Avec une vraie réforme, le bac pourrait devenir un examen indépendant du ministère et de l’Etat. A l’instar des concours d’anglais (TOEIC, TOEFL) bien connus des étudiants, ou de français (DELF) mieux connus des étrangers, il validerait des compétences dans une parfaite objectivité.
C’est malheureusement devenu un lieu commun : le baccalauréat ne vaut plus grand-chose si l’on est sévère, il est bien moins sélectif qu’avant dans tous les cas. Le taux de réussite atteint 87,9% en 2017 quand la moyenne était de 64% entre 1960 et 1969 et de 75% entre 1990 et 1999. Deux explications peuvent expliquer ces augmentations : soit les Français font preuve d’une intelligence toujours plus grande, soit l’examen est de plus en plus facile. Les classements internationaux plaçant les élèves français à des niveaux toujours plus faibles (selon le programme PISA, de la 11ème en 2003 à la 26ème place en 2015, en mathématiques), nous optons pour la seconde. C’est ainsi que 641 700 lycéens ont obtenu le diplôme en 2017. C’est 27% de plus qu’en 2000 et 982 % de plus qu’en 1960.
Les universités ne peuvent plus accueillir ces candidats trop nombreux qui pour la plupart échoueront en première année (58,4%), et peut-être aussi en deuxième première année. Heureusement, de nombreux établissements privés ont pris le relais et donnent aux bacheliers d’autres possibilités. Le ministère concerné comptait 2 551 100 inscriptions dans l’enseignement supérieur en 2015-16, témoignant de la valeur inexistante du bac sur le marché du travail. Fort de la gratuité apparente, l’université représente néanmoins encore 62% des étudiants en 2015 contre 5% pour les écoles de commerce par exemple. Mais ces dernières ont augmenté leurs effectifs de 762% depuis 1985. Ceux des écoles d’ingénieurs ont bondi de 273%. Il fallait donc réformer et cela passe par la remise d’un rapport.
Les propositions
Le rapport est écrit par Pierre Mathiot, un universitaire, qui a été notamment directeur de l’Institut d’études politiques de Lille. Il renouvelle entièrement la formule du bac, et, en amont, l’organisation des programmes au lycée. Les grands traits ont été largement présentés : introduction d’un contrôle continu, épreuves orales mieux valorisées, répartition des études entre épreuves majeures et mineures, refonte des filières, souci de professionnalisation.
Ces mesures visent à « simplifier son organisation, affirmer sa fonction d’accès à l’enseignement supérieur en lien avec la question essentielle de l’orientation et restaurer sa crédibilité en en faisant une étape déterminante de la réussite future de nos élèves ».
Ces objectifs seront-ils atteints ? Il est trop tôt pour se prononcer… D’aucuns ont noté qu’effectivement, on assistait à une simplification mais dont l’objet était surtout de faire des économies. En effet, les changements interviendront tant sur l’organisation des cours et donc le rôle des professeurs que sur l’organisation de l’épreuve. L’attention budgétaire est un prérequis essentiel à toute réforme.
Cependant, lorsque le rapport indique « Il ne s’agit nullement de mettre en cause les taux de réussite et l’objectif de 80% de réussite […] mais de poser l’exigence d’une correspondance entre les résultats obtenus et un niveau attesté de connaissance », on relève là une contradiction. Si le niveau de réussite d’un examen est prédéterminé, il est évident que les notations seront adaptées non à la qualité du travail des candidats mais au taux de réussite fixé. Un contre-sens qui doit disparaitre pour « la justesse et la probité de l’évaluation que l’on doit à notre jeunesse », comme le dit justement le rapport.
D’autres personnes autorisées ont cependant porté un regard très critique sur ce rapport, dont Anne Coffinier, présidente de la Fondation pour l’école. Interrogée dans le Figarovox du 25 janvier, elle craint que la réforme n’améliore pas le niveau des élèves et même qu’elle le détériore en ce qui concerne la maîtrise de l’écrit. Quant au passage vers les études supérieures, elle pense que la nouvelle formule du bac va accentuer les écarts entre les lycées réputés et les autres. Le contrôle continu et les jurys composés en partie de personnes du lycée d’origine pourraient, en effet, diminuer l’indépendance, donc la crédibilité, des notations. Elle espère que, peut-être, la réforme « déghettoïsera » les matières professionnelles, mais reste très dubitative à cet égard.
Changer d’apparence mais garder la structure
En immobilier, une restructuration consiste à mettre à nu un immeuble, ne garder que les structures autour desquelles tout est refait à neuf. C’est moins onéreux que de construire à partir de rien. Cette réforme ressemble à cela. Certes, elle propose beaucoup de nouveautés. Certes, certaines propositions sont originales. Mais sous la surface, qu’est-ce qui change ?
De la suradministration du secteur, de l’indépendance des directeurs, des professeurs et des établissements, de la carte scolaire, on ne dit rien. Du fonctionnariat, on ne parle pas.
On ne voit pas, non plus, de pistes vraiment neuves. Beaucoup pourtant ont été ouvertes par d’autres pays et ne présentent donc pas de péril majeur. Le Royaume-Uni a testé avec succès le développement des écoles libres sous diverses formes, dont les académies. Les résultats sont bons puisque plus de 93% d’entre elles ont obtenu les meilleurs résultats possibles. Le développement des écoles libres pourrait accompagner celui du chèque éducation dont l’IREF fait la promotion. Il a été introduit en Lituanie avec succès, en Louisiane également, et il existe dans de nombreux autres pays depuis longtemps.
Pourtant, l’école libre est de nouveau sous la menace d’une proposition de loi alourdissant les conditions administratives d’ouverture, sous le fameux prétexte de lutter contre l’islamisme. Déjà le gouvernement précédent avait tenté la manœuvre.
Le baccalauréat, label indépendant de l’Etat
Dans ce cadre-là, le bac pourrait devenir un examen indépendant du ministère et de l’Etat. A l’instar des concours d’anglais (TOEIC, TOEFL) bien connus des étudiants, ou de français (DELF) mieux connus des étrangers, il validerait des compétences dans une parfaite objectivité. Ainsi, l’enseignement dispensé au lycée, qu’il soit purement académique ou plus professionnel, serait libéré des contraintes pesantes de l’examen final. Les établissements indépendants auraient une entière liberté pour établir leurs programmes. Charge à eux d’organiser les passages de l’examen quand bon leur semblerait, en fin d’année terminale, plus tôt dans l’année ou dans les classes précédentes. Les écoles de l’enseignement supérieur pourraient aussi s’emparer de la question et proposer des cursus intégrant le baccalauréat en cours de scolarité.
Cette énième réforme comporte quelques éléments intéressants mais laisse nombre de vrais problèmes de côté. Il y a tout à parier que cette ultime réforme sera suivie par une autre non moins ultime réforme.
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Le baccalauréat
Comparer les taux de réussite au baccalauréat de 1960 avec ceux du baccalauréat d'aujourd'hui donne une idée de l'évolution des choses mais une idée superficielle et inexacte de la réalité.
En effet, les épreuves et les exigences n'étaient pas les mêmes en 1960.
Par exemple, vu le niveau d'orthographe d'aujourd'hui, il y a fort à parier que le taux de réussite actuel serait bien moindre si on appliquait les consignes d'autrefois.
Il semble également que la capacité des élèves d'aujourd'hui au raisonnement n'ait rien à voir avec celle de cette époque.
Etc.
On est arrivé à la phase ultime : le bac actuel ne sert à rien ! Le réformer sans revenir sur l'objectif de 80% est aussi voué à l'échec.
Cordialement.
Isabelle de Lassus