La rentrée est l’occasion de voir de nouvelles écoles « hors contrat », dites aussi indépendantes, sortir de terre et proposer des pédagogie différentes, adaptées à des enfants porteurs de handicap, donnant plus de place au bilinguisme ou à la nature ou, tout simplement, portant vers l’excellence. Malgré les différents coups de butoir gouvernementaux, le nombre de ces établissements continue à croître.
En France, fonder et conserver une école indépendante n’est pas une sinécure. On en compte pourtant 172 de plus en cette rentrée 2022. Beaucoup sont des maternelles, à cause de l’obligation d’instruction à partir de trois ans, et bien peu des lycées, mis à mal par la réforme Blanquer du baccalauréat. La plupart se fondent sur une pédagogie classique – calcul mental, mémoire, chronologie – ou alternative, c’est-à-dire un assemblage de plusieurs pédagogies. La grande majorité (79%) sont aconfessionnelles, et une bonne partie des autres, catholiques. Ces dernières sont souvent mal vues par les évêchés qui craignent qu’elles ne vident leurs établissements privés sous-contrat.
La France, enfer des écoles indépendantes
En France, la facilité de fermer une école contraste avec la difficulté de l’ouvrir. Alors qu’une ouverture implique notamment le respect de normes concernant les bâtiments ou le recrutement d’un directeur issu du sérail du personnel enseignant, la fermeture est incroyablement simple. Il suffit que le préfet la décide, même à deux jours de la rentrée scolaire. L’équipe pédagogique peut contester la décision devant un tribunal administratif, mais il lui affirmera qu’il n’y a pas d’urgence. On peut admettre que les élèves puissent se scolariser ailleurs, bien que ce ne soit pas forcément possible en cas de handicap ou de harcèlement. Si l’établissement n’ouvre pas en septembre, il doit reporter tous ses projets d’un an. On n’ouvre pas en janvier.
Pour justifier sa lutte contre les écoles indépendantes, l’Etat prend prétexte de celle qui est menée contre l’islamisme, et impose par exemple de fournir, au préfet et au recteur, les noms des investisseurs et donateurs. Si cette mesure peut éviter le financement par des associations islamistes, la perte de confidentialité démotive, d’où des tarifs souvent rédhibitoires pour les familles. La situation est d’autant plus hypocrite que, depuis plusieurs années, on sait qu’aucun gouvernement n’a le courage d’utiliser les outils à sa disposition pour inspecter les écoles islamistes. Ces établissements ne sont donc pas contrôlés, et pas fermés. De quoi expliquer leur maintien… y compris quand ils sont sous contrat avec l’Etat.
Cette guerre se fait au détriment des élèves. Ainsi, le contrôle continu n’y étant pas reconnu pour le bac 2022, les lycéens ont dû passer treize à quatorze épreuves au lieu de quatre. Si l’inégalité s’arrêtait là, on pourrait toujours considérer que cela s’anticipe. Mais le jour J, de nombreux dysfonctionnements ont été constatés, comme des lieux d’examens éloignés, voire fermés, des examinateurs absents, ignorants des consignes, hostiles aux candidats. Alors que de nombreuses familles choisissent le secteur hors-contrat parce qu’il s’adapte aux besoins d’un enfant porteur de handicap, les dispositifs pour ces publics n’étaient pas prévus lors des épreuves. Selon Anne Coffinier, fondatrice et présidente de la Fondation Kairos et de l’association Créer son école, tout se passe comme si le baccalauréat devenait un certificat propre à l’Education nationale, et non plus un diplôme individuel que des personnes, parfois âgées, pouvaient passer après avoir étudié en autodidacte.
Que font nos voisins ?
Le rejet des alternatives à l’école sous contrat ne se retrouve pas forcément ailleurs. Si, en Afrique, on en trouve assez peu à cause d’un vide juridique rendant l’innovation timide, les Asiatiques, Européens et Etasuniens en sont friands. Dans certains pays, elles sont parmi les seules propositions bilingues. C’est le cas en Chine, en Inde ou en Malaisie, ou l’offre publique n’est pas encore au rendez-vous. La Grande-Bretagne y voit même un moyen de rayonner à l’international, avec 59 000 enfants étrangers, souvent chinois, scolarisés en internat, et 46 000 élèves dans des écoles britanniques indépendantes à travers le monde, principalement en Chine, au Moyen-Orient et en Thaïlande.
Autre solution, l’école à la maison, aussi nommée instruction en famille (IEF). Elle concerne un enfant sur dix aux Etats-Unis, où plusieurs outils numériques la rendent plus aisée. La crise sanitaire a fortement accentué ce phénomène dans de nombreux pays. On ne sait trop pourquoi la France s’obstine, elle, à lui mettre des bâtons dans les roues, surtout quand on connaît la dégradation des établissements publics. Les ministres ne leur confient pas leurs enfants, mais se gardent bien de faciliter ce choix aux Français, contrairement à la Suède qui a mis en place le chèque-éducation. Ce pays six fois moins peuplé que la France compte donc 1 200 friskolas, ou écoles indépendantes.
Malgré toutes ces difficultés, les écoles indépendantes continuent à ouvrir au même rythme depuis 2018, quand la loi Gatel mit le holà à une croissance jusque-là exponentielle. Plutôt que de les imaginer en creusets de dangereux terroristes opposés à l’Etat, ce dernier pourrait se demander pourquoi de nombreuses familles se saignent aux quatre veines pour offrir à leur enfant une scolarité souvent très coûteuse, alors que le secteur public la leur donne. Excellence, sécurité et adaptation aux handicaps pourraient être des pistes plus intéressantes que la multiplication des normes et autres vexations.
4 commentaires
Très bon article. L’Etat commence même à rejeter des élèves du « privé » qui voudraient réintégrer le « public ». Ce n’est pas le monde à l’envers, c’est le monde des « fous » !!!
Mais comment voulez vous détruire ce pays si vous créez des écoles qui produisent des trouveurs, des entrepreneurs, de vrais élites ? Les politiques veulent des assistés qui leur mangent dans la main, pour mieux les contrôler.
Bonne découverte. Merci pour cet article Adelaïde.
Je suis d’accord avec l’ensemble de cet article, sauf le passage relatif aux écoles islamistes dont l’auteur se défausse trop rapidement en disant que c’est un simple problème d’inspection. Il est frappant de voir que les arguments islamistes sont pratiquement les mêmes que ceux de cet article.