Alors que s’achèvera le 7 juillet 2024 la première partie du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, il n’est pas inutile de se pencher sur la lettre adressée par François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, au président de la République ainsi qu’au président du Sénat et à la présidente de l’Assemblée nationale.
Cette lettre, intitulée « La France et l’Europe : de la gestion des crises à une ambition de plus long terme », contient à la fois un point sur la situation économique de la France et de l’Europe, et des propositions visant à préparer l’avenir.
Si François Villeroy de Galhau s’intéresse aussi à l’Europe, nous ne nous y attarderons pas pour nous concentrer sur ce qu’il dit de la France.
L’économie française s’est dégradée depuis 25 ans
Il commence par distribuer des bons points à Emmanuel Macron et à ses équipes. Il se réjouit ainsi que le gouvernement français ait mis en place, « tôt et efficacement », des mesures tarifaires spécifiques ayant permis une inflation moindre que dans le reste de la zone euro : 7,3% au plus haut en France (février 2023) contre 10,6% dans la zone euro (octobre 2022). Il se félicite également du succès des réformes françaises du marché du travail qui ont permis une « résilience remarquable » de l’emploi en 2023. Enfin, il se réjouit que le pouvoir d’achat ait été globalement préservé en 2022 (-0,1%) et 2023 (+0,5%).
Le gouverneur de la Banque de France souligne par ailleurs les évolutions favorables de l’économie française au cours des 25 dernières années. Ainsi, la moindre inflation des dernières années semble-t-elle structurelle puisqu’elle a été de 1,9% en moyenne annuelle entre 1999 et 2023 (contre 2,1% dans la zone euro). Au bout de 25 ans, la différence est significative : +68% dans la zone euro contre +57% en France. Il en est de même de la progression du pouvoir d’achat qui a été de 26% en 25 ans en France, alors qu’elle n’a été que de 17% dans l’ensemble de la zone euro.
Si la croissance du pouvoir d’achat a été portée par des salaires réels dynamiques, elle l’a aussi été par des transferts sociaux – « et donc des déficits publics », tient à préciser Villeroy de Galhau – qui restent plus importants que chez nos voisins. Sans faire de parallèle entre les deux indicateurs – pourtant la similitude des chiffres devrait l’interroger – il remarque que le PIB rapporté au nombre d’habitants a progressé plus lentement en France (19% en cumulé entre 1999 et 2023) que dans la zone euro (25%). « Cette moindre croissance d’ensemble française s’explique, écrit le Gouverneur, simultanément par des contributions de l’emploi et de la productivité plus faibles que dans le reste de la zone euro ».
François Villeroy de Galhau note également la dégradation de la performance à l’exportation de l’économie française au cours des 25 dernières années. Si la compétitivité/coût de la France, mesurée par le coût unitaire du travail, s’est maintenue dans la moyenne européenne, sa compétitivité hors coût souffre encore aujourd’hui, principalement à cause de l’affaiblissement de la base industrielle et d’une insuffisante montée en compétences. A ces performances insuffisantes à l’exportation est lié le creusement du déficit extérieur, le solde du compte des transactions courantes de la France s’étant dégradé depuis le début des années 2000.
Le gouverneur Villeroy de Galhau remarque aussi que la dette privée française a augmenté plus que la moyenne de la zone euro, « la dépassant désormais sensiblement », sans doute parce que les taux d’intérêt ont été, dans notre pays, significativement inférieurs à la moyenne de la zone euro. L’État en a aussi profité, mais n’a pas saisi cette opportunité pour se désendetter, à l’inverse d’autres pays européens. « Des déficits systématiques ont entraîné une hausse massive de notre dette publique : en 1980, elle ne représentait que 20% du PIB ; en 1999, encore 60% ; en 2023, elle en représente près de 111%, une proportion qui diminue trop lentement depuis le choc Covid et entraîne un écart de plus de 20 points entre la France et la zone euro, et d’environ 50 points entre la France et l’Allemagne ». Maintenant que les taux remontent, la charge de la dette publique française va s’alourdir. Alors qu’elle représentait 29 milliards d’euros (Md€) en 2020, elle devrait atteindre, selon la Banque de France, environ 58 Md€ en 2024, soit davantage que le budget des armées, puis environ 80 Md€ en 2027, presque autant que le budget de l’Education nationale !
En résumé, pour Villeroy de Galhau, « l’euro a bien aidé les Français, en permettant une inflation mieux maîtrisée, une progression du pouvoir d’achat sensiblement plus favorable que la moyenne européenne, et une baisse particulièrement marquée du coût des emprunts ». Cependant, « nous avons continué à trop différer le traitement de nos faiblesses structurelles qui préexistaient et expliquent notre retard relatif de croissance : l’insuffisance de l’emploi, malgré des progrès récents ; la nécessaire montée en compétences ; et le poids excessif de nos déficits et de notre dette publique. Pour le dire autrement, nous Français tendons collectivement et depuis trop longtemps à préférer des palliatifs de facilité et de court terme – le plus souvent par l’augmentation des dépenses publiques et de l’endettement général –, plutôt que les nécessaires solutions de fond dans la durée ».
Que faire pour redresser la situation ?
Pour le gouverneur de la Banque de France, l’heure de vérité a sonné d’une stratégie budgétaire de redressement. Même s’il ne veut pas engager son institution dans le choix des différentes mesures d’économies et de recettes nécessaires à ce redressement, Villeroy de Galhau donne quand même trois pistes. La première consiste à « affronter la vérité et faire preuve de crédibilité » : les prévisions – y compris de croissance – doivent être plus réalistes, leur mise en œuvre ensuite doit être beaucoup plus sérieuse et continue, au contraire de ce qui a été fait ces 15 dernières années. Nous devons aussi, lorsque la conjoncture s’améliore, faire reculer les déficits à l’instar de nos voisins afin d’éviter la montée continue de la dette.
Deuxième piste : « Agir d’abord sur les dépenses, par un effort large et juste ». Depuis 30 ans, la France se caractérise par un écart de dépenses publiques croissant avec ses voisins européens qui partagent pourtant le même modèle social. Il est illusoire, selon le Gouverneur, d’attendre d’une future accélération de la croissance ou d’un retour au plein emploi la résolution de la dérive des comptes publics. Pour autant, il ne s’agit pas de « décréter l’austérité et la baisse générale des dépenses, mais d’arriver à leur quasi‑stabilisation globale en volume ». Villeroy de Galhau préconise de s’attacher plus particulièrement à bloquer les dépenses sociales et celles des collectivités locales.
Enfin, la troisième piste concerne les impôts. Il faut « a minima arrêter leur baisse, et peut‑être élargir certaines assiettes ». Pour le Gouverneur, « les baisses d’impôt successives depuis 2014 ont contribué à nos déficits, et nous coûtent aujourd’hui de l’ordre de 2 points de PIB ». Par conséquent, « la première priorité serait donc de suspendre toute nouvelle baisse d’impôt non financée, sur les entreprises comme sur les ménages ». Mais cela risque de ne pas suffire. Villeroy de Galhau pense donc qu’en complément des économies de dépenses, il est nécessaire d’augmenter les recettes fiscales. Cela pourrait passer par la « taxation des rentes », des élargissements d’assiette, un meilleur ciblage des allègements de cotisations sociales et la suppression de déductions ou exonérations qui participent encore d’une « fiscalité brune » anti-écologique.
En résumé, les propositions du gouverneur de la Banque de France reviennent à ne plus augmenter les dépenses et à ne plus baisser les impôts, voire à les augmenter. Des recettes similaires à celles de Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, qui ne permettront pas de redresser la situation de la France.
Pourquoi s’en étonner ? Tous les deux sont d’ardents défenseurs du keynésianisme. Comme l’écrit Villeroy de Galhau dans sa lettre, « la théorie d’un échec keynésien ne résiste guère à l’analyse des faits » !
C’est sans doute pourquoi François Villeroy de Galhau défend l’extension du budget européen et la multiplication des dépenses en faveur d’une « politique industrielle véritablement européenne », et de « la double transformation de l’Europe, écologique et numérique ».
Nous pensons, au contraire, qu’il faut massivement réduire les dépenses publiques, et continuer les baisses d’impôts. Les deux remèdes ne sont pas incompatibles s’ils sont appliqués intelligemment et sont les seuls capables de sortir la France du gouffre. A cet égard, il nous paraît judicieux d’interdire les déficits publics comme a su le faire l’Allemagne alors que M. Villeroy de Galhau estime que l’excès de vertu budgétaire peut devenir une erreur et que le frein constitutionnel allemand à la dette (Schuldenbremse) est d’une « rigidité abusive ».
Enfin, nous souhaitons remettre l’Union européenne dans le droit chemin, en l’écartant de sa dérive dirigiste, bureaucratique et idéologique, et en redonnant de la vitalité au marché unique.
9 commentaires
augmenter les impots ? quelle originalité ! décidemment ces technocrates a la petite semaine font tout pour torpiller ce pays !
Avant d’augmenter les impôts des ménages,commençons par réduire voir diminuer les salaires des hauts fonctionnaires,des dirigeants de certaines caisses sociale,de supprimer certains train de vie de ‘nos ministres et autres,comme repas royaux,déplacement avions,réception ou autres
Commencer par montrer l’exemple aux français et ensuite chacun de ‘nous jugerons
Qu’en pensez vous?
Ce monsieur est gouverneur de la banque de France et ne sait pas que la dette c’est.. de l’impôt différé!
Plus de 3000 milliards d’impôts cachés (6000?), ça ne devrait pas passer inaperçu tout de même.
Quand je vous dit que les diplômes ne sanctionnent pas l’intelligence!!!
Se féliciter d’avoir eu quelques résultats positifs à ce prix, c’est se moquer du monde.
L’ euro nous a rendu service ??? Il va falloir nous le démontrer, on dirait plutôt que c’est l’inverse. Les impôts auraient diminués? On ne voit pas très bien où. Ce langage est insupportable. Il faut aussi parler des taxes qui, elles, s’envolent, et donc parler des prélèvements obligatoires, c’est cela la réalité. Ou bien ce gouverneur habite sur la lune, ou bien il ne veut pas faire de la peine à Mr Macron. Ou les deux.
Il a tout faux.
Il faut STABILISER les impôts et BAISSER les dépenses.
C’est pas top pour le patron de la BDF
Ce monsieur est trop payé, c’est cela le premier point. De plus sachant que la France est le pays qui prélève le plus de prélèvement obligatoire, le pays qui dépense le plus en dépense public en pourcentage du pib, comment peut on dire qu’il faut prélever plus??? n’importe qui de censé dirait qu’il faut se rapprocher des moyennes, et donc baisser les prélèvements obligatoires, et si possible les impôts. Et quant on veut baisser massivement les dépenses, il faut commencer par taper dans les plus gros postes. En France ce sont les dépenses sociales, la masse salariale de la fonction publique….ah bah du coup il veut juste détourner l’attention, il a peur de perdre sa place…quant à taxer la rente, l’une des premières rente est le logement de fonction des gouverneur de la banque de France….
erreur de frappe: et donc il faut baisser drastiquement les dépenses publiques, et si possible les impôts
… et pas un mot sur les 3000 milliards d’impôts cachés aux citoyens !!!
Ne pas toucher aux dépenses étatiques (qui ont atteint un niveau insupportable), augmenter les impôts (qui plombent la productivité de l’appareil de production Français) quel drôle de gouverneur nous avons là !