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Réindustrialisation : la France a besoin de moins d’immigration et de plus de robotisation

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L’immigration, une solution adéquate pour répondre à la pénurie de main d’œuvre se profilant dans certains secteurs d’ici à la prochaine décennie ? Oui, a affirmé le ministre de l’Industrie Roland Lescure. Cette réponse politique élude la piste de la modernisation industrielle par l’innovation technologique. Or la France accuse dans ce domaine un retard considérable sur ses voisins européens, les États-Unis et plusieurs géants du continent asiatique.

Cette déclaration du ministre de l’Industrie sur France Info a déchainé les passions : l’industrie française aura besoin de « 100 000 à 200 000 » étrangers « dans les dix ans qui viennent », a lancé le 25 novembre Roland Lescure, appelant à « un recours à l’immigration » pour que la France « soit à nouveau une nation industrielle, écologique et souveraine ».

Selon les calculs du ministre délégué, « 1,3 million d’emplois » devront être pourvus dans l’industrie au cours des dix prochaines années ». Première piste proposée pour répondre à ce défi économique : « Mettre le paquet sur la formation » et « aller chercher les jeunes dans les banlieues », où le chômage reste bien plus élevé que la moyenne nationale.

Deuxième axe de réflexion : recruter des « talents étrangers ». « Si on arrive à former 800 000 à 900 000 jeunes, ce sera exceptionnel. Il en manquera encore 100 000 à 200 000 qu’il faudra sans doute aller chercher ailleurs ».

Notre industrie a plutôt besoin de robots

L’analyse du ministre de l’Industrie omet une solution pourtant d’actualité, qui permettrait de pallier la vacance des postes d’ici à la prochaine décennie : celle de la robotisation et de l’intelligence artificielle.

Industrie, médecine, automobile, services… Les machines de nouvelle génération sont partout, très souvent capables de se substituer à l’humain sur des tâches hautement techniques, répétitives ou potentiellement dangereuses. Et la modernisation de l’économie, c’est un domaine dans lequel la France se démarque… par son retard. Selon la Fédération internationale de la robotique, en 2021, l’industrie française comptait 163 robots pour 10.000 employés. À titre de comparaison, la Corée du sud enregistre 1 000 robots industriels pour 10.000 salariés, suivie par Singapour avec 605 robots pour 10.000 employés. Outre-Rhin, l’Allemagne a même dépassé la Chine avec une densité de 397 robots industriels pour 10.000 employés.

Ce sous-développement robotique en France s’explique, notamment par un coût du travail trop élevé, un droit du travail trop rigide, mais aussi une fiscalité trop lourde. Autant de facteurs qui ont entravé les entreprises dans l’actualisation de leurs produits, les contraignant à céder des sociétés et des brevets à des acteurs étrangers. À cela, il faut ajouter un goût du risque bien moins prononcé que chez nos voisins et des obstacles culturels. En Asie, la machine collabore avec l’homme, tandis que dans les pays occidentaux, les robots sont perçus comme un risque plutôt qu’une opportunité. Une grave erreur.

Intuitivement, on imagine que la mécanisation des emplois par la robotisation conduit à la disparition des postes tenus par des ouvriers peu qualifiés et bénéficie aux cadres qualifiés dont les activités sont complémentaires à celles de la machine. La réalité est plus complexe, selon plusieurs études. Si l’introduction de robots détruit autant d’emplois qu’elle en crée, la cause de ce phénomène prend sa source non pas tant dans l’opposition emplois substituables et emplois complémentaires que dans un clivage entre les entreprises qui adoptent la technologie et celles qui ne l’adoptent pas.

Que ce soit aux Etats-Unis, en France ou encore aux Pays-Bas, les sociétés qui modernisent leur outil de production connaissent une forte hausse de leur productivité, de leur valeur ajoutée (de 20 % entre 2010 et 2015 en France) et, par ricochet, de leurs parts de marché. Cela leur permet ensuite d’augmenter leurs effectifs de salariés. A contrario, les entreprises réfractaires à la technologie se retrouvent désavantagées et doivent de facto se délester de leurs employés, qualifiés ou non.

Une étude portant sur des séries de données à long terme (1994-2015) confirmait en 2020 cet effet positif global sur l’emploi, y compris peu qualitifé, en France. Dans les secteurs ouverts à la concurrence internationale, les perdants sont les entreprises étrangères. L’année dernière, l’IREF avait déjà souligné la corrélation existant entre hauts niveaux d’investissements robotiques et faible taux de chômage au sein des nations à la pointe de la « roboconomie ».

 « Un gros besoin de robotisation au sein des entreprises »

Évoquant les « talents particuliers qui vont manquer », Roland Lescure, dans cette interview sur France Info, a notamment cité le métier de soudeur. Très prisées dans les entreprises automobiles, aéronautiques ou encore navales, les compétences en soudage nécessitent des qualifications auxquelles répond, partiellement, la robotisation, de l’automatisation de différents procédés jusqu’au contrôle de la qualité des soudures. En témoigne l’essor du marché mondial du soudage robotisé, qui pourrait atteindre 10 milliards d’euros d’ici 2027, avec un taux de croissance annuel évalué à 8,83%.

Pour l’heure, le robot ne se substitue pas totalement à la main du salarié hautement qualifié dès lors qu’il s’agit de réaliser des soudures sensibles, par exemple dans les domaines du nucléaire ou de l’armement. En revanche, sur ce métier en tension, l’industrie a déjà été contrainte d’obvier au manque de personnel en se tournant vers la mécanisation : « 3000 postes de soudeurs sont offerts chaque année sur le marché de l’emploi. Faute de le pourvoir, l’industrie se tourne vers le robot », nous informe Pôle Emploi. Dominique Cabar, responsable du pôle industriel de Grainville, confirme par ailleurs qu’il existe « un gros besoin de robotisation au sein des entreprises ».

Cette profession est donc sujette à une profonde transformation. L’enjeu présent et futur pour les entreprises du secteur consiste à recruter non pas tant du personnel soudeur que des travailleurs qualifiés capables de faciliter l’implantation, l’accompagnement et le développement de ces technologies. Qui vont encore évoluer.

Dans les années qui viennent, grâce à l’émergence de l’intelligence artificielle, les processus de mécanisation continueront à se développer, s’optimiser, s’accélérer. À l’instar d’autres sociétés comme Boston Dynamics ou Engineered Arts, Elon Musk a déjà dévoilé en octobre 2022 son robot humanoïde Optimus, que Tesla espère un jour produire par « millions » pour « transformer la civilisation », pariant sur des premières livraisons d’ici trois à cinq ans. Comme le rapporte Forbes, plusieurs secteurs, dont celui de l’industrie, se verront définitivement impactés par cette révolution technologique. Un nouvel aggiornamento.

Nous ne sommes plus dans les années 60

Alors même que nous venons d’assister à une rupture anthropologique avec l’arrivée de ChatGPT, le 30 novembre 2022, le ministre de l’Industrie plaide encore pour un recours à l’immigration afin de subvenir aux besoins de recrutement de la prochaine décennie. Bien malin celui qui saurait prédire l’état technologique du monde à cette échéance. « OpenAI nous a fait entrer dans une phase d’accélération technologique inouïe. L’unité de temps pertinente pour appréhender les innovations est désormais le mois, si ce n’est la semaine », rappellent dans le Figaro l’essayiste Olivier Babeau et le Dr Laurent Alexandre.

Des millions d’emplois vont disparaître et de nouveaux emplois qualifiés s’apprêtent à apparaître. Plutôt que faire entrer sur le territoire une nouvelle vague d’étrangers, la France serait mieux inspirée de rattraper son retard en matière de robotisation et de créer les conditions favorables à l’investissement dans l’intelligence artificielle, à la hauteur de cet enjeu cardinal du XXIe siècle.

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8 commentaires

Jacques René Allemmoz 23 janvier 2024 - 8:50

Après des décénies de délocalisation ou de vente de nos entreprises fleurons de France par nos dirigents qui ont du se remplir les poches c’est le retour ils se sont rendu compte de leur erreur les temps ont changés se ne sont plus les humain qui font le travaillent ce sont les rebos les grands patrons veulent des imigrés pour faire quoi nous avons assé de chomeurs pour appuyér sur les boutons pour faire fonctionner les rebos ils sont toute la journée avec leur théléphone ordie machine l’apprentissage devrais etre facile il ni a cas vouloir

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louis 23 janvier 2024 - 9:15

la france a besoin de remettre en route le travail pour les français mais pas pour les robots espece de troll !

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gillet 23 janvier 2024 - 9:20

L’Europe a volontairement abandonné les industries traditionnelles: »plus d’usines polluantes » entendu des dirigeants.On voit le résultat

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Gilles Vedun 23 janvier 2024 - 9:46

Avec 7 millions de chômeurs, qui peut encore s’intéresser à ce genre d’idéologie ?
Un pays qui seul court vers les jeux du cirque en sens inverse de l’exposition universelle n’ira pas bien loin.
Un jour on reprochera aux « français » d’avoir coulé l’ue ; un bouc émissaire idéal.

Bien à vous

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Jean-Aymar de Sékonla 23 janvier 2024 - 10:32

Vous avez parfaitement raison, la robotisation est la solution aux problèmes de main d’œuvre.
J’approuve d’autant plus votre analyse que c’était la mienne dans les années… 1990 !
Responsable des procédés de production dans une usine d’un équipementier automobile (hyper concurrence des pays à bas coûts) grâce à l’automatisation et à la robotisation, notre unité est passée de 300 personnes à 1200 personnes, sans la moindre délocalisation. Et on pouvait lire dans la presse des imbéciles littéraires instruits que les robots détruisaient des emplois…
L’automatisation à plusieurs vertus:
1 – Avant de robotiser il faut rationaliser la production , cette démarche amène déjà des gains
2 – En plus des gains de productivité on règle des problèmes de pénibilité.
3 – C’est l’occasion de promouvoir un personnel ravi de progresser et d’utiliser sa cervelle plutôt que ses muscles !
Mais quand donnera t on le pouvoir à l’intelligence plutôt qu’aux bavards dans ce pays ?
La voie montrée par ce ministre conduit à la catastrophe car cette main d’œuvre importée, non qualifiée, opposée à notre culture, deviendra une charge supplémentaire pesant sur notre compétitivité et notre identité.

SI ON CHERCHE 200 000 ÉTRANGERS POUR COMBLER LA PÉNURIE DE MAIN D’ŒUVRE, DONNEZ MOI LE POUVOIR ET JE VOUS TROUVE 200 000 FONCTIONNAIRES INUTILES, OPÉRATIONNELS DEMAIN !!!

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Michel Brimbal 23 janvier 2024 - 11:07

Merci pour cet article intéressant.
Mais Roland Lescure n’est plus ministre de l’industrie. Et je ne sais guère qui l’a remplacé ?
Je pense qu’il faudrait aussi contester la position de certains membres du MEDEF qui réclament des immigrants supplémentaires.

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Gerard 23 janvier 2024 - 8:53

Vous avez parfaitement raison, l’industrie a besoin de personnel qualifié capable d’apprendre vite et de piloter des équipements de productions. Le cout de la main d’œuvre non qualifiée est beaucoup trop cher, combiné avec une rigidité des contrats de travail, du cout des charges sociales et de la gestion du personnel. C’est la raison pour laquelle l’industrie s’est délocalisée dans les années 90 pour employer des européens de l’Est qui étaient capables, travaillaient 42 heures par semaine en étant payé à l’heure. L’avenir de l’industrie (le présent pour certains) c’est la robotisation. Le cout d’un robot est relativement faible en considérant qu’il travaille 24h/7 jours.
L’immigration massive non choisie est une aberration.

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AlainD 26 janvier 2024 - 12:56

Il dit : « aller chercher les jeunes dans les banlieues » je ne suis pas certain qu’ils aient tous envie de travailler, le commerce de la drogue est plus lucratif et moins fatigant peut être. Je crains que Lescure s’y connaisse en industrie aussi bien que moi en langue copte…

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