Des résidents français ont le droit de détenir des avoirs à l’étranger et d’y ouvrir des comptes bancaires… à condition de le déclarer à l’administration française. A défaut, ils peuvent être au mieux assujettis à redressement fiscal et à des amendes de 10.000€ par an (depuis 2008), au pire à la confiscation, voire à la prison. En effet une loi du 13 mai 1996 a créé un délit général de blanchiment des fonds provenant d’un crime ou d’un délit englobant les infractions résultant de fraude fiscale ou douanière. Le blanchiment est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 2 500 000 € d’amende.
Jusqu’à l’an dernier, il était entendu que la fraude fiscale ne pouvait être la cause de poursuite pour blanchiment que pour autant qu’il existe une plainte préalable de l’administration fiscale, après avis conforme de la Commission des infractions fiscales. Désormais, ce préalable n’est plus nécessaire. Un arrêt de la Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 février 2008 (Bull n° 43, pourvoi n° 07-82.977), a estimé que le blanchiment pouvait être incriminé sans même que la fraude fiscale ait fait l’objet de poursuites ou qu’une condamnation ait été prononcée de ce chef dès lors que les éléments constitutifs de l’infraction principale ayant procuré les sommes litigieuses étaient établis.
Depuis lors, la crise a favorisé une grande agitation contre les paradis fiscaux, l’argent caché et les contribuables « voyous ». Mais à la dureté de la loi, de la jurisprudence et de ses propres propos, le gouvernement a opposé une pratique réaliste et conciliante, maniant la carotte après le bâton pour permettre aux contribuables concernés de sortir de la liste grise de l’OCDE.
Le 20 avril dernier M. Eric Woerth a mis en place à Bercy une cellule capable de recevoir les contribuables qui rapatrieraient des avoirs dissimulés à l’étranger et de négocier avec eux les conditions du retour en France de leurs capitaux. « Pour les personnes de bonne foi, il n’y aura pas de poursuite pénale et les pénalités pourront être modulées », a précisé le Ministre. Cette cellule très légère est organisée pour recevoir dans les meilleurs délais les contribuables concernés et procéder rapidement à l’examen de leurs dossiers. S’ils le souhaitent, les contribuables peuvent soumettre leur demande de rapatriement de manière anonyme, par l’intermédiaire de leur avocat, et ne se révéler qu’après que l’administration ait formulé une proposition d’accord transactionnel qui leur convienne.
Selon les premières indications, pour des sommes détenues à l’étranger depuis plus de six ans, le coût d’un rapatriement devrait correspondre à 6 ans d’ISF et 3 ans d’impôt sur le revenu de ces sommes, avec des intérêts de retard et des sanctions modulées, loin des 80% possibles en cas de fraude avérée. Au total, le coût de retour devrait être de l’ordre de 10 à 15%. Bien entendu cette cellule de « dégrisement fiscal » n’aura qu’un temps. Après, promet le ministère, les sanctions seront terribles pour ceux qui ne se seront pas repentis et qui se feront prendre.
La mesure est intelligente et peut être efficace pour nombre de citoyens qui préfèreraient disposer de leur argent officiellement plutôt que d’avoir à le cacher et d’être ainsi empêchés d’en user librement. Mais elle est aussi symptomatique de la pusillanimité française dès lors qu’il y a le risque d’être accusé de favoriser les riches. Car il eût été plus simple et sans doute plus efficace de fixer un taux unique et suffisamment bas pour être attractif, de 10 ou 15% au plus. Les contribuables ont besoin de stabilité, de pérennité et de certitude.
En 2001, l’Italie avait institué une mesure de rapatriement au taux de 2,5% dont le résultat avait été spectaculaire, permettant le retour de 54 milliards d’euros et une rentrée de recettes publiques de 1,3 milliard d’euros. L’année suivante, la mesure avait été étendue aux entreprises avec un taux de 15%. En 2004, la Belgique avait pris une mesure du même ordre avec une pénalité de 9% sur les capitaux rapatriés, réduite à 6% en cas de réinvestissement dans des actions ou des projets immobiliers.
Certes, en France lorsque le Président de l’Assemblée nationale a évoqué, le 10 octobre 2008, une loi d’amnistie, en contrepartie de la souscription d’un grand emprunt national, la gauche a aboyé. Razzy Hammadi, secrétaire national du PS, a estimé que la proposition d’amnistie fiscale de Bernard Accoyer était « un véritable scandale, une insulte aux Français et à toutes les victimes ». C’est pourtant à l’initiative du gouvernement Mauroy que l’article 101 de la loi de finances pour 1982 a permis aux résidents français détenteurs d’avoirs irréguliers à l’étranger de les rapatrier en acquittant une taxe forfaitaire égale à 25% du montant de ces sommes, à condition que leur situation ne soit pas en cours de contrôle par les services des douanes.
Les précédents en matière d’incitation au rapatriement des capitaux
Mais plus que tout, la méthode employée aujourd’hui par l’administration pourrait démontrer qu’un taux d’impôt n’excédant pas 15% est supportable, acceptable par le contribuable. Il faudrait donc que la politique en tire la conclusion qui s’imposerait : une « flat tax » à 15% serait sans doute le meilleur moyen d’éviter que les contribuables aient envie de mettre leur argent à l’étranger. Ce serait aussi probablement le meilleur moyen d’augmenter les recettes de l’Etat et d’encourager au développement de l’économie.