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L’école rurale a un avenir fou, mais pas grâce à l’Etat !

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Anne Coffinier est présidente et fondatrice de la Fondation Kairos et de Créer son école, fondation et association qui viennent en aide aux écoles indépendantes, dites aussi « écoles hors-contrat ». Elle parle de la place que doivent avoir les écoles privées dans le maillage territorial scolaire. Propos recueillis par Adélaïde Motte.

Pourquoi les écoles rurales rencontrent-elles aujourd’hui de telles difficultés, et quelle est la part de responsabilité de l’Education nationale dans cette situation ?

Les écoles rurales furent centrales dans l’invention de l’école de la République au XIXème siècle et constituèrent ensuite des laboratoires d’innovations pédagogiques pendant plus de deux siècles. Elles connaissent aujourd’hui des difficultés de plusieurs ordres, au premier rang desquelles la politique impulsée impitoyablement par le ministère de l’Education nationale, bien qu’un moratoire ait été annoncé sur les fermetures d’école en 2020. Cette politique disposait qu’un établissement ou une classe ne pourrait être fermé qu’avec l’accord du maire… En réalité, la politique de rationalisation budgétaire continue comme auparavant : le pilotage de l’école dans les territoires consiste en une inhumaine rationalisation budgétaire, mot savant pour dire que l’Etat ferme les classes et les écoles à faible effectif alors qu’il sait qu’au regard de la population rurale il ne peut mathématiquement en être autrement. Les enfants doivent donc se regrouper dans de plus grandes infrastructures sans identité et sans enracinement, où l’anonymat règne. Elles ne sont accessibles qu’au prix de longs temps de transports éreintants. Cette logique mathématique ne tient pas compte de la réalité locale. Pensons aux chemins de montagne difficilement accessibles, à la rareté des transports publics… Elle revient à dire aux ruraux d’aller s’installer dans les villes de tailles moyenne et grande.
Ensuite se pose le problème du recrutement de bons enseignants. L’école des territoires fait l’objet de plans tributaires des priorités du moment : numérique, réseaux d’écoles destinés à former des « pôles éducatifs »… Or, elle exige une vision de long terme. Les solutions sont apportées par à-coups, imposées par des gens éloignés des territoires et ignorants des besoins réels des écoles. Il faudrait rompre avec cette logique, et réfléchir à des solutions durables. Les maires et les élus locaux doivent être beaucoup plus associés à l’identification et au déploiement de solutions efficaces et justes. Des solutions innovantes ne doivent pas être repoussées par idéologie.
Faciliter la création d’écoles libres et indépendantes ou d’écoles de type charter schools est donc une solution intéressante dans les régions rurales. Elles permettent de renforcer l’attractivité des établissements, des territoires, d’attirer des enseignants et des élèves dans des structures adaptées aux besoins locaux, et elles sont généralement beaucoup moins onéreuses…

Quelles sont les solutions pour un maillage territorial plus fourni et plus qualitatif ?

Il faut cesser d’empêcher les créations d’écoles ! Alors que de plus en plus de Français aspirent à vivre à la campagne et que d’autres se battent pour y rester, il est urgent de favoriser la création d’établissements qui sont le poumon des zones rurales, en particulier des plus reculées. Il reste particulièrement difficile de créer des écoles, parce que l’Education nationale est relativement hostile à l’idée de céder la place à des structures associatives plus souples, moins coûteuses et sachant mieux mobiliser les ressources humaines locales.
Il devrait être plus facile pour les collectivités locales d’ouvrir aux associations d’anciennes écoles désaffectées, pour des projets susceptibles de ramener la vie au village. On pourrait imaginer des référendums locaux.
Ensuite, il faut absolument tenir compte des besoins particuliers des territoires et des établissements, en osant une démocratie scolaire, participative et active. Les politiques éducatives impulsées par l’administration centrale sont souvent très éloignées des priorités locales. Ces écoles que nous voulons promouvoir tirent leur force et leur légitimité de leur enracinement économique, social et culturel. Il faut cesser de leur mettre des bâtons dans les roues lorsqu’elles créent des liens avec des entreprises ou artisans du cru, des acteurs du patrimoine, des seniors ou des paysans. C’est cette ouverture au territoire et aux savoir-faire locaux qui constitue leur meilleur atout. Elles peuvent aussi être le lieu qui saura dépasser la dichotomie excessive entre l’enseignement général et l’apprentissage professionnel.

Quelles sont les places des collectivités territoriales, du public et du privé dans les solutions possibles ?

Les collectivités locales doivent avoir plus de pouvoir dans les décisions éducatives, car, comme le dit le sénateur Max Brisson, ancien inspecteur général de l’Education nationale : « L’Education nationale connaît très mal l’école rurale » et ne cultive guère le dialogue avec les collectivités locales. Les décisions de carte scolaire ne peuvent plus être prises en chambre, sans concertation, affirmait David Djaïz, lors du colloque Kairos à l’Institut de France. Les collectivités doivent avoir le droit d’innover, de développer des tiers-lieux impliquant par exemple une école, une résidence senior, une ferme, une coopérative agricole, une association de préservation de la nature ou du patrimoine culturel. L’organisation des écoles en classe multi-niveaux est riche d’économie et d’innovations pédagogiques. Rappelons que, selon les statistiques publiques, l’école rurale fait réussir les enfants mieux que l’Education nationale classique. Des maires ont ouvert la voie de cette approche globale intelligente, comme celui de Saint-Pierre-de-Frugie, qui a témoigné dans le cadre du séminaire-action sur l’avenir de l’école rurale organisé par la Fondation Kairos pour l’innovation éducative à l’Institut de France. Ce séminaire a montré comment les acteurs locaux étaient capables d’assurer l’avenir de l’école rurale en mettant en œuvre des solutions publiques ou privées conçues à partir du territoire.

Des maires et des acteurs de terrain se lancent et fondent des écoles associatives au service des populations et des territoires. Créer son école, association partenaire de la Fondation Kairos, les accompagne, ainsi que Sylvie d’Esclaibes d’Athena Montessori. C’est ainsi que l’école publique rurale de Sophie Gargowitsch, maire en Lot-et-Garonne, a pu être sauvée, en se convertissant à la pédagogie Montessori. L’association Créer son école a développé des parcours de formation et d’accompagnement pour ces micro-écoles rurales et met en réseau les maires et les créateurs d’écoles rurales alternatives.

En quoi le secteur privé peut-il apporter une plus-value forte au secteur des écoles rurales ?

C’est l’autonomie, et même l’indépendance des établissements qui sont avant tout indispensables.
Par sa souplesse, le secteur privé permet de créer des écoles sur mesure, à taille humaine, qui répondent aux priorités pédagogiques et éducatives des écoles, des publics… Or, aujourd’hui, l’Etat s’oppose en fait à la création d’écoles libres, pourtant appelées de leurs vœux par les maires et par les familles. Nous avons reçu de nombreux témoignages en ce sens dans le cadre du séminaire action organisé par la Fondation Kairos à l’Institut de France début 2021.
Le secteur privé, c’est vous et moi. Ce n’est pas une machine administrative, bureaucratique, frappée par l’inertie. Ce n’est pas non plus une machine lucrative au service d’intérêts financiers obscurs, comme voudraient souvent le faire croire les adversaires de la liberté d’enseignement. Et au fond, des synergies inédites existent sur le sujet de l’école rurale puisque syndicats, familles, acteurs locaux, tous souhaitent libéraliser intelligemment l’école là où elle en a le plus besoin. C’est dans les campagnes qu’il faut concrétiser cela désormais.

Comment l’Education nationale pourrait-elle mieux aider les territoires ruraux en facilitant l’implantation d’écoles rurales ?

Il faudrait que l’Education nationale commence par tendre une oreille attentive aux besoins des territoires et des populations locales.
Ensuite, si des plans ont été conçus pour apporter des solutions effectives aux problèmes du numérique éducatif, ils sont trop rarement suivis d’effets concrets ou d’évaluations.
Enfin, je me répète, l’Etat doit rompre avec la logique de diabolisation des écoles privées indépendantes pour permettre aux territoires de bénéficier d’un poumon éducatif et économique précieux pour nos campagnes.
La guerre scolaire est un luxe que ne peuvent pas se permettre les territoires ruraux en déprise démographique, comme le rappelle le sénateur Max Brisson.
En effet, comme le dit le maire de La Bussière, village de la Vienne d’un peu plus de 300 âmes, qui s’est fortement engagé pour qu’ouvre dans sa commune une école indépendante à la rentrée 2019 : « Sans école, un village est mort ou condamné. C’était ma priorité de rouvrir une école et je me suis beaucoup battu pour cela. Forte de sa liberté de choisir sa pédagogie et ses professeurs, l’école indépendante est la bonne formule pour sauver l’école en ruralité, à l’heure où l’Etat ferme les petites écoles rurales pour des motifs de rationalité budgétaire ».
Alors, le moment est venu de développer des écoles rurales alternatives. Et l’association Créer son école est là pour aider.

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6 commentaires

Faure 6 janvier 2022 - 3:20

L’école rurale a un avenir fou, mais pas grâce à l’Etat !
L’Etat veut contrôler les créations d’écoles car il lui est difficile de s’opposer aux établissements confessionnels d’obédience islamique. ….L’arsenal législatif à la disposition de l’enseignement religieux permet une quasi liberté.
Restreindre les créations d’écoles est un des moyens discrets du contrôle étatique…
Est-ce viable durablement…?
Nous verrons cela à l’avenir en fonction des options gouvernementales et de la puissance du communautarisme…..

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Libertepourra 6 janvier 2022 - 5:58

L’école rurale a un avenir fou, mais pas grâce à l’Etat !
Pourriez-vous compléter cet entretient au regard de la pédagogie et de l’enseignement dans ces écoles rurales d’un nouveau genre. S’agit-il aussi de découvrir le monde à partir de l’environnement proche de l’enfant comme cela semble suggéré ?
Il me semble que cet entretien est à élargir et en annonce un autre. Je vous en remercie par avance

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Alex 6 janvier 2022 - 8:37

L’école rurale a un avenir fou, mais pas grâce à l’Etat !
Hélas, le monstre bureaucratique et idéologique nommé « Éducation Nationale » veut maintenir son monopole de l’endoctrinement des enfants.

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ORILOU 6 janvier 2022 - 9:35

L’école rurale a un avenir fou, mais pas grâce à l’Etat !
Excellente analyse dont on doit espérer qu’elle sera lue par nos décideurs… et suivie d’effets. Il faut arrêter la gabegie. D’un côté on « claque un pognon de dingue » pour réduire les effectifs des classes de quartiers « à problème » Au nom de l’écologie, on prétend réduire la circulation des véhicules. Mais on impose aux enfants des villages des trajets fatigants (et coûteux) sous le prétexte de les regrouper dans des classes à plus gros effectif.
Avec leurs classes à plusieurs niveaux, nos villages produisaient des élèves sachant lire, écrire et compter, avec des enfants qui ne perdaient pas de temps en transports inutiles . Une fois de plus, après avoir laissé des zones de non droit s’installer, par pure démagogie, on détruit ce qui marche au profit de celles-ci.

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Obeguyx 6 janvier 2022 - 10:59

L’école rurale a un avenir fou, mais pas grâce à l’Etat !
La tentation de privatiser de plus en plus l' »école » est grande. Lorsqu’un état ne remplit plus ses missions régaliennes, il est appelé à disparaître. Il en est de même pour l' »éducation ». La défaillance (purement idéologique) de l’Etat concernant l’Education Nationale est visible depuis 50 ans au moins. Les alarmes ont souvent rugies. la réponse relève du : Qu’ai-je dans ma gamelle ? Ca me va, et tout continue… T’as pas cent balles !!! Attends, c’est pour le 15 du mois… Dormez bien on veille sur vous…
Et toujours ce « p….. » de mot « pédagogie » qui autorise tout et son contraire, employé à tort et à travers, dans le seul but de se dédouaner lorsqu’on ne sait plus quoi dire ou quoi faire. A force de se concentrer sur les détails on en oublie l’essentiel (l’histoire du bocal, des cailloux, des graviers, du sable et de la bière, vous connaissez ?).

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Hubin 6 janvier 2022 - 7:49

L’école rurale a un avenir fou, mais pas grâce à l’Etat !
Libérons l’école en donnant à chaque famille un chèque éducation qu’elle utilisera librement en l’affectant aux écoles qui seront libres et indépendantes comme des entreprises sociales ;
Et pour éviter les écoles islamistes ou musulmanes interdisons à ces écoles indépendantes l’enseignement de l’islam avant 18 ans (l’âge adulte ) La France de culture chrétienne n’a pas a avoir honte d’interdire l’enseignement à ceux qui combattent la culture et la civilisation chrétienne .

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