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Arrêt de la construction de l’A69: est-ce bien le rôle de la justice ?

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Autoroute A69
Le projet d’autoroute A69 reliant Toulouse à Castres a été stoppé par une décision du tribunal administratif de Toulouse le 27 février 2025, alors que 70 % des travaux sont achevés. Les juges ont estimé entre autres qu’au vu des bénéfices très limités de ces projets pour le territoire et ses habitants, il n’est pas possible de déroger aux règles de protection de l’environnement et des espèces protégées. L’État a fait appel de cette décision.
Le droit tel qu’il est rédigé aujourd’hui en France a été semble-t-il respecté. Cependant, ce jugement pose trois questions :
  • est-il acceptable que la loi permette d’introduire de nouveaux recours concernant un projet dont l’étude à démarré en 1994, dont la déclaration d’utilité publique (DUP) a été obtenue en 2018, déclaration contre laquelle tous les recours légaux ont été purgés après une décision de la Cour de cassation en mars 2021 ?
  • la loi n’accorde-t-elle pas une importance démesurée à un seul critère, à savoir la biodiversité, au détriment de la prospérité des sociétés humaines ?
  • dans un régime de séparation des pouvoirs, les juges sont-ils qualifiés pour se prononcer sur l’utilité économique et sociale d’un projet ? Ce rôle n’est-il pas celui des instances politiques législatives, avec l’appui des ressources du pouvoir exécutif ?

Une insécurité juridique coûteuse et paralysante

En France, la loi permet une remise en cause continue des projets, même après leur DUP. L’A-69 en est un exemple frappant : malgré des années d’études, de consultations et d’avancées sur le terrain, malgré une DUP validée par le CE, une décision judiciaire tardive a tout remis en question. Ce n’est pas un cas isolé. L’éphémère ministre des Transports du gouvernement Barnier, François Durovray, indique par exemple que le contournement de Beynac, en Dordogne, a subi un sort similaire en 2019, étant suspendu alors que des travaux importants avaient été lancés. Tout projet est ainsi soumis à un risque non maîtrisable d’interruption judiciaire. Ces revirements entraînent des pertes financières massives pour les contribuables comme pour le secteur privé.

Pour y remédier, M. Durovray estime qu’il faudrait concentrer toutes les contestations juridiques au stade de la DUP. Une fois cette étape validée, et sous réserve que ses dispositions soient respectées par la suite, plus aucun recours remettant en cause l’utilité du projet ne devrait être possible. Cette approche s’inspire de celle qui est en vigueur en Allemagne, où une fois qu’un projet obtient son Planfeststellungsbeschluss (approbation du plan), les recours devant les tribunaux restent possibles mais limités dans le temps et dans leur portée, les citoyens ou associations devant agir dans un délai assez court. Passé ce délai, ou si le recours est rejeté, le projet peut avancer sans nouvelles interruptions judiciaires, sauf cas très exceptionnels et fortement encadrés.

Biodiversité : un argument surfait ?

 Les opposants à l’A-69 ont invoqué des impacts sur des espèces protégées et leurs habitats. Ces impacts sont discutables. La surface totale du projet est de 366 hectares, soit 0,03% de la surface des deux départements traversés (Haute-Garonne et Tarn), avec une largeur de plateforme d’environ 30m, et de nombreuses voies sous l’autoroute prévues pour la faune. Affirmer qu’une ponction aussi mineure sur le territoire rural du Lauragais constitue une atteinte grave à la biodiversité paraît pour le moins surprenant. D’autant que certaines études estiment  que si les routes fragmentent les habitats, les espèces s’adaptent, et que la fragmentation par les infrastructures routières ou ferroviaires est un problème exagéré.

Si la préservation de l’environnement est importante, son poids dans les décisions judiciaires semble disproportionné. Les lois françaises, sous influence européenne, placent la biodiversité au-dessus de considérations humaines comme le développement économique, même lorsque les perturbations sont minimes ou réversibles. Dans un pays environnementalement performant comme la France, où la biodiversité reste élevée malgré des siècles d’aménagement, faut-il systématiquement sacrifier des projets utiles à la population pour des impacts écologiques non réellement mesurables ?

La séparation des pouvoirs mise à mal ?

Le principe de séparation des pouvoirs est un des piliers d’une démocratie fonctionnelle. Il devrait réserver au législatif (élus du peuple) la définition de « l’intérêt général », et à l’exécutif sa mise en œuvre, les juges se limitant au contrôle de la légalité. En l’occurrence, dans le cadre d’une DUP, la définition de l’utilité devrait revenir exclusivement aux assemblées des territoires concernés, le juge contrôlant que les garde-fous mis en place par le législateur pour éviter les abus d’utilité publique, notamment en matière environnementale, ont bien été respectés.

Le jugement de Toulouse va bien au-delà puisque le tribunal se permet non seulement un jugement de valeur sur l’intérêt du projet, mais une comparaison entre valeur sociétale et environnementale. La loi française, en autorisant cette incursion du juge dans l’évaluation de la valeur des projets, a clairement violé les principes fondateurs d’une république saine.

Conclusion : un équilibre à repenser

Des réformes s’imposent pour garantir un cadre légal stable et mieux équilibrer les déterminants du choix entre intérêt général économique et préservation de l’environnement. Nous ne pouvons qu’approuver la proposition de M. Durovray d’empêcher toute action en justice contre un projet une fois l’ensemble des recours contre sa DUP purgés, sauf, bien sûr, en cas de non-respect des termes de la DUP.

Mais cela ne suffira pas. Nous devons également revenir aux principes fondamentaux déterminant le rôle du juge, limité à l’évaluation des violations des lois et contrats, sans aucune prérogative pour évaluer  la valeur d’un projet. Les lois conférant un tel pouvoir à l’ordre judiciaire devraient être abrogées.

Enfin, nous devons convaincre le législateur de définir de manière plus raisonnable les atteintes à l’environnement, et notamment lui faire admettre qu’un dérangement temporaire des habitudes de la faune locale du fait de la création d’une infrastructure limitée dans l’espace ne peut constituer une atteinte grave à la biodiversité.

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21 commentaires

L'Oeil du cyclone 5 mars 2025 - 12:05 am

Soyons clair : l’écologie est une religion néopaïenne qui prône le culte de “la nature” telle que conçue au XIXème siècle notamment en Allemagne (“régénération, purification, biologie” etc.). Sa doctrine de base présuppose l’existence d’un “état naturel originel statique” auquel il conviendrait de revenir. Evidemment, c’est anti-scientifique. Il n’y a pas un tel état originel statique, puisque la nature est en perpétuelle évolution et que l’action de l’homme (espèce ingénieure, comme beaucoup d’autres animaux) fait partie du processus de modification de l’environnement. Les questions environnementales qui se posent sont celles de la compatibilité avec la continuation humaine. Mais, à part cela, il n’existe aucun lien “métaphysique” spécifique entre l’homme et les autres espèces ou minéraux.

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Roven 5 mars 2025 - 8:37 am

Je propose aux juges d’annuler le permis de construire de la Tour Eiffel, il n’est jamais trop tard pour faire triompher son idéologie sans limite…

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Mijuna 5 mars 2025 - 2:06 pm

Évitons de leur donner des idées…

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JCML 5 mars 2025 - 9:00 am

Ce sont les mêmes juges qui mettent les victimes en prison et les coupables en dehors ! Que vient foutre la “justice” dans le “terrassement” ? Mais c’est normal, c’est le contribuable qui paye, comme toujours !

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Duhamel 5 mars 2025 - 2:32 pm

Il y a bien longtemps que la justice ne respecte plus l’ordre républicain et donne raison aux minorités de citoyens . La justice est devenue un acteur politique comme le conseil constitutionnel d’ailleurs . Il faut refaire une révolution 1789 .

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Trasym 5 mars 2025 - 9:17 am

Et en ce qui concerne l’arrêt des travaux de l’A69 par la justice? Silence radio du HCP dont il semblerait que l’avis aurait dû être écouté sinon entendu, pour autant qu’il se soit exprimé!
Ah! On me dit dans l’oreillette que le HCP est en cours de transition directoriale et que le dossier s’est perdu!

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Papili Aussi 5 mars 2025 - 9:27 am

Quelle immense bêtise d’avoir arrêté un tel chantier sous la pression d’ecolos extrémistes et violents.
La justice administrative qui fait de la politique n’a rien à voir avec la justice.
Si on peut faire procès sur procès jusqu’à ce que ça marche, cela démontre le ridicule de la justice Française.

Le gouvernement des juges s’installe: c’est un danger mortel pour la démocratie en France et en Europe…Un risque pour tous les citoyens.

Et bien sûr, si plus aucune entreprise ne peut venir s’installer ici, ça plaira aux décroissantistes, les mêmes que ceux qui bloquent le projet. C’est sûr, ils veulent plus de pauvres, et moins de riches sans doute, même si certains en profitent largement.

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Gouffe 5 mars 2025 - 9:47 am

Interrompre un projet alors que 70% est déjà réalisé est un non non-sens. Quel est le coût pour le contribuable Français ? Quand arretera t on de marcher sur la tête.

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duriez 5 mars 2025 - 10:03 am

Sainte Gabegie, l’État de droit – sauce stupide – veille sur toi, quoi qu’il puisse en coûter. In fine, c’est le peuple qui passe à la caisse. Dire que le tribunal administratif est censé être là pour défendre l’intérêt supérieur de la nation.

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moulin 5 mars 2025 - 10:13 am

Bravo M.Bénard !

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Pierre 5 mars 2025 - 11:46 am

Si rien n’est changé dans la relation des pouvoirs entre eux, nous allons tout droit vers une paralysie totale de tout projet et toute initiative en ce pays. Nous en sommes déjà pas loin, c’est ce qui freine bien des améliorations de structures, et toute industrialisation. Nous sommes frontaliers avec l’Espagne, et là-bas, ils mettent un an à faire ce qui en France prendrait au moins trois ou cinq ans, les exemples sont nombreux.
Il faut que cette autoroute aille au bout, il a été reconnu utile, et les dépenses déjà engagées ne doivent pas être passées par pertes.

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Debeix Daniel 5 mars 2025 - 11:58 am

C’est simplement l’illustration de l’incompétence de nos dirigeants quel que soit le domaine.
Je n’ai aucune confiance dans la justice ni dans notre gouvernement.

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Serge DENIS 5 mars 2025 - 12:09 pm

Désolé de vous contredire, mais OUI c’est à la justice de décider si l’exécutif à bien pris en compte “l’intérêt général” dans sa décision.
Dans un monde Idéal vous auriez raison, l’exécutif ne prenant en compte QUE l’intérêt général.
Dans le monde ou nous somme il faut un CONTREPOUVOIR pour les cas où l’exécutif sortirait de son rôle (je vous renvoi à Montesquieu pour une analyse plus poussé).
Si l’exécutif avait bien fait son travail, il n’y aurait pas besoin de faire appel à un arbitre (la justice).

Si on sui votre raisonnement les tribunaux administratifs ne servent à rien, et la cours des comptes est à inutile car l’exécutif, est garant du bon usage des deniers publics, il n’y a donc pas lieu de le contrôler, sanctionner ou corriger !

Si le sujet vous intéresse j’ai une base de données plusieurs dizaines d’affaires ou l’exéc. a mal fait son boulot est à été recadré suite au scandale (quand l’affaire a été rendue publique), je tiens aussi à votre disposition une abondante bibliographie.

Cordialement

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Wurmser 5 mars 2025 - 2:44 pm

On ne peut qu’être en accord avec l’analyse et les conséquences qui en sont tirées.
Le problème dépasse le présent cadre puisque la souveraineté du peuple elle même est régulièrement remise en cause, y compris par des autorités judiciaires extraterritoriales.

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RENE BEIGNON 5 mars 2025 - 3:08 pm

Tout à fait d’accord.
Si non à quoi servent les autorisations données précédemment.
La parole des autorités et leurs décisions n’ont plus aucune valeur.

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palef 5 mars 2025 - 4:26 pm

La paralysie volontaire : nouvelle arme du suicide…

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Thierry 5 mars 2025 - 6:25 pm

Mais c’est quoi ce bordel dans ce pays ?
– annulation par un tribunal administratif de l’A69
– pas de soutien de Macron a Bayrou et Retailleau pour durcir les relations avec l’Algérie
– mise en place d’une taxe spécifique pour les boulangeries sir les emballages utilisés , avec Déclaration annuelle a réaliser
– Aveu Public de l’éxécutif qui s’inquiéte de possibles troubles par la communauté algérienne en cas de mise en cause des accords de 68
– mise en cause du Policier dans l’affaire Nahel , pour éviter les troubles
– les accords de branche par secteur qui sont en train de détricoter les accords de départ a la retraite a 64 ans
etc …etc …
– aucune réforme structurelle ……..et toujours le méme Président

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LE CORRE-ROEMER 5 mars 2025 - 8:32 pm

C’est insoutenable pour les Français de voir un projet réalisé à 70 % et ayant obtenu tous les accords précédemment être interrompu par un principe idéologique !!!! Et après tous ces scandales on se demande où va l’argent des43 % de contribuables !!!

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Le Coter 5 mars 2025 - 10:50 pm

Cette justice est une m….dont il ne faut pas respecter les décisions absurdes idéologiques. Ces magistrats sont en grande majorité d’extrême gauche donc leurs verdicts ne peuvent pas impartial.
Il faut tous les virer

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gillet 6 mars 2025 - 8:14 am

Il faut demander à “the Boring Compagny”de nous creuser un tunnel sous l’autoroute,tant pis pour les petits vers de terre!!

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Ledormeur Francis 6 mars 2025 - 10:50 am

C’est le résultat d’une nouvelle gestion d’un pays en déliquescence, la gouvernance des juges fait la loi à la place des politiques qui sont peut-être falots.
C’était les craintes de De gaulle et de Mitterrand. “Méfiez vous des juges” !.

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