Donald Trump a déclaré la guerre aux deux meilleurs partenaires commerciaux des États-Unis : le Canada et le Mexique. En outre, il relance le conflit commercial avec la Chine, et pour les mêmes raisons, qui sont « extra-commerciales ». Difficile de parler de « protectionnisme » au sens traditionnel du terme, pour qualifier ces droits de douanes de 25% imposés dès aujourd’hui aux importations mexicaines et canadiennes. La Chine est frappée, elle, à un niveau moindre de 10%. Pour autant les motifs invoqués pour ces sanctions unilatérales sont identiques.
Trump accuse le Mexique et le Canada de laxisme dans le contrôle de leurs frontières
Le nouveau président exige que les trois pays éradiquent la fabrication et le trafic de fentanyl qui font des ravages de plus en plus visibles dans les rues des grandes villes comme dans les zones rurales des États-Unis. Quelque 70.000 Américains meurent chaque année d’overdoses d’opioïdes principalement dues au fentanyl. « De quoi remplir un stade qui accueille le Super Bowl » explique Peter Navarro, conseiller économique à la Maison-Blanche.
Donald Trump accuse aussi le Mexique, et le Canada, de laxisme dans le contrôle de leurs frontières, débouchant sur une vague sans précédent d’immigration illégale. En 2024, seulement 1,5% des sans-papiers appréhendés par la police américaine aux frontières venaient du Canada. Par ailleurs, 0, 2% du fentanyl saisi par les services américains sortaient de laboratoires canadiens…
À peine réinstallé Pennsylvania Avenue, le président populiste fabrique donc de toutes pièces un contentieux commercial, à partir d’exigences relevant de la sécurité, de la souveraineté et de la santé publique. Il met en pratique sa conviction, maintes fois proclamée, selon laquelle les droits de douane sont une réponse à tous les maux.
Ces « tariffs » auraient pour vertu de forcer les partenaires des États-Unis à se soumettre, car ces derniers dépendent beaucoup de l’accès au marché américain. L’énormité des sanctions américaines suffirait effectivement à plonger en quelques mois le Canada et le Mexique en récession. Les surtaxes douanières apporteraient aussi des recettes fiscales au Trésor. Elles sont présentées enfin comme des raisons pour des entreprises étrangères de s’implanter aux États-Unis en vue d’y créer une base industrielle durable génératrice d’emplois à forte valeur ajoutée.
Passons sur le caractère contre-productif de l’imposition de sanctions unilatérales contraires à la lettre et à l’esprit du traité de libre-échange que Donald Trump a lui-même renégocié et signé en 2020, avec le Canada et le Mexique. Si l’administration Trump est capable de jeter ainsi à la poubelle un tel accord, sur la base duquel des dizaines de milliards ont été investis dans les trois pays concernés, que vaut la parole et la signature de Washington ?
C’est le consommateur américain qui va payer de sa poche au moins une part de ces sanctions
Que dire aussi des effets néfastes de ces surtaxes sur les marges des entreprises et sur l’inflation ? Il est évident qu’une part de ces droits de douane se répercutera sur les prix de vente de tous les produits et services incorporant des contenus canadiens et mexicains. Le consommateur américain va donc payer de sa poche au moins une partie de ces sanctions. Les milliers d’entreprises américaines qui dépendent de pièces et composants canadiens et mexicains faits sur mesure pour leurs produits “Made in the USA”, ne vont pas rogner leurs marges pour absorber la totalité de ces surcoûts. Ils ne pourront pas rapidement trouver des fournisseurs alternatifs au Viêt Nam ou en Inde…
Le secteur automobile est le meilleur exemple de filières à cheval sur les trois pays d’Amérique du nord. Le Canada fournit 13% des pièces automobile importées aux États-Unis. Le Mexique fait de même à hauteur de 42%. La délocalisation de certaines productions au Mexique permet aux constructeurs américains de spécialiser leurs chaînes sur des modèles et des tâches de plus haute valeur ajoutée. C’est le principe même du commerce, dont les vertus enseignées par l’économiste britannique David Ricardo au XIXème siècle échappent à Donald Trump. La meilleure intégration de la production sur les trois pays d’Amérique du nord réalisée par General Motors est par exemple une des raisons de sa relative meilleure santé par rapport à Ford.
Le pire est que Donald Trump reconnaît lui-même implicitement l’effet néfaste des droits de douane sur le pouvoir d’achat des Américains ! C’est pour cela qu’il limite à 10% la surtaxe imposée aux produits pétroliers canadiens. Il tente ainsi de limiter la hausse immédiate des prix à la pompe provoquée par la hausse du prix du pétrole canadien.
Les prix de denrées alimentaires de base vont aussi augmenter à cause de l’offensive tarifaire des États-Unis : 23% de la nourriture importée par l’Amérique proviennent du Mexique et 20% arrivent du Canada. Donald Trump a beau dire que « Nous n’avons pas besoin des produits qu’ils ont. Nous avons tout le bois et le pétrole qu’il nous faut », le budget de fruits et légumes de l’Américain moyen va augmenter.
Alors que les lobbies industriels américains, comme la US Chamber of Commerce, déplorent la déclaration de guerre commerciale, le président Trump doit se préparer à conforter les entreprises qui sont immédiatement visées par les rétorsions canadiennes et mexicaines. Les secteurs du fromage, des confitures, de la viande de porc, du whisky, entre autres, vont faire les frais du nouveau contentieux.
Face à ce nouveau front ouvert par Washington dans les tensions internationales, les Européens ont toutes les raisons de s’inquiéter. Donald Trump a promis de les frapper aussi car, dit-il, « ils nous traitent très mal et refusent nos voitures et nos produits agricoles ». Or l’Union européenne est divisée, politiquement affaiblie, et économiquement vulnérable, car dépendante des États-Unis en matière militaire et énergétique. La bataille transatlantique imminente qui s’annonce sera difficile.
7 commentaires
America first, any way…. any where , anay timme …. Economy is the only way for a winner….
America first, any way…. any where , anay timme …. Economy is the only way for a winner….
Merci pour votre article. En l’occurence, les entrées illégales depuis le Canada explosent; on ne peut pas reprocher à Trump d’utiliser cet argument comme d’un bâton dans la négociation avec son voisin. Evidemment que les annonces de Trump fragilisent le libre-échange, mais les entrées massives d’immigrés illégaux et de narcotiques sont au moins aussi dangereuses, voire plus, même si vous n’êtes pas d’accord, reconnaissez que ça peut se discuter. Si l’avantage principal de l’Etat américain c’est l’accès à son immense marché, il est plutôt rationnel qu’il l’utilise pour réduire les comportements de passager clandestin de ses voisins.
Quel autre moyen aurait Donald Trump pour forcer ses voisins à lutter de manière plus efficace contre l’arrivée illégale de drogue aux États-Unis?
Puis les voisins ne veulent rien entendre, il essaye de trouver un moyen de pression. Il considère que les effets sont moins graves que la mort des Américains par la drogue. Pour moi ça se défend…
Evident, mon cher .
Il faut mettre dans la balance le nombre de morts générés en Amérique par les politiques désastreuse et destructrices du Canada et du Mexique ayant directement un impact néfaste sur le pays… Trudeau est un incompétent total, concernant le Mexique, il y a une blague satirique mexicaine qui en dit long sur son état, pays aux 85 homicides par jour : “Vous aurez plus de chance d’y rencontrer Jésus-Christ qu’une vierge.”
A++
Il a démissionné Trudeau, obtenu que le Mexique participe au contrôle de sa frontière nord et que Panama lui mange dans la main de suite. Pas besoin de sortir les fusils quand ceux-ci existent déjà . Bravo ! Avec l’Europe il va falloir que nous négocions mais ce Club vit de l’armement US depuis tant de temps que c’est irréversible