Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

anglais
Accueil » Développer la santé à domicile : une urgence vitale

Développer la santé à domicile : une urgence vitale

par
277 vues
Les confinements décidés lors des pics épidémiques du covid et le scandale des Ehpad Orpea ont eu pour bénéfice de faire resurgir la question du maintien à domicile des personnes âgées.

On a ainsi pu découvrir l’exemple néerlandais où les maisons de retraite n’existent plus depuis que le gouvernement, à la fin des années 1990, s’est inquiété de leurs coûts toujours croissants pour un service qui ne donnait pas toujours satisfaction. Les premiers opposants à ces maisons de retraite étaient d’ailleurs les personnes âgées elles-mêmes, de plus en plus nombreuses à vouloir rester chez elles. Le maintien à domicile est donc devenu la règle et la dernière maison de retraite des Pays-Bas a fermé ses portes en 2015. Les soins sont depuis prodigués par un personnel soignant attaché au quartier, de la vérification de la prise des médicaments à la rééducation post-opératoire en passant par l’alimentation par sonde, etc. Si toutefois la perte d’autonomie devient importante, les personnes sont admises dans une maison de soins.

Le maintien à domicile coûte moins cher

Ce système a de nombreux avantages dont le premier est que les personnes âgées, davantage actives, dont le moral est bien meilleur chez elles et dans leur quartier, restent plus longtemps en bonne santé ; et pour des coûts moindres. Cela dit, il n’est pas pour autant la panacée puisque certains seniors peuvent souffrir de solitude, voire d’isolement, et préférer alors rejoindre des structures collectives.

Bien sûr, en France, toutes les personnes âgées ne sont pas en Ehpad et la plupart d’entre elles continuent à vivre chez elles. Néanmoins, comme l’indiquait le rapport Libault de 2019, 21 % des plus de 85 ans vivaient en institution en France en 2011, soit le double qu’au Danemark.

Le rapport mettait également en avant que si les dépenses françaises de protection sociale sont les plus élevées de l’Union européenne avec 34,3 % du PIB, elles sont structurées différemment de celles des Pays-Bas, du Danemark et de la Suède. La France dépense 2 à 3 points de PIB de plus que ces trois pays pour les retraites, 2 à 3 points de plus pour la santé et 1 à 2 points de moins pour la perte d’autonomie.

Ce qui vaut pour les seniors vaut également pour le reste de la population française en ce qui concerne les soins ambulatoires, c’est-à-dire ceux qui sont effectués dans la journée à l’hôpital ainsi que ceux qui sont dispensés au domicile du patient, en remplacement d’une hospitalisation. Ils sont bénéfiques à plus d’un titre : rétablissement plus rapide des patients, réduction des risques de complications, notamment des infections nosocomiales, coûts allégés pour les établissements hospitaliers, dépenses moindres pour l’Assurance maladie, réduction de la durée des arrêts de travail, etc.

L’ambulatoire est insuffisamment développé

L’ambulatoire s’est développé en France à partir des années 1970 et a progressé constamment jusqu’à aujourd’hui, du moins en chirurgie où il représente 54 % des interventions (chiffre de 2016). En revanche, il stagne en médecine où seules 40 % des interventions éligibles – par exemple les séances de dialyse, de radiothérapie, de chimiothérapie – se déroulent en ambulatoire.

Dans les pays anglo-saxons et scandinaves, le taux de recours à l’ambulatoire approche 80 %. Il est même de 90 % pour les actes chirurgicaux en Suède et au Danemark.

La France semble cependant vouloir rattraper son retard. La stratégie nationale de santé a pour objectif de porter le taux de recours à l’ambulatoire à 70 % en chirurgie et 55 % en médecine d’ici la fin de l’année 2022.

Si les soins à domicile se développent insuffisamment en France, c’est peut-être dû à la multiplicité des acteurs, la plupart du temps farouchement indépendants les uns des autres et manquant de coordination.

Parmi ces acteurs, on trouve bien entendu l’hôpital (ou la clinique), puis les établissements d’hospitalisation à domicile (HAD), les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), les professionnels de santé libéraux (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, etc.). Il convient d’ajouter les services d’aide à domicile (de la garde de nuit au portage des repas, en passant par l’auxiliaire de vie ou l’aide-ménagère). Enfin, dernier acteur, peu connu, les prestataires de santé à domicile (PSAD) qui interviennent, par exemple, dans le domaine respiratoire (traitement de l’apnée du sommeil, oxygénothérapie…), pour l’insulinothérapie, pour la fourniture d’équipements (lits médicaux, fauteuils roulants…), pour la nutrition artificielle, etc.

Les propositions des prestataires de santé à domicile

Ces prestataires emploient 32 000 salariés et accompagnent 2,5 millions de patients. A l’occasion de l’élection présidentielle, la fédération des PSAD a publié quelques propositions à l’adresse des candidats. Celles-ci peuvent être regroupées en trois thèmes : 1) accélérer les prises en charge à domicile, 2) accompagner la transition numérique du système de santé, 3) repenser le financement de la santé et des modalités de régulation des dépenses.

Sur le premier sujet, on ne sera pas surpris que les PSAD veuillent jouer un plus grand rôle à l’avenir et l’on acquiesce aisément aux propositions visant à s’appuyer sur eux pour renforcer la coordination ville-hôpital et ainsi faciliter les parcours de soins ; à clarifier les rôles et responsabilités de chacun des acteurs de la santé à domicile (quoiqu’il semblerait plus judicieux de faciliter une forme de regroupement et de mutualisation de leurs services) ; à développer et valoriser financièrement les actions de prévention à domicile ; ou encore à leur ouvrir, ainsi qu’aux professionnels de ville, de nouvelles activités à domicile.

S’agissant de la transition numérique, les PSAD souhaitent être pleinement intégrés dans le projet d’Espace numérique en Santé, avoir accès aux données produites par les dispositifs médicaux (open data) pour améliorer la prise en charge des malades, participer au déploiement de la télésurveillance.

En revanche, sur la question du financement de la santé, les propositions de la fédération des PSAD s’inscrivent, nous semble-t-il, trop facilement dans ce qui existe déjà. On aurait aimé davantage de créativité et d’innovation, on aurait par exemple apprécié qu’elles incluent la mise en concurrence de l’Assurance maladie comme le préconise Jean-Charles Samuelian-Werve, le fondateur d’Alan, ainsi que l’IREF. On aurait applaudi à un peu plus d’audace, comme une défense de la retraite par capitalisation. Car c’est notamment grâce à ce système que, par exemple, les Pays-Bas servent des retraites plus avantageuses que la France (pour un coût deux fois moindre) permettant aux seniors de s’offrir des prestations à domicile de qualité.

Espérons enfin qu’Elisabeth Borne ne donne pas suite à l’une des propositions les plus mauvaises des PSAD : créer un secrétariat d’État de la santé à domicile dont l’une des premières missions pourrait être d’organiser un Ségur de la santé à domicile.

Suggérons plutôt aux PSAD de prendre l’initiative d’un Charenton de la santé à domicile – la fédération a son siège rue de Charenton à Paris – avec les autres acteurs favorables à une évolution du système actuel, sans attendre qu’un hypothétique secrétariat d’État, de toute façon prisonnier d’une administration de la santé rétive à tout changement structurel et méfiante vis-à-vis des entreprises (qui représentent 2/3 des PSAD, le troisième tiers étant constitué d’associations), veuille bien organiser un simulacre de concertation.

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire

3 commentaires

Daniel 1945 25 mai 2022 - 7:26

Le maintien à domicile coûte moins cher mais surtout rapporte moins aux actionnaires des EHPAD.

Répondre
Laurent MOTTE 25 mai 2022 - 7:47

Bonjour,
merci pour ce bel article.
Pour les personnes âgées, c’est vrai qu’on est toujours mieux chez soi pour vieillir, tant que c’est possible ; reste le pb de l’isolement, et les proches doivent vraiment s’impliquer pour que les personnes qui restent à domicile puissent avoir des contacts amicaux ou « aimants », autre que les visites des professionnels.

Répondre
orilou 25 mai 2022 - 8:35

Le bon sens commanderait effectivement la présence d’acteurs polyvalents dans les villages, les quartiers etc. C’est encore plus vrai dans un pays où on prétend ne travailler que 35 heures par semaines. ..Sans compter le coût des carburants. L’individualisme forcené des Français et la culture des chapelles feront-ils place au bon sens ? That is the question !

Répondre