Selon la proposition du gouvernement, les retraites de base seront revalorisées le 1er janvier prochain de 5,2 %, soit le montant de l’inflation en 2022. Par une décision unanime des syndicats, employeurs et employés, en charge des retraites complémentaires AGIRC ARRCO, il a été convenu le 5 octobre, sous réserve de validation par leurs organisations, de revaloriser les pensions complémentaires de 4,9% à partir du 1er novembre.
Dans une tribune collective publiée ce même 5 octobre 2023, quelques économistes s’insurgent contre la hausse annoncée de 5,2 % des retraites du régime général pour 2024. C’est la quatrième revalorisation en deux ans et elle représentera, s’inquiètent-ils, une charge de 14 Md€ qui pèsera sur les actifs qui paient déjà environ 30% de cotisation retraite sur leurs salaires. Ils doivent sans doute être aussi très critiques à l’égard de la revalorisation des retraites complémentaires. L’un des signataires, Erwann Tison, de l’institut Sapiens, avait déjà accusé le gouvernement de continuer « allègrement son injuste politique gérontocratique » tandis que Maxime Sbaihi, directeur des études à l’institut Montaigne, regrettait que « l’électoralisme bafoue la valeur travail et l’équité intergénérationnelle ».
Pourtant les mesures proposées par le gouvernement et par l’AGIRC ARRCO relèvent du droit et de la plus élémentaire justice.
Le droit bafoué
L’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale dispose sans ambiguïté que la revalorisation annuelle des montants de prestations de retraite est effectuée sur la base de l’indice annuel des prix à la consommation, hors tabac, calculé par l’INSEE, sans pouvoir être inférieur à un.
Il paraît pour le moins souhaitable que le gouvernement et les organisations syndicales respectent le droit. Sinon, à quoi sert-il ? Et si le pouvoir en place ne se soumet pas au droit, pourquoi les citoyens y seraient-ils tenus ? Pourtant depuis des années, le législateur piétine la loi qu’il a instituée.
Régimes de base : comme l’indique le COR, depuis 2014, les taux de revalorisation des régimes de base ont été jugulés. Ils ont été gelés en 2014 et 2016, puis en 2018, en lien avec le décalage de la date de revalorisation. En 2019 et 2020, les pensions de base ont été sous-indexées. En 2021, elles n’ont été rehaussées que de 0,4% au 1er janvier. En 2022, les pensions de retraite de base ont été augmentées 2 fois : une 1ʳᵉ fois le 1er janvier (+ 1,1 %) et une 2ème fois en juillet 2022 (+ 4 %). En 2023, elles ont été augmentées de 0,8 % au 1er janvier. Une hausse de 100 € brut par mois a été prévue à compter de septembre 2023 au profit des personnes qui perçoivent le montant minimal de retraite.
Retraites complémentaires : l’Agirc-Arrco, qui gère la retraite complémentaire des salariés, fixe son propre taux d’augmentation qui s’applique au 1er novembre de chaque année. Ce sont les partenaires sociaux, gestionnaires de l’Agirc-Arrco, qui décident de ce taux. La valeur du point a été gelée de 2014 à 2017 et sous-revalorisée en 2018, 2019 et 2020. En 2021, il a été procédé à une revalorisation de 1%. Puis le 1er novembre 2022, l’augmentation a été fixée à 5,12 %.
On est loin d’une indexation sur le coût de la vie.
Une situation parfaitement injuste
Selon la DRESS, l’évolution des retraites en euros constants a été toujours négative depuis 2011, soit :
- pour les retraites de base, moins 0,4% par an de 2011 à 2021, moins 0,9% par an de 2016 à 20021, moins 2,3% de 2020 à 2021 et moins 0,7% de 2021 à 2022 ;
- pour les retraites AGIRC-ARRCO, moins 0,4% par an de 2011 à 2021, moins 0,9% par an de 2016 à 20021, moins 1,7% de 2020 à 2021 et moins 0,7% de 2021 à 2022.
Ce fut donc une longue descente aux enfers depuis plus de dix ans et certains trouvent que ça n’est pas assez ! Même en 2022 et 2023, la revalorisation apparemment importante n’aura pas été au niveau de l’inflation : l’indice des prix à la consommation harmonisé qu’a pris le gouvernement pour proposer la hausse des bases de taxes locales a été de 3,4% en 2021 et de 6,7% en 2022. La revalorisation des retraites s’est située à un niveau de 4,5 à 5 points en dessous.
Pourtant, les retraités ont cotisé comme le font les actifs aujourd’hui. Il leur avait été promis une retraite calculée selon des règles définies à l’avance. Modifier le calcul en cours de vie revient à tricher dans un jeu dont seul l’un des partenaires, l’Etat, décide des règles et ne tient pas ses engagements.
Quand ce changement de règles vise à appauvrir indûment ceux qui les subissent, cela s’appelle de l’injustice. Quand il est reproché aux retraités qui ont épargné toute leur vie d’être un tout petit peu plus aisés que les jeunes qui commencent dans la vie, cela s’appelle de la bêtise et de la jalousie.
Un système détraqué
Ce qui est aberrant, ce n’est pas que les retraités disposent de retraites qui augmentent autant que l’inflation, mais que ce soit le gouvernement qui les fixe. C’est que nous ayons conservé le système de répartition hérité du pétainisme et de la Libération alors que nous savons depuis plus de 30 ans que notre abaissement démographique est incompatible avec lui. C’est que nous n’ayons pas introduit progressivement de la capitalisation dans les régimes de retraite pour les maintenir en équilibre à terme. C’est que nos gouvernants disent que le système par répartition est notre trésor national quand il ressort clairement que partout à l’étranger où la capitalisation a été instaurée les retraites sont plus sécurisées et sensiblement plus importantes en proportion des cotisations, « en même temps » que les fonds de capitalisation constitués y soutiennent l’économie nationale.
Ce qui est aberrant, c’est que l’Etat se conduise comme un despote décidant à son gré de prendre aux uns pour donner aux autres en créant ainsi la méfiance et l’animosité de tous contre tous. Il est urgent d’introduire de la capitalisation dans notre système pour le sauver de la faillite, mais plus encore pour permettre à chacun de gérer sa retraite, ce qui est impossible dans un système de répartition collectif et collectiviste) par principe.
10 commentaires
Erwann Tison de Sapiens se trompe complètement de débat en accusant les boomers de saigner les jeunes actifs sans remettre en cause la répartition qui crée un droit de tirage structurel étatiste des seniors sur les jeunes. Le sujet, c’est la capi et cette attaque des seniors qui n’en peuvent mais, soutient implicitement le régime en cours de répartition puisqu’il adhère à ses mêmes contradictions.
Excellente analyse M. Delsol.
Personnellement je déplore que les idéologues oublient toujours les réalités qui les dérangent. La répartition basée sur le principe des enfants qui financent la retraite de leurs parents ne devrait être attribuée qu’a ceux qui ont eu des enfants. (1 enfant = une demi retraite, 2 enfants ou plus = une retraite complète). Les « sans enfants » (volontaires ou pas) ne seraient pas pénalisés car les 2 fois 250 000 € que coûtent d’élever 2 enfants pourraient être affectés à une retraite par capitalisation. (bien sur, ces derniers ne seraient pas dispensés de cotiser pour la répartition de leurs parents).
Un tel système, plus juste, indexé sur le taux de natalité, garantirait de plus la pérennité de la répartition et pourrait même être un stimulant du taux de natalité.
« Le bon sens est le système immunitaire de la pensée » (Oncpicsou)
avec 100 € de plus pour les retraites minimales une autre question se pose celle du travail puisque le revenu minimal de la retraite de ceux qui n’ont rien foutu de leur vie ou de celle d’une certaine nouvelle génération qui prétend que ne pas travailler c’est le mode de vie qui leur convient et s’ils sont malades ou en retraite ils sont de plus en plus bien mieux lotis que ceux qui cherchent à travailler et qui ne trouvent que des emplois bouche trou. C’est la nouvelle égalité Républicaine mise en place par les assistés et rentiers de la République qui avec leurs gros revenus et le peu de travail accompli sont loin de gueux qui sont aujourd’hui obligés de travailler ou ceux qui ont trimé bien plus et plus longtemps que tous ces nouveaux salopards et pour que cette racaille assistée en profite royalement.
C’est l’UE qui exige de la France, une baisse terrifiante de la part des pensions de retraites dans le PIB. Alors que la proportion de séniors dans la population augmente…
voir : GOPé pour la France, disponible sur le site de l’organisation mortifère en question.
Le gouvernement bafoue les Français et le droit pour faire plaisir à l’UE.
Voilà.
Non ! C’est l’incurie des dirigeants français qui n’ont jamais reformé le système et ont mis en place des régimes spéciaux scandaleux. L’UE n’y est pour rien.
Exactement, malhonnêteté et lâcheté plus qu’incurie
M.Delsol a parfaitement raison , on peut meme ajouter la super-cotisation CSG qui a augmenté sans motif et que les retraités sont les seuls à payer avec les loueurs de biens fonciers ‘souvent eux aussi des retraités d’ailleurs,
Ouf j’ai failli m’étrangler en lisant les deux premiers paragraphes mais heureusement le troisième, sur le système détraqué, m’a fortement rassuré et donc monsieur Delsol oui vous êtes bien lucide tout ce que vous y écrivez, chaque ligne, c’est exactement ça
il n’y a rien à enlever ni à rajouter
le vers est dans le fruit depuis le début
le pétainisme est probablement la pire malédiction et la pire perversion qui se soit jamais abattue sur la France
Ne pas oublier que les retraités de 80 ans ont travaillé 47h par semaine et trois semaines de congés payés!!
L’Etat fait toujours ce que bon lui semble pour noyer le poisson. Il prend aux uns (les gens en activité et aux retraités) pour donner aux autres (ceux qui ont peu ou n’ont jamais travaillé), comme si cela était logique ! Il serait bon de tout revoir à tous les niveaux pour réduire ces injustices !