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Bernard Zimmern

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Après avoir lu mon premier papier pour l’iFRAP – c’était, je crois, vers la fin de l’année 1998 – il l’a pris avec deux doigts, comme s’il avait peur de se salir, et l’a balancé à la poubelle. Heureusement, j’ai compris tout de suite que c’était sa façon d’agir, son caractère et qu’il ne changerait jamais.  Peu de temps après, il allait me confier la revue Société Civile tout en doublant mon salaire… Irascible et colérique mais d’une intelligence largement supérieure à la moyenne, Bernard Zimmern, qui s’était exilé aux Etats-Unis sans quitter la France, a révolutionné chez nous le mouvement intellectuel libéral (il n’aimait pas ce mot et ne voulait pas qu’on l’utilise) en important le système du mailing direct et le fonctionnement des think tank américains.

C’est avec son argent personnel qu’au milieu des années 1980 il a lancé plusieurs groupes de pression dont Contribuables associés et l’iFRAP, un think tank de recherches sur les administrations publiques. J’ai eu la chance de travailler avec lui pendant une dizaine d’années et il m’a beaucoup appris. Il n’avait jamais lu Hayek ou Friedman (et il s’en vantait) mais il pouvait critiquer l’étatisme mieux qu’un grand théoricien libéral.
Ingénieur et inventeur, il préférait les faits aux grandes idées et les attaques directes aux démonstrations ennuyeuses. Le succès de son premier livre, Les profiteurs de l’Etat, a merveilleusement montré l’efficacité de cette tactique. Il préférait les chiffres et les statistiques aux citations des grands auteurs. Il avait au moins dix idées par jour agrémentées d’innombrables formules assassines sur l’Etat et les fonctionnaires. Il se mettait à trembler quand il entendait le nom de Bercy ou de l’ENA (dont il avait pourtant été un brillant élève !). Sur un coup de tête, il pouvait se séparer d’un collaborateur (j’en sais quelque chose même si notre réconciliation a été rapide) ou publier un article démolissant un haut fonctionnaire. Il frôlait parfois la diffamation mais il avait toujours raison. C’est lui qui m’a dit que pour comprendre l’Amérique et le monde, il faut lire le Wall Street Journal. Il avait raison. Depuis, je le lis tous les jours.
Il avait du génie, assorti d’une capacité de travail impressionnante. Il préférait manger un sandwich que payer un bon déjeuner. Il se sentait investi d’une mission, sauver la France de l’étatisme et des énarques. Il ne l’a jamais lâchée, jamais il n’a abandonné et je n’ai jamais, moi, cessé d’admirer cette volonté inébranlable. Sa fortune lui aurait permis de se reposer au soleil. Il a préféré mourir au travail. Il avait 91 ans.

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2 commentaires

Bertrand Nouel 22 août 2020 - 11:20

Merci Nicolas
J'ai moi-même collaboré à l'Ifrap après avoir pris la retraite d'avocat et pendant plusieurs années avant que Bernard passe la main. Bernard, c'était une vision, très originale à la création de l'ifrap, en 1983 je crois, un combat parfaitement ciblé et une énergie créatrice qui lui a fait multiplier les initiatives même après avoir passé la main: les think tanks Irdeme ( démographie des entreprises) et EPLF (entrepreneurs pour la France, où je collabore), qui continuent son action. Merci Nicolas d'avoir souligné l'importance de ce grand bonhomme.

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Angoulvant Jean-Claude 25 août 2020 - 10:26

Un hommage juste et mérité
Tous ceux qui ont eu la chance de côtoyer de longue date Bernard Zimmern se reconnaîtront je crois dans ce bel hommage.
Issu des meilleures écoles ouvrant l'accès direct à la haute fonction publique (X et ENA), il a précocement identifié sa colonisation bureaucratique et corporatiste. Choisissant avec succès l'entrepreneuriat et le grand large, il n'a pour autant jamais cessé de mettre son temps et ses ressources personnelles au service bénévole de son pays. Merci à l'auteur.
JCA

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