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La Sécurité sociale en faillite

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La Cour avait déjà fait part l’an dernier de ses préoccupations sur les comptes 2022 de la Sécurité sociale : « Le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse au 31 décembre 2022 a atteint 19,6 Md€, soit 0,7 % du PIB. Son amélioration, de 9,7 Md€ par rapport au résultat de 2021 rectifié, reste modeste au regard de l’ampleur de la reprise économique (croissance du PIB de 2,6 %) et de la hausse de l’inflation (+ 5,3 % hors tabac), qui ont participé à l’accroissement des recettes (augmentation de la masse salariale de 8,7 %) ». Dans son dernier rapport rendu en ce mois de mai 2024, elle n’observe pas de redressement notable en 2023 et constate que « le risque brut poursuit sa croissance ».

Des erreurs à tous les étages

Elle certifie avec réserve les comptes 2023 de quatre des cinq branches du régime général (maladie, vieillesse, autonomie et recouvrement) et refuse de certifier les comptes de la branche famille (CAF/CNAF) dont elle observe que « le montant des erreurs non corrigées par les actions de contrôle interne est toujours élevé : 5,5 Md€ de versements indus mais aussi de prestations non versées à tort ont été constatés à la fin de 2023, qui ne seront jamais recouvrés » soit 7,4 % du montant des prestations. Un quart des montants versés au titre du RSA est entaché d’erreurs. Les erreurs liées aux opérations internes effectuées par les caisses d’allocations familiales restent quant à elles à un niveau élevé (1,6 Md€).

Au demeurant, les autres branches ne font pourtant guère mieux que celle de la famille ainsi qu’en témoignent parmi d’autres les constats suivants :

  • les erreurs affectant les règlements de frais de santé atteindraient 3,1 Md€. La Cour relève une insuffisance de pièces justificatives des règlements pour un montant estimé à 3,8 Md€. Une indemnité journalière nouvellement attribuée sur 10 est erronée ;
  • pour la branche AT-MP, la fréquence des erreurs s’établit à 11,4 % et le montant des erreurs atteint 128,3 M€ (contre 84 M€ en 2022), soit 3,03 % des prestations (contre 2,13 % en 2022) ;
  • une prestation de retraite sur 8 attribuée à d’anciens salariés comporte une erreur financière, ce qui représente un impact de 1 Md€ sur la durée de vie des pensionnés concernés. Les erreurs commises par les caisses de retraite en 2023 augmentent et portent sur 1,3 % du montant des prestations nouvelles ;
  • dans les comptes de l’activité de recouvrement, la Cour considère notamment que des provisions pour risque liées à des contentieux ont été sous-évaluées en 2023 pour un montant estimé à 1 Md€…

La fraude inépuisable

D’une manière générale, la Cour estime que les contrôles visant à réduire les risques d’erreur et de fraude sont insuffisants. La fraude représenterait 3,9 Md€ dans la branche « famille ». Les fraudes, estimées par la Cnam sur un périmètre encore incomplet, font apparaître un préjudice de 1,4 à 1,9 Md€.

La gestion des bénéficiaires est toujours incertaine. Il avait été constaté, en 2020, un excédent d’environ 2,5 millions d’assurés ne répondant pas aux conditions du droit à la protection maladie universelle (Puma) notamment du fait du retard ou du défaut de fermeture des droits de non-résidents. Depuis lors 768 000 de ces comptes ont été fermés, dont 270 000 en 2023. Il en resterait donc encore près de 1,73 millions ouverts indûment avant 2020, sans compter les nouveaux comptes ouverts sans doute à tort depuis 2020 !!! La Cour note encore que « Un défaut de mise à jour de la carte Vitale, une mise à jour tardive par l’assuré ou une clôture de ses droits ne font pas par eux-mêmes obstacle à la prise en charge de frais de santé […], ce qui expose à un risque de maintien de droits ouverts à tort. » Et tout à l’avenant !

Au total, les erreurs et la fraude représentent 8,4 Md€ pour la seule branche famille, soit 12,3% de ses ressources. Ce qui veut dire que si elle était bien gérée, elle pourrait réduire d’autant ses cotisations, et augmenter à due concurrence le pouvoir d’achat des Français et/ou la trésorerie des entreprises. Si la CNAM et ses CAF locales étaient privées, elles seraient en faillite depuis longtemps. Il en irait de même sans doute pour toutes les branches de la Sécu qui ont des tarifs très élevés du fait de leur mauvaise gestion.

Et si l’on privatisait ?

C’est précisément l’avantage comparatif du marché par rapport à l’administration. Sur un marché libre avec des acteurs privés, une entreprise qui n’est pas capable d’offrir un service au bon prix meurt et d’autres s’y substituent. Les dirigeants et employés de la société défaillante sont licenciés, les propriétaires perdent leur entreprise. Dans l’administration, les cotisations obligatoires (ou les impôts comme la CSG) augmentent pour couvrir les déficits et comme, en outre, les agents de l’administration bénéficient d’un statut de fonctionnaire, ils ne peuvent pas être sanctionnés pour leur mauvaise gestion. Au pire on donnera une promotion au directeur des services pour le faire partir et on procédera à la mutation de quelques agents ! Au surplus, l’administration ayant un monopole, elle n’a pas de concurrence qui permette la comparaison ni d’autres options.

Face aux résultats catastrophiques récurrents de la Sécu, il serait temps de la mettre en concurrence en offrant à chacun la possibilité de s’assurer auprès de mutuelles ou compagnies privées. Pour le moins il conviendrait de supprimer le statut de la fonction publique pour les employés de la Sécu qui font le même travail que beaucoup de salariés du privé et n’ont aucune raison de bénéficier de protections particulières qui entravent la bonne gestion de l’organisme au détriment des assurés sociaux et des contribuables.

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3 commentaires

Almaviva 27 mai 2024 - 10:09

Au début de sa création la Sécurité Sociale était une véritable avancée sociale, mais sa gestion a été complètement laissée à l’abandon contrairement à toutes entreprises ! Il nous faudrait donc réagir pour freiner toute cette mauvaise gestion qui est, en partie, la source de notre déficit. Pour ce faire, il n’existe pas d’autres moyens que la privatisation ou laisser au marché s’en occuper avec les assureurs et mutuelles actuels ! Les cotisations seraient payées directement par les salariés à l’organisme choisi et les entreprises verraient leurs charges sociales baissées dans de notables proportions ce qui permettrait d’augmenter les salaires.

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Laurent46 27 mai 2024 - 5:01

OUI tant que le patronat et les syndicats (avant la « démocratie a un coût ») géraient ces caisses aujourd’hui c’est NON c’est l’Etat qui a mis la main dessus comme pour les retraites d’ailleurs pour financer tout ce qui est public et qui ne cotise à rien ou si peu, et l’Etat ou les collectivités comme employeur n’ont jamais versé le dû. Reste l’autre problème celui de la gestion hélas là aussi il y a problème c’est entre les mains des Sciences Po et des Enarques pas besoin d’autres précisions. Et puis l’autre question est de savoir si notre économie est capable de soigner et de donner des rentes au monde entier autre problème géré par les Sciences Po et les Enarques. Pour changer cela les temps vont être dur et ce n’est pas pour demain par contre de nouvelles hausses des prélèvements et moins de soins pour ceux qui payent c’est pour demain matin.

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Mathieu Réau 27 mai 2024 - 5:20

Une privatisation reviendrait à acter que l’État ne peut être que mauvais gestionnaire, et ce serait une remise en cause fondamental du rôle de l’État qui, quel que soit le domaine (justice, police, défense, santé…), doit bien gérer l’argent collecté auprès des contribuables.
Et pourquoi s’arrêter à la Maladie ? Pourquoi ne pas privatiser la sécurité ? La Justice ? Allons-y, puisque le privé fait tout mieux : à quoi nous sert l’État, en fin de compte ? Milton Friedman ne disait-il pas qu’il faudrait tout privatiser sauf la Défense, ses héritiers ayant, par ailleurs, démontré qu’ils pouvaient même s’affranchir de cette limite ?…
Privatiser revient à nous satisfaire d’avoir un État mauvais gestionnaire et à entériner, d’une certaine manière, une faillite collective : vous n’allez quand même pas nous faire croire qu’il n’existe dans le monde aucun État honnêtement capable de gérer ses ressources ? Faut-il rappeler que notre modèle social que ce site attaque en permanence a juste très bien fonctionné pendant les trente premières années de son existence ?
Réformer la fonction publique et l’État pour restaurer leur efficience est une nécessité, en effet : privatiser, c’est au contraire renoncer à cet effort. C’est un choix qui séduit peu de Français, à l’évidence, qui réclament plutôt que l’on répare l’État auquel ils sont attachés. Nous ne sommes ni Anglo-saxons ni Scandinaves, voyez-vous : nous sommes les héritiers de ceux qui ont inventé l’État-Nation.

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