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Lois de moralisation de la vie publique : des textes inutiles ?

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Les « affaires » ont émaillé de tout temps la vie politique. Évoquons simplement le scandale de Panama (1892), l’affaire des emprunts russes (1918), l’affaire Stavisky (1933), celle des avions renifleurs (1975) ou des diamants de Bokassa (1979).

Dans les années 1980, il semble y avoir eu une recrudescence des scandales. Est-ce le fait d’une classe politique plus corrompue – François Mitterrand et sa suite cumulent les affaires – ou d’une justice et de médias qui font mieux leur travail ? Toujours est-il qu’en 1988, le gouvernement de Jacques Chirac s’empare du problème et promulgue la première des lois traitant du sujet.

Listons-en les principales :

Lois du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique
Principales mesures : financement public des partis politiques représentés au Parlement ; création de la Commission pour la transparence financière de la vie politique ; obligation pour les élus et membres du gouvernement d’adresser une déclaration de situation patrimoniale à la Commission ; plafonnement des dépenses électorales pour les législatives et les présidentielles.

Loi du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques
Principales mesures : amnistie pour toutes les infractions commises avant le 15 juin 1989 afin d’éviter à Christian Nucci de paraître devant la justice pour l’affaire du Carrefour du Développement ; extension du plafonnement des campagnes à toutes les élections ; financement public des partis non représentés au Parlement ; plafonnement des financements privés des partis politiques.

Loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques
Principales mesures : nouveau plafond pour les dons des personnes morales ; obligation de publier la liste des entreprises ayant accordé des aides ainsi que leur montant dans les comptes de campagne et les comptes annuels des partis ; nouveau plafond de dépenses pour l’élection des députés. Par ailleurs, la loi (dite Sapin 1) réglemente les prestations de publicité, l’urbanisme commercial, les activités immobilières et les contrats de délégation de service public.

Loi du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique
Principales mesures : interdiction des dons de personnes morales aux partis politiques ; augmentation du remboursement par l’État des dépenses de campagne (jusqu’à 50% du plafond des dépenses).

Loi n° 96-300 du 10 avril 1996 tendant à préciser la portée de l’incompatibilité entre la situation de candidat et la fonction de membre d’une association de financement électorale ou de mandataire financier

Loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives
Principale mesure : sanction financière pour les partis ne respectant pas le principe de l’alternance entre hommes et femmes dans la présentation des candidatures aux élections législatives.

Loi du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques
Principale mesure : modification des règles de financement public (celui-ci est désormais accordé aux partis dont les candidats auront obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions).

Lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique
Principales mesures : création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (en remplacement de la Commission pour la transparence financière de la vie politique) ; obligation de déclaration d’intérêt pour les responsables publics ; obligation d’abstention pour les responsables publics qui estiment se trouver en situation de conflit d’intérêts ; plafonnement des dons aux partis politiques par donateurs (et non plus par partis) ; protection des lanceurs d’alerte ; obligation de publication de la liste des destinataires de la réserve parlementaire.

Loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite Sapin 2)
Principales mesures : création d’un répertoire numérique public et de règles déontologiques pour les représentants d’intérêts (lobbyistes) auprès des pouvoirs publics ; protection renforcée des lanceurs d’alerte ; création d’une Agence nationale de prévention et de détection de la corruption ; imposition d’une obligation de vigilance aux grandes entreprises afin qu’elles mettent en œuvre des procédures de détection et de prévention des faits de corruption ou de trafic d’influence.

La série de lois en préparation, présentée par François Bayrou, ministre de la Justice, le 1er juin 2017, sera donc la dixième en 30 ans. Fallait-il de nouveaux textes ? Le gouvernement pense-t-il vraiment, qu’après leur vote, les « affaires » disparaîtront ?

Par exemple, les lois de 1988 n’ont pas empêché l’affaire Agos dans laquelle Jean-Christophe Cambadélis est mis en cause pour un emploi fictif à l’Agence des foyers et résidences hôtelières privées. La loi de 1990 n’a pas empêché le scandale de la Sempap (Société d’économie mixte parisienne de prestation) soupçonnée d’avoir favorisé des entreprises dans la passation de marchés publics, d’avoir financé le RPR via le cabinet de la mairie de Paris et d’avoir imprimé gracieusement des documents personnels pour Bernadette Chirac. La loi de 1993 n’a pas empêché l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. La loi de 1995 n’a pas empêché l’affaire des marchés truqués des lycées d’Île-de-France. La loi de 2003 n’a pas empêché l’affaire Gaymard, ministre des Finances, qui fait payer le loyer (14 400 euros/mois) de son duplex de 600 m2 par l’État. Les lois de 2013 et 2016 n’ont pas empêché l’affaire Macron mise au jour par l’IREF.

Certes, le projet actuel contient des dispositions que l’on peut approuver. Mais pour éviter la corruption, la concussion, les petits arrangements avec la loi, les tentations, il faudrait surtout diminuer l’argent public par la réduction des dépenses et des impôts, et réduire le périmètre d’intervention de l’État. Bref, réformer l’État.

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3 commentaires

bcn 13 juin 2017 - 4:12

orthographe
ont émaillé : "é"

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theano 13 juin 2017 - 7:45

C'est pas gagné!
Quand on constate, à la vue des résultat du premier tour des Législatives, que les candidats les plus épinglés par les 'affaires' ont été plébiscités avec des scores de dictateur, on peut penser que l'honnêteté et la droiture sont devenus des critères d'exclusion en politique. Lamentable!

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Dominogris 14 juin 2017 - 5:31

Tout dépend du traitement médiatique (surtout sur les chaînes de télévision) réservé aux "affaires". Quoi de commun entre le matraquage qu'a subi Fillon et l'évocation rapide des affaires de Ferrand?

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