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Le monopole de l’argent tue l’argent

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Le pouvoir politique, quel qu’il soit, a toujours cherché à s’arroger le monopole de la monnaie pour pouvoir la manipuler à son gré. Certes la fin du XXème siècle a vu les Etats accepter de concéder leur autonomie aux banques centrales dans le respect du principe libéral selon lequel la monnaie n’appartient pas à l’Etat et qu’elle est d’autant plus solide qu’elle est régulée par une entité indépendante. Mais sortis par la porte, les Etats sont rentrés par la fenêtre. Ils nomment en Europe le gouverneur de la BCE et en évoquant la crise financière de 2008, ils ont fait monter la pression pour que celle-ci déroge aux règles de non ingérence dans les politiques budgétaires des Etats. La pratique des intérêts négatifs favorise désormais les dépenses publiques à vau-l’eau. Elle permettra à la France de boucler son budget cette année.
Mais des monnaies alternatives s’invitent sur le marché et dérangent les Etats. Opposé au Libra de Facebook, Bruno Le Maire s’insurge : « Personne ne peut accepter que des multinationales qui ont plus d’un milliard d’utilisateurs se transforment en Etats privés. Et se dotent d’une monnaie capable de concurrencer les devises souveraines… ». Les Etats soutiennent qu’eux seuls sont capables d’assurer la sécurité monétaire. Un argument fallacieux après que Kenneth Rogoff a dénombré entre 1975 et 2006 pas moins de 71 pays ayant fait défaut sur leurs dettes souveraines. Certes il faut sans doute des mécanismes pour éviter les risques de blanchiment ou de financement du terrorisme. Mais la seule raison de ce monopole est la volonté de garder un moyen de créer de l’argent facile et de se refinancer à vil prix. L’ancien chef économiste du FMI en fait même une doctrine pour encourager les gouvernements à augmenter leurs dépenses budgétaires quand les taux d’intérêt sont si bas qu’il n’y a plus rien à attendre d’une politique monétaire.
L’argent facile favorise le retour du keynésianisme. Mais l’inflation budgétaire nuit à l’économie qu’elle ne sert, le cas échéant, qu’à court terme tandis qu’elle détruit à long terme les ressorts des individus gavés d’argent public inefficace et complaisant.
Les taux négatifs n’ont pas plus de rationalité que n’en avait le Madoff. C’est une nouvelle forme de pyramide de Ponzi. Ils favorisent les mauvais placements et créent des bulles qui éclateront un jour. On y trouvera bien entendu des subterfuges incertains mais ils ne seront pas meilleurs que ceux qu’ont utilisé les rois d’Occident en faisant appel aux juifs pour contourné l’interdiction par l’Eglise de l’intérêt ou que ceux qui se pratiquent encore en droit islamique pour les mêmes raisons. Car l’intérêt est le prix normal de la dépossession acceptée au profit d’un autre, du risque pris de ne pas être remboursé et de la perte de chance de le faire soi-même profiter.
Le monopole de l’argent brouille le prix de l’argent et le jeu du marché et il corrompt les valeurs. L’argent n’est qu’un moyen de paiement pour tous et il y a toujours danger quand le souverain en fait l’instrument de sa seule politique. C’est un détournement de confiance qui nuit à l’argent lui-même tant celui-ci ne repose plus que jamais que sur la confiance. La concurrence de nouvelles monnaies privées doit à cet égard être considérée comme une belle opportunité d’obliger les monnaies publiques à se repenser pour retrouver leur crédit.
Article publié dans le quotidien l’Opinion (30 juillet)

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