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La “Servitude de Mixité Sociale”, ce permis de voler qui ne dit pas son nom

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A l’occasion de l’enquête publique sur le projet de nouveau plan local d’urbanisme (PLU) de la ville de Paris, les propriétaires d’un millier d’immeubles ont pu découvrir qu’ils étaient “pastillés”, c’est à dire frappés d’une “servitude de mixité sociale” (source). Toute opération de travaux lourds, pour être autorisée, devra prévoir une part de reconversion en logements sociaux, qui seront revendus à perte à des organismes HLM, à charge pour l’investisseur de récupérer cette perte sur la revente de la partie privée de son programme. Il s’agit là d’une “taxe cachée”, n’apparaissant dans aucune statistique fiscale.

Ce dispositif est, hélas, parfaitement légal. Ses prémisses ont été posées par la loi SRU de 2001 (gouvernement Jospin) qui imposait un dispositif semblable pour les programmes neufs, mais ce sont deux gouvernements de “droite”, sous MM. Chirac et Sarkozy, qui ont étendu ce dispositif aux opérations de réhabilitation dans l’ancien, en autorisant les communes à inscrire au PLU des “secteurs de mixité sociale”. La loi Duflot a parachevé cette construction législative d’inspiration socialiste en relevant les seuils minimaux de construction sociale par agglomération, et en quintuplant les amendes vis-à-vis des communes récalcitrantes.

Les Parisiens ne sont pas les premières victimes de cette mesure, laquelle, comme toute servitude, a pour effet immédiat de faire s’effondrer la valeur des immeubles visés. Le site du ministère du logement encourage ces opérations, allant jusqu’à publier des fiches pratiques à l’usage des maires. Cependant, la version parisienne du “pastillage” social des immeubles se distingue par son exhaustivité, puisque même des bâtiments actuellement non affectés au logement (écoles, bureaux…) peuvent se voir grevés d’une obligation de logement ou d’équipement à vocation sociale.

Ce “pastillage” n’est pas le seul moyen à la disposition d’élus peu soucieux du droit de propriété de s’arroger des bâtiments à bon compte. Le code de l’urbanisme permet, dans certaines conditions, à toute mairie, communauté de commune ou établissement public foncier de préempter un bien immobilier lors de toute transaction. Ce “droit de préemption urbain” peut s’exercer à un prix fixé par l’administration des domaines, souvent inférieur à celui librement convenu entre les parties.

Mais la technique du “pastillage social”  permet de faire porter l’intégralité de l’apport de trésorerie d’un investissement dans le logement social à un opérateur privé.

Moralement, ce dispositif est indéfendable, bien qu’utilisé dans de très nombreux pays occidentaux. Le droit de propriété suppose, depuis la Rome antique, le libre usage, la libre jouissance et le libre transfert de son bien (Usus, Fructus, Abusus), et le pastillage, non seulement réduit ces libertés mais fait supporter au propriétaire le coût de restriction de ces libertés.

Les promoteurs de ce dispositif expliquent que “la fin justifie les moyens” et qu’il s’agit de leur seule possibilité de financer le sacro-saint logement social. Mais rien n’est plus faux. De tels dispositifs existent depuis longtemps dans les États américains les plus à gauche, sous le nom de “Inclusionary Zoning”. De nombreuses études (un exemple) ont montré que la taxe cachée supportée par la part privée des opérations de logement réduisait le nombre total de logements construits d’environ 10% et augmentait le prix des logements privés de 10 à 20%, renforçant la détresse locative des ménages. Plus encore, ces politiques créent au sein de la classe moyenne des franges de revenus à la fois trop aisées pour pouvoir bénéficier d’un logement public, et trop pauvres pour le parc privé.

Ajoutons qu’en France, depuis des décennies, les organismes de contrôle des offices HLM ont montré que le parc de logements sociaux ne remplissait que partiellement sa mission sociale, près d’un tiers du parc l’étant par des ménages au-dessus du revenu médian, et 3% du parc social est occupé par des ménages appartenant aux 20% les plus aisés (source).

Le résultat probable du “pastillage” voulu par Anne Hidalgo et sa majorité est que les propriétaires concernés, s’ils ne trouvent aucun moyen de détourner la loi, s’abstiendront d’entreprendre toute restructuration lourde d’un patrimoine souvent vieillissant, patrimoine qu’ils ne pourront pas vendre, sauf à le brader. En termes de nombre de logements disponibles, la mesure ira donc exactement à l’inverse de l’effet souhaité, et la détresse locative des ménages modestes s’en trouvera aggravée.

Il faut changer de paradigme. Les zones tendues n’ont pas besoin de “logement social”. Elles ont besoin de logements, tout court ! Le frère du Cardinal de Mazarin l’avait bien compris, lui qui a résolu, au XVIIe siècle, le problème du logement pour les pauvres à Aix en Provence… En libéralisant la construction pour les riches ! Ceux-ci, en abandonnant leurs logements précédents, ont fait baisser leurs prix, et par ricochet, ont permis aux familles modestes de trouver un toit, sans qu’un centime du contribuable ne soit consacré à du logement subventionné. La validité de ce effet de “rebond”, où les logements des riches d’un jour deviennent ceux de la classe moyenne de la génération suivante, qui à leur tour fournissent les logements des classes modestes, a été documentée par de nombreux exemples étrangers, y compris dans des pays à forte tradition sociale-démocrate comme la Suède.

Mais il est peu probable que l’équipe d’Anne Hidalgo soit sensible à cette logique de bon sens économique. Ses décisions auront pour effet de faire entrer dans la capitale des publics dont le logement sera dépendant de la mairie, afin d’asseoir une majorité électorale à long terme. Et qu’importent les dommages collatéraux, notamment pour les classes moyennes.

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17 commentaires

Roven 28 février 2024 - 9:01

Légal ? On parle beaucoup à tort et à travers de la Constitution, alors que des fondamentaux, comme le droit de propriété, ne sont plus des libertés protégées !
Dans de nombreux domaines, les politiques décident de choses qui ne sont pas en leur pouvoir, y compris parfois les élus locaux.
Il va falloir revenir à une société dans laquelle le Droit est respecté au lieu d’être bafoué sans qu’aucun citoyen ne s’en émeuve… (Si on peut parler de citoyens, qui a lu la Constitution ?).

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Broussard 28 février 2024 - 9:32

Aucun commentaire de personne ? !
Christian B.

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pennec 28 février 2024 - 10:08

Il n’y a pas une loi qui interdit de vendre à perte ???

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Almaviva 28 février 2024 - 10:16

C’est l’URSS ! Comme dit la chanson : ils sont devenus fous !!

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Bern 28 février 2024 - 4:48

Eh oui !!! Je n’arrive pas à comprendre la motivation de ces abrutis qui nous gouvernent

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Proponome 28 février 2024 - 11:59

Si : le clientélisme politique…

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Boisgontier 28 février 2024 - 6:24

Il y a 30 ans que je me plains d’être dans un pays à la soviétisation rampante. C’est de plus en plus vrai dans tous les domaines et ce, alors que ce système a démontré qu’il conduisait à l’échec. D’ailleurs, l’endettement massif de la France en est une preuve.
Concernant la propriété privée, elle n’est plus garantie depuis Napoléon III et la loi sur l’utilité publique qui permet à l’Etat au sens large d’exproprier n’importe qui sous un quelconque prétexte d’utilité publique. Ainsi par exemple, les 100 ha de terre agricole dans le Nord qui ont été expropriés sous couvert d’utilité publique pour… créer un golf!!! Ma famille a aussi fait les frais d’une telle action en 1969. 150 ha en bordure immédiate de ville pour créer 950 pavillons individuels, des terrains de foot, des courts de tennis, une zone commerciale, une zone d’HLM, un lycée technique, le tout exproprié à l’époque pour 2,5 francs le mètre carré, les bâtiments des 9 fermes (dont une très belle du XVIIIème siècle en parfait état avec tous ses bâtiments et ses jardins en espaliers) réparties sur cet espace étant considérés comme sans valeur car promis à la destruction (!), et sachant que même le bâtiment principal, un manoir des XV et XVIIè sur des bases datant de la fin du Xé siècle, devait être rasé au bulldozer! (si, si)… destruction à laquelle se sont finalement opposés les Beaux-Arts et les Monuments historiques qui ont obligé la ville à les laisser debout entourés de 3,5 ha de terrain, terrain incluant une fûtaie avec des arbres centenaires et bi-centenaires. Après avoir accompli son forfait, la ville a commencé à viabiliser l’ensemble et à vendre les parcelles des futurs pavillons. Tarifs: les tout premiers mètres carrés furent vendus à 40-60 francs car mal situés. Les suivants le furent de 120 à 160 francs et les derniers à 300 francs. Tout cela exproprié à 2,5 francs/m2, et payé au bout de 2 ans. Même en tenant compte du coût de la viabilisation et en soustrayant les espaces communs (rues, places, etc..), la mairie et ses complices ont fait un bénéfice net monstrueux par rapport au prix payé au propriétaire qui, par ailleurs, n’avait pas eu le droit de vendre ses terrains à d’autres acheteurs que ladite mairie laquelle avait en plus gelé l’acquisition pendant des années. Ça, c’est ce qui s’appelle de l’escroquerie d’Etat de haut vol. Et après cela, si on ne met pas 1 euro dans le parcmètre, on est poursuivi par les sbires de la police et de la justice comme si on était les pires des escrocs. Inutile de me demander ce que je pense des politicards et autres édiles…

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Broussard 10 mars 2024 - 9:22

Je crois savoir que la municipalité de Melun, dans le 77, n’a pas fait mieux avec un lotissement artificiel au nord de la ville…
Christian B.

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Nemouk 28 février 2024 - 7:26

Ajoutons que les critères du logement social sont aberrants. 60 % de la population pourrait en bénéficier ! Cela n’a plus rien de social.
On ferait mieux de s’intéresser à certains bailleurs sociaux qui construisent avec des subventions, un terrain acheté au rabais et qui revendent 15 ans plus tard au prix du marché en se faisant une confortable plus value… Parmi leurs actionnaires, des établissements financiers.

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MOMO 28 février 2024 - 8:19

Trop drôle. Actuellement, c’est plutôt les logements de la classe moyenne qui deviennent les logements des riches à la génération suivante. Que voulez vous, le pays et je dirais même l’hégémon US est en train de s’appauvrir à vitesse grand V. Mai rassurez vous tout cela dans le respect du politiquement, de l’écologiquement, du lgbtqi++ment correct !

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Grinderdo 29 février 2024 - 12:34

Je crois qu’il faudrait revenir à un principe de base. Lorsque l’Etat décide quelque chose il doit payer , ce sera toujours nous in fine, mais ce sera plus équitablement réparti. Donc à chaque loi votée, à chaque règlement adopté, l’Etat, les collectivités locales, les municipalités doivent mettre en face les moyens financiers sans spolier personne, c’est à dire qu’on achète au prix du marché et on vend au prix du marché.

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J.C. BOUTE 3 mars 2024 - 8:50

Ouais, mais n’est-ce pas une des conséquences des votes irréfléchis « pour faire barrage »? Paris est une ville qui cumule SEPT MILLIARDS D’ENDETTEMENT et où il ne fait plus bon vivre. Votez Hidalgo avec un zeste de Macron et comme le disait un célèbre animateur, vous n’avez pas l’cul sorti des ronces!
Les vociférations, les « manifs » sont de la roupie de sansonnet. La solution c’est de voter intelligemment sans suivre aucune consigne? Mais en regardant simplement ce qu’il y a sur la table !

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Obéguyx 5 mars 2024 - 12:32

Bravo pour cette article. Comme je l’ai déjà évoqué il faut revenir aux loyers privés libres d’avant « 81 » et privatiser 100 % du logement social par une accession à la propriété des occupants. Il n’y a aucune autre mesure pérenne. Il faut en finir avec le socialisme rampant, cette idéologie la plus meurtrière de tous les temps !!!

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Jean-Aymar de Sékonla 8 mars 2024 - 10:19

La taxe c’est le vol.
Qui vole un œuf vole un bœuf .
Quand on a passé les bornes il n’y a plus de limite.
Etc
Le jour ou on a décidé de prendre l’argent du citoyen sans son consentement, on a mis le doigt dans un engrenage infernal !

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Razoski 10 mars 2024 - 10:24

Je vous invite à regarder le film Le grand partage d’Alexandra Leclère qui date de 2015.
Un scénario qui pourrait être réaliste finalement.

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orsoy 11 mars 2024 - 10:20

Chaque jour qui passe incite à quitter ce pays et à ne plus jamais y revenir tant l’absurde, le ridicule, la honte, l ‘atteinte permanente aux droits les plus élémentaires, le gouvernent ne cessent de le gouverner. Les camps de la mort sociale et économique sont déjà ouvertes.

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hoffmann 28 mars 2024 - 10:09

il faut bien loger tous les gens nécessiteux qui viennent d’afrique et d’ailleurs avec leur misère et leur fainéantise pour mieux vivre chez nous à nos crochets surtout que le peuple français est assez stupide pour voter pour des élus qui favorise cette immigration qui va faire prochainement de la france un pays sous développé .

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