et 100 ha et ceux d’entre 10 et 50 ha.

La médiane des besoins de foncier économique des EPCI s’établit à 40 ha et concerne d’abord les industries (48 %), puis la logistique, les bureaux et les activités artisanales (27, 15 et 10 %).

L’État ne collectant pas les données relatives à l’effet de cette pénurie de foncier économique sur les entreprises, il faut se baser sur des études régionales, comme celle de la CCI d’Ille-et-Vilaine, pour en apprécier l’ampleur. De fait, 64 % des chefs d’entreprise interrogés craignent de devoir renoncer à leurs projets d’extension par manque de terrains constructibles, 62 % envisageraient un déménagement et 75 % y voient un frein au développement de leur territoire.

Un empilement de règles administratives que même l’administration n’arrive plus à suivre

L’action de l’État ces dernières années a surtout consisté à faciliter l’implantation de très grands projets industriels ou provenant d’investisseurs étrangers, qui peuvent compter sur le concours de la DGE (Direction générale des entreprises) et de Business France. Les mesures de simplification adoptées lors des lois Climat et Résilience et Industrie Verte ne faciliteront la vie des PME qu’à la marge et n’entreront pas en vigueur avant 2027.

Or, la construction de bâtiments à vocation économique doit faire face à un embrouillamini de règles environnementales, commerciales, d’urbanisme ou relatives aux risques industriels. Et lorsqu’on ajoute à ce redoutable arsenal de réglementations l’insécurité juridique liée au harcèlement des recours judiciaires de certaines ONG[1], cela conduit à l’abandon de 10 % des projets en moyenne.

Au mois de novembre de l’année dernière, un rapport remis au gouvernement par le préfet Rollon Mouchel-Blaisot avait estimé que 10 000 ha pourraient être mobilisés via la réhabilitation des friches : un chiffre qui couvre à peine 40 % des besoins des entreprises à l’horizon 2030 et qui ne tient pas compte de leurs attentes en termes de soutenabilité économique.
La solution de la requalification des friches, promue par l’État qui a créé un fonds spécial doté de 2,5 milliards d’euros par an d’argent public, coûteux pour les investisseurs privés, n’a été choisie que dans 29 % des intercommunalités, la majorité des projets retenus (84 %) n’étant même pas de nature économique ; les autres sont  assez peu rentables et affichent un déficit moyen de 2,3 millions d’euros par projet.

Une fois de plus, le secteur privé devra faire les frais de la propension du législateur à créer des normes en dépit du bon sens. Une tendance accentuée par la classe politique qui lui fixe  des objectifs contraires : promouvoir la souveraineté nationale, créer des emplois et réindustrialiser la France d’un côté, stopper totalement l’artificialisation des sols de l’autre. Cette diabolisation injustifiée de l’expansion urbaine trouve sa source dans une vision totémisée de la nature, sans lien avec son réel impact environnemental.


[1] Pour un projet de 10 M€, le Sénat estime à 700 000€ le coût des problèmes liés à l’accès au foncier.

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire

2 commentaires

OSIB 20 juin 2024 - 11:51 am

Pénurie de foncier économique :
Il existe en France sur des zones industrielles ou artisanales beaucoup d’emplacements laissés à l’abandon soient par faillites d’entreprises ou modification profonde du système économique ( zones minières par exemple).ces zones entrent elles dans le cadre de la loi ZAN ?

Répondre
Albatros 20 juin 2024 - 2:16 pm

Bonjour.
Il conviendrait de croiser ces informations avec la planification du réseau par RTE et la CRE qui, devant les immenses besoins de l’électrification massive des activités du fait de leur « décarbonation », sont obligés de faire des choix et d’abandonner purement et simplement certains territoires. Sans compter l’obsolescence manifeste de nombreuses portions du réseau électrique national dont certaines datent des années 1930…
Courage aux libéraux.
Le commencement du grand rationnement patriotique est acté: territoire, énergie, eau, etc. Toujours évidemment pour « sauver la planète ».
Entendu récemment un petit trou-du-cul planificateur de RTE qui est tout simplement terrifiant, un type à organiser des trains…

Répondre