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A-t-on les moyens de ne plus dépendre du gaz russe ?

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Les tensions montent entre les Etats-Unis et la Russie. Les observateurs internationaux craignent que l’Ukraine ne devienne un nouveau lieu d’affrontement entre superpuissances, une situation qui n’arrange pas les affaires des Européens. Dans un contexte de forte hausse du prix du gaz et de fortes inquiétudes sur l’approvisionnement, la probabilité que la Russie coupe les vannes des gazoducs n’a jamais été aussi élevée. Nous pourrions d’ailleurs nous couper nous-mêmes de cette source russe en refusant la mise en service du gazoduc Nord Stream 2 pour nuire aussi à la Russie et ne pas dépendre du gaz russe. Il s’élève comme un petit vent de panique et la Commission européenne planche sur plusieurs solutions.

L’Europe dispose de quelques alternatives à court terme

Aujourd’hui 40% des importations européennes de gaz proviennent du pays de Vladimir Poutine mais ne représentent que 30% de notre consommation finale. Une dizaine de gazoducs en assurent l’approvisionnement, dont certains traversent la Biélorussie, l’Ukraine ou passent sous la mer Baltique et la mer du Nord. La position des Européens est dès lors inconfortable : ils dépendent du bon vouloir de Vladimir Poutine – qui utilise Gazprom comme un pion géopolitique – mais doivent aussi entretenir des relations de bon voisinage avec les deux ex-républiques soviétiques. Autant dire que l’alignement des planètes n’est pas pour demain…

C’est pourquoi les Européens cherchent depuis des années à diversifier leurs sources d’approvisionnement en gaz en nouant, notamment, des partenariats privilégiés avec des pays amis. Les grands pays producteurs sont aujourd’hui les Etats-Unis, l’Australie, le Qatar, l’Azerbaïdjan, l’Algérie et dans une moindre mesure, la Norvège. Là où le gaz russe ou norvégien est distribué par gazoducs, celui que ces autres pays exporte arrive par bateau sous forme de GNL (gaz naturel liquéfié). Ni les infrastructures ni la logistique ne sont les mêmes. En outre, le transport longue distance coûte plus cher et ne répond pas forcément aux situations d’urgence.

Autre problème, la Norvège, qui représente environ 20% des importations européennes, ne peut produire plus du fait de travaux de maintenance et de sites de production en déclin. La solution envisagée par la Commission européenne est d’importer plus de GNL du Qatar, des Etats-Unis et d’Azerbaïdjan. Les Américains, qui sont déjà les premiers importateurs de GNL en Europe, ont promis d’intensifier les livraisons. Quant au Qatar, le président Joe Biden et Ursula Von der Leyen ont demandé au petit Etat du Golfe d’augmenter ses livraisons en direction de l’Europe.

Cependant, les maux de tête de nos dirigeants ne sont pas terminés car l’aspirine risque de ne pas suffire. Les capacités des terminaux portuaires européens ne peuvent absorber que 19 milliards de mètres cubes (mmc) de GNL ; 8 mmc  sont déjà utilisés et certains, aux Pays-Bas, en Italie et en France, sont saturés. Ceux qui ne le sont pas pourraient servir  en cas d’urgence mais pour une capacité maximum  de 11 mmc alors que la Russie exporte pour 14 mmc de gaz vers l’Europe. Une  solution de court terme donc, à condition que les températures restent clémentes. Pour le long terme, le problème reste entier.

Des possibilités nationales à explorer

Pour réduire notre dépendance aux exportations en matière d’énergie, plusieurs solutions se présentent. Nous pourrions tendre vers une électrification massive du chauffage par exemple et ne plus produire d’électricité à base de gaz. Le Gouvernement français poursuit cet objectif depuis la crise pétrolière et plus récemment dans le cadre de la transition énergétique. Mais à mettre tous nos œufs dans le même panier, c’est tout notre système énergétique qui sera dépendant du bon fonctionnement du seul système électrique. Un basculement des millions d’usagers du gaz vers l’électricité implique d’avoir des capacités de production d’électricité suffisamment développées. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.  Autre aspect, les chauffages électriques sont plus énergivores que les chauffages au gaz, ils coûtent donc plus cher aux ménages. En outre, il est risqué de ne compter que sur la fée électricité car il suffit que plusieurs réacteurs nucléaires soient en panne pour que RTE (Réseau de transport d’électricité) en soit réduit, en période hivernale, à ne plus compter que sur une bonne  météo.

Une autre option, peu mise en avant par les politiques, serait de développer massivement le biogaz. Il est produit à partir de déchets domestiques, de biomasse ou d’huiles usagées. Ses caractéristiques et ses usages possibles sont en tout point semblables à ceux du gaz naturel, ce qui permettrait un remplacement dans des délais relativement courts. Autre atout,  son transport et sa distribution ne nécessiteraient aucune modification du réseau existant. Cependant, l’Etat peine à développer de véritable politiques publiques. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de 2020 ne fixait qu’un objectif de 7% de biogaz injectés dans les réseaux. Au contraire, nos voisins allemands et danois investissent massivement dans cette source d’énergie :  le Danemark, par exemple, atteint déjà 30 % de biogaz dans sa consommation globale et vise 100% avant la décennie 2040. Il est donc l’un des pays les moins exposés aux turpitudes du jeu russe. Cette solution est séduisante du point de vue de la souveraineté énergétique puisque les unités de méthanisation sont situées sur le territoire européen. Encore faudrait-il que les pouvoirs publics simplifient la réglementation relative à l’installation d’unités de méthanisation. Il faudrait aussi que les agriculteurs puissent choisir de se consacrer à la production de biomasse. Aujourd’hui, l’Etat régule, réglemente et leur  impose de ne produire que pour l’alimentation, et rien d’autre. Alors qu’en Allemagne, ils sont bien plus libres.

Sortir de notre dépendance au gaz russe est possible mais demande une volonté politique affirmée. Laissons aux acteurs du secteur la liberté de réorienter leurs activités et de décider de ce qui est bon pour l’économie. L’Etat ne peut pas tout et il le prouve encore durant cette crise de l’énergie.

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15 commentaires

JR 16 février 2022 - 10:27

Bonjour, la première chose à faire est de relancer la recherche et l’exploitation gazifière & pétrolière dans notre sous-sol qui en regorge. Une fois de plus, c’est sous la présidence calamiteuse de Macron , que Elisabeth Borne, Bruno Lemaire et sans doute Poirson en sous-main, ont fait voté l’inepte loi « n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche et la recherche… Sont également interdites sur le territoire national la recherche et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de l’emploi … ». Voir le texte complet https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000036339396
La Macronerie à 80 km/h a encore frappée ! Ce gouvernement machiavélique sont des dangereux déconstructeurs idéologues.
Merci. Bien à vous

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Jacques Moranne 17 février 2022 - 12:46

100% d’accord

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Tisseyre 17 février 2022 - 6:52

L’intérêt des Européens serait d’utiliser au maximum le gaz Russe au prix fixé par contrat, donc cinq fois moins cher que ce que nous payons au prix du marché décidé à Amsterdam. Les Russes honorent toujours les contrats, et on oublie de dire que la livraison à l’Ukraine a été interrompue parce que ce pays ne payait pas le gaz. Mais l’intérêt des USA est d’empêcher ces contrats avec Gazprom. L’UE obtempère. Nous payons.

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Nicolas Lecaussin 17 février 2022 - 9:05

Pas vraiment. C’est surtout à cause de Moscou que les prix ont explosé…
Cordialement

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Tisseyre 17 février 2022 - 9:12

Inexact. Ce n’est pas eux qui ont décidé que le prix du gaz flotterait au prix du marché. Ils proposent toujours des contrats à long terme à des prix sans concurrence.

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Nicolas Lecaussin 17 février 2022 - 10:20

Ca c’est la propagande de Poutine qui en réalité réduit les livraisons et stocke pour faire du chantage concernant le Nord Stream2 (il l’a déjà fait en 2015). Là où les Européens sont stupides c’est de se lancer bêtement dans les énergies renouvelables au lieu d’investir dans le gaz de schiste…

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Christian 17 février 2022 - 8:11

Vous êtes en train de dire qu’il faut remplacer le gaz russe par du gaz de schiste américain que par ailleurs les Français ont interdit. Une telle évolution représenterait une incohérence totale entre la loi sur les impacts sanitaires et environnementaux du gaz de schiste et le fait de vouloir l’importer.
Le gaz russe fournit essentiellement l’est de l’Europe. Les méthaniers arrivent sur la façade atlantique, à l’ouest. Construire des gazoducs pour rétablir l’équilibre semble indispensable. Quand on voit le temps nécessaire à la mise en œuvre de Nord Stream 2, ce n’est pas demain que l’on pourra opérer l’inversion des flux.
Quant au biogaz, ce sont des milliers de camions qui devraient circuler sur nos routes départementales, les défoncer, et émettre encore plus du CO2 ! Où est le progrès ?
Remplacer le gaz russe par du gaz venant d’autres sources nous mène dans une impasse. Restent les éoliennes au fonctionnement intermittent ou bien le bon vieux nucléaire prohibé dans la plupart des pays européens. Vouloir une Europe commune de l’énergie où chaque nation décide souverainement de ses sources d’approvisionnement est voué à l’échec. Personne ne paie les réseaux pour modifier instantanément les flux au gré des girouettes politiques ou du vent….

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Nicolas Lecaussin 17 février 2022 - 9:04

C’est la bêtise française d’avoir interdit le gaz de schiste. Et c’est l’Allemagne qui sera dépendante de la Russie…
Cordialement
NL

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JR 17 février 2022 - 1:47

Bonjour christian, voici la cartographie des échanges gaziers Européen : https://climatetverite.net/2022/01/28/prix-de-lenergie-les-consequences-dune-demande-qui-ne-faiblit-pas/ . Le thermonucléaire dont la France excelle est entré dans la taxonomie de Bruxelles, donc il n’y a plus de frein législatif. Notez que l’Allemagne fait tout son possible pour pénaliser le nucléaire Français, afin de réduire l’avantage énergétique concurrentiel de la France.
Enfin, le gaz et pétrole (schiste ou non) est là sous nos pieds, pourquoi ne pas l’exploiter ? Aussi l’état Français fort peu doué en négociation, s’est fait roulé dans la farine avec l’ARENH (loi du 7 décembre 2010) , les signataires de l’époque devront répondre de haute trahison envers les Français.
Cette affaire de tension énergétique est créée de toute pièce sous un prétexte faussement écologique par les bien-pensants collapsologues. Sur ce point, nous devons retrouver notre totale indépendance décisionnelle et surtout rompre immédiatement, avec l’idéologie religieuse, dite verte, qui s’est transformée en une monumentale escroquerie. escroquerie qui nous coûte une fortune (50 % des taxes & impôts). Jadot l’idéologue, et ses verdâtres semblables s’en réjouissent. En conclusion; L’urgence est énergétique, lançons un grand plan de recherche et d’exploitation des ressources 100 % d’origine naturelle (gaz & pétrole) en France. Merci. Bien à vous.

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montesquieu 17 février 2022 - 6:48

Pleinement d’accord.

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Michel Dartayre 17 février 2022 - 3:55

La conclusion laisse rêveur: laissons faire l’initiative individuelle et le marché et tous se passera bien; oui ça aide mais ne remplace pas une vision et une politique globale d’indépendance nationale, européenne de l’énergie. Le laisser faire c’est tous les médicaments en Inde ou ailleurs parce que moins chers.

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montesquieu 17 février 2022 - 6:46

Quid du gaz de shiste et du principe calamiteux de précaution? La politique énergétique française est calamiteuse tout comme celle de l’Europe avec le tout électrique « vert ».
Normal en conséquence que les prix du gaz et du pétrole flambent puisque les producteurs à terme doivent être disparaitre. Ils en profitent un maximum aujourd’hui. Nos bureaucrates sectaires n’en ont cure. Raisonner leur est étranger!

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Christian 18 février 2022 - 9:16

Bonjour JR, l’Allemagne veut surtout vendre ses éoliennes et être le hub gazier de l’Europe.
Le gaz de schiste a peu d’avenir. Son extraction dépense beaucoup d’énergie : un tiers voire la moitié de la quantité obtenue. Elle pollue considérablement les nappes phréatiques… c’est à verser dans le genre catastrophe écologique, économique…
En cas d’interruption du gaz russe, nous nous retrouvons avec des éoliennes au fonctionnement intermittent, sans aucune possibilité de subvenir aux coupures. Les terminaux méthaniers ont une capacité d’accueil égale seulement à un dixième du volume importé de Russie. Ce sera donc le black-out ! Pour saisir les énormes quantités de méthane, consommées par l’Europe, il faut avoir vu le volume que représentent ses gazoducs lorsqu’ils traversent l’Oural. C’est 10 fois la largeur de l’autoroute du Sud à la sortie de Paris. De telles installations ne s’improvisent pas, ne se remplacent pas en claquant des doigts.

On peut se poser à juste titre la question qui finance les écolos. Est-ce la Russie de Poutine pour vendre son gaz ? Ou bien les Allemands pour commercialiser leurs éoliennes ?
En France nous avons surtout sous les pieds, du nucléaire.
Nous allons payer très cher, et pendant 20 ans, notre manque de vision et de stratégie.

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JR 18 février 2022 - 9:41

Bonjour Christian, pour répondre à « On peut se poser à juste titre la question qui finance les écolos. Est-ce la Russie de Poutine pour vendre son gaz ? Ou bien les Allemands pour commercialiser leurs éoliennes ? » Réponse, les deux mon Général ! Il y a même des lobbyistes aux parlements.
Je suis un écolo repenti, j’enquête depuis cinq ans sur cette duperie, il y a trois sortes d’écolo:
-Les Suivistes: Qui ne comprennent pas (mais sincères)
-Les profiteurs: Fonds verts, marché du carbone, industriels EnR, les médias aux
ordres, des politiques, les mondialistes (les profiteurs).
-Le noyau dur: Manipulateurs (les escrocs coupables).
Claude Allègre dans « L’Imposture Climatique » explique que les écolos sont menés par petit noyau d’hyperactifs, qui n’ont pas pu changé notre société avec le communiste et essaient d’atteindre leur but avec l’écologie ». Des communistes recyclés en quelque sorte.
Merci. Bien à vous

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Obeguyx 20 février 2022 - 4:14

Les moyens on les a. seules manquent la vision et la volonté.

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