Ce préambule permet au lecteur de se remémorer rapidement les épisodes précédents du combat, que nous avons engagé voici plus de 15 mois pour que cessent sans délai les indemnités indues perçues depuis plus de 20 ans par les juges du Conseil constitutionnel, mais révélées seulement au cours de l’année 2019. Curieusement frappée de mutisme, la République évite soigneusement de se poser toutes sortes de questions gênantes, notamment:
-  vis-à -vis de la violation du serment prêté par les juges de fidèlement respecter la Constitution,
- à propos de l’importance, du circuit, du sort et de la récupération des sommes indûment perçues,
- et plus largement encore sur le devenir d’un personnel, dont le moins qu’on puisse dire qu’il ne s’est pas opposé à percevoir -nolens volens- des rémunérations dont il  ne pouvait pas ignorer le caractère contraire à la Constitution, puisqu’il en  était le gardien attitré.
Ces questions, nous devions à la démocratie de les poser d’abord dans une série d’articles dans les colonnes de l’IREF pour attirer l’attention de nos lecteurs sur ce qui se tramait. Ensuite méthodiquement, nous en avons saisi d’abord le Premier Président de la Cour des comptes, avant d’interpeller d’une « adresse citoyenne »  les Présidents des Groupes de l’Assemblée Nationale, ainsi que Madame Le Pen. À notre grande surprise, aucun d’entre eux n’a daigné se saisir du problème, la Cour des comptes opposant une exception d’incompétence, cependant que les Présidents des Groupes n’étaient visiblement pas concernés. Nous avons donc décidé de frapper plus haut en adressant une lettre ouverte au Président de la République en personne, qui ne nous a toujours pas adressé la moindre réponse fût-elle d’attente. C’est pour cette raison que nous livrons à nos lecteurs cette lettre ouverte. Elle  dresse un inventaire  aussi complet que possible des faits constitués et de l’ensemble des questions graves qu’ils posent tant pour les finances publiques, que pour les décisions  qui incombent au Président de la République et qui engagent le fonctionnement et la crédibilité d’une des institutions-phares de la République.
Tout se passe en effet comme si l’Assemblée nationale trouvait absolument normal que, depuis plus de 20 ans,  le Conseil constitutionnel « arrondisse »  chaque mois la rémunération de chacun de ses membres en prélevant sur le compte du Trésor et donc au préjudice du contribuable des gratifications mensuelles  indues à hauteur actuellement (montants bruts) de quelque € 8 000 et € 10 000 pour le Président . Soulignons que ce désintérêt manifeste est encore plus surprenant venant de la part de la France insoumise et du Rassemblement national qui, n’ayant jamais accédé au pouvoir, ne devraient pas nourrir les mêmes préventions que les partis de gouvernement, de droite, du centre, comme de gauche. En effet tour à tour, ces derniers ont détourné pudiquement leur regard pour ne pas voir comment les membres du Conseil constitutionnel, Président en tête, se réservaient sans broncher le bénéfice d’une indemnité aussi plantureuse que sulfureuse. Une seule députée, socialiste, fait exception et c’est tout à son honneur! Après avoir confirmé expressément le caractère illégal de l’indemnité « Parly » (du nom de la Secrétaire d’État l’ayant accordée par simple lettre du 16 mars 2001), Madame Cécile Untermaier a en effet déposé en janvier 2021 une proposition de loi organique qui, après avoir été amendée, puis adoptée à l’unanimité par la Commission des lois, a été brusquement retirée de l’ordre du jour  de l’Assemblée par le Groupe socialiste, lequel ne s’est guère étendu sur les raisons mystérieuses qui présidaient à ce retrait, qui a surpris tout le monde. Pourtant cette proposition était extrêmement avantageuse pour le Conseil constitutionnel, puisqu’elle lui permettait de sortir de l’illégalité en gardant sa rémunération actuelle, sans bien sûr que soient abordées:
-  ni les questions qui fâchent, à savoir le traitement des 20 ans d’indemnités illégales généreusement versées depuis 2001 par des Gouvernements, pour lesquels on se demande, s’ils ont fait preuve de sollicitude, de collusion ou de complicité ;
-  ni, tant sur le plan budgétaire qu’éventuellement au regard du droit pénal, les actions en restitution de l’indu et en responsabilité qui vont avec.
C’est d’ailleurs le même grief que l’on peut adresser au cavalier introduit illégalement au début de l’année 2021 par le Gouvernement dans son projet de loi organique portant réforme des retraites, qui ne vise qu’à opérer une régularisation en douceur pour l’avenir, en occultant la question prégnante de l’antérieur. Ce texte a pourtant été voté le 5 mars 2021 en première lecture avec une discipline confondante par le groupe majoritaire, sans qu’aucun de ses députés ne se soit aperçu que le principe de séparation des pouvoirs s’opposait à ce que le Gouvernement puisse s’arroger le droit de fixer à sa main  les rémunérations des juges constitutionnels (manifestement cela fait longtemps dans ce pays que, ni à Sciences Po, ni à l’ENA, on n’a trouvé les enseignants capables d’expliquer clairement ce qu’est un conflit d’intérêts). Sinon, le choix systématique par la presse du silence ou au mieux de la brève polie, le silence étonnant aussi de l’ensemble des organisations de lutte contre la corruption montrent bien que tout le monde n’est pas véritablement au clair sur cette affaire. Aurions-nous une idée si béate de l’indépendance et de la déontologie des juges constitutionnels, que nous puissions croire que le fait pour l’État défendeur de doubler chaque mois illégalement et impunément leur rémunérations n’a strictement jamais eu – et n’aura strictement jamais – la moindre incidence sur le sens et la portée  de leurs décisions? Mais bien sûr, ce n’est pas la question que se pose le Président Fabius qui, lors de ses derniers voeux, préfère s’inquiéter de la contestation de l’État de droit qu’il sent monter de la part de citoyens qui trouvent que, depuis un certain temps, la rue Montpensier a été extrêmement bienveillante vis-à -vis de la série de lois qui, tout au long du quinquennat, ont sérieusement mis à mal les unes le principe d’égalité, les autres nos libertés.
Quoi qu’il en soit et pour reprendre le cours de notre action, nous avons donc décidé de contourner cette sorte d’extra-territiorialité comptable que le Conseil oppose à la Cour des comptes, en saisissant cette fois la personne même du Président de la République, puisque selon l’article 5 de la Constitution:  Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.  Nous pensions ainsi que, tenu par les devoirs de sa charge, il ne laisserait certainement pas sans réponse notre lettre-dossier de 12 pages (hors annexes) qu’en l’informant de son caractère ouvert, nous lui avons adressée le 25 novembre dernier et dont l’accusé de réception porte la date du 29 courant. Par déférence, nous lui avons donc laissé un délai de plus de six semaines pour nous faire part de sa décision ou tout du moins pour nous fournir les premiers éléments de réponse attestant de sa volonté de prendre le problème à bras le corps. Nous croyions en effet que la gravité des faits, l’importance des sommes en cause, la clarté des dispositions constitutionnelles, l’impossibilité de conférer à la lettre « Parly » le caractère d’une loi organique, tout comme enfin l’urgence qui s’attachait désormais à la situation (le Conseil constitutionnel doit en effet valider dès le printemps les prochaines élections présidentielles et législatives), interpelleraient suffisamment le Chef de l’État pour justifier une réponse diligente de sa part.
Tel n’est malheureusement pas le cas, d’où la présente publication, dont nous espérons qu’elle incitera enfin le Président de la République à sortir de son silence. Cela nous dispenserait de reprendre notre bâton de pèlerin pour saisir de nouvelles autorités d’une situation intolérable pour le citoyen, en les avisant de toutes les fins de non-recevoir expresses ou implicites, aussi prestigieuses que surprenantes, auxquelles nous nous serons heurtés. Signalons en outre que, depuis l’envoi de cette lettre, une plainte pénale au nom de l’IREF est venue rejoindre le recours en Conseil d’État de « Contribuables Associés » cité par ailleurs.  Inutile de dire que non seulement tous les faux-fuyants et tous les atermoiements présents portent gravement préjudice aux finances de l’État, mais qu’ils attentent davantage encore à l’image de ce qu’il reste de notre République. Une République décidément plus proche de la « République bananière » que dénonçait courageusement en son temps feu le Professeur Dupeyroux, que de la « République exemplaire » que le Président Macron nous avait promise au seuil de son mandat.
Note importante: pour éviter de surcharger l’effort d’attention de nos lecteurs, nous retrancherons  de notre lettre ouverte disponible ici les deux  annexes (échanges avec la  Cour des comptes et calcul des indemnités) déjà traitées par  le passé et que nous tiendrons cependant à la disposition de tout lecteur sur simple demande de sa part.
6 commentaires
Comment s’étonner de ce que les députés et présidents de groupes ne donnent pas suite puisqu’eux-mêmes non seulement ne sont pas exemplaires mais encore profitent d’enveloppes (quoique moins qu’avant) dont le détail de l’utilisation pourrait être sujet à des critiques voire remontrances ou poursuites. Quand on est à la limite de la légalité, on se serre les coudes pour éviter de faire les frais des dénonciations de l’Autre! C’est vieux comme le monde. Le problème, c’est que dans un système verreux (pour ne pas dire mafieux), la plupart essaie d’en profiter au lieu de s’y opposer car il y a éventuellement beaucoup à gagner pour ceux qui trempent dans la magouille et rien voire seulement de gros ennuis pour ceux qui dénoncent. Et les nouveaux projets de loi relatifs aux lanceurs d’alerte ne sont pas pour favoriser la révélation d’affaires scandaleuses !
Vraiment bravo !
Je suis l’avancée, très difficile, de votre démarche que j’admire : ne lâchez pas, une issue positive est encore possible!
Avez-vous contacté Jean-Frédéric Poisson : lui n’aura pas peur, j’en suis certain.
Et Eric Zemmour ? Lui non plus n’aura pas peur. Et n’a aucune bienveillance à attendre du Conseil Constitutionnel?
A suivre ….
Je suggère de rechercher la responsabilité du comptable public qui procède au mandatement de ces rémunérations indues.
Là où la mangeoire est bien remplie, les  »recasés » de l’État se gavent sans état d’âme là comme ailleurs…
L’art est de savoir se faire affecter le meilleur mangeoire….!
Le Conseil constitutionnel : LA COURS DES MIRACLES …!
Sans autre commentaire de ma part…!
L’Elysée a pu compter sur le CC pour faire passer toutes les petites mesures liberticides que le Roi Macron a voulu. Cela vaut bien un petit cadeau, non?