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Victoire du centre en Pologne : un tournant libéral possible mais incertain

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Le 15 octobre, les élections législatives ont eu lieu en Pologne. Si le parti social-conservateur Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwość, PiS) avec son alliance Droite Unie (Zjednoczona Prawica) a remporté le plus de voix avec 35,38%, il n’a pas réussi à former une majorité. Inversement, l’alliance de trois partis d’opposition est parvenue à avoir la majorité à la Sejm, l’équivalent de l’Assemblée nationale. Donald Tusk vient d’être nommé Premier ministre et  Szymon Holownia, l’un des dirigeants des partis de l’opposition, a été élu le 13 novembre président de la Sejm. Cette élection a été perçue comme une victoire libérale dans les médias occidentaux. Qu’en est-il réellement ? Quels impacts sur l’économie et la politique étrangère polonaise ?

Une grande coalition à l’allemande

L’union de l’opposition regroupe des forces variées. Leur principale motivation a été de bouter le PiS – qui dirigeait le pays depuis 2016 – hors du pouvoir.

L’alliance de l’opposition regroupe trois partis :

–  la coalition civique (Koalicja Obywatelska, KO), qui comprend la Plateforme civique, un parti centriste jadis libéral-conservateur, dirigée par  Donald Tusk. La coalition compte désormais également des partis libéraux et verts dans une optique de « grande tente » politique centriste.

– la Troisième Voie (Trzecia Droga, TD) composée de deux partis de centre droit : Pologne 2050 (Polska 2050) dirigé par Szymon Holownia (une personnalité de la télévision, animateur de la version polonaise de Got Talent) et le Parti paysan polonais.

– la Nouvelle Gauche (Nowa Lewica), le parti social-démocrate de Pologne.

Au niveau européen, la Plateforme et le Parti paysan sont au Parti populaire européen (aux côtés de la CDU-CSU allemande et des LR français) ; Polska 2050 est à Renew Europe (où se trouve Renaissance) ; et Nowa Lewica, chez les sociaux-démocrates S&D (avec le SPD allemand et le PS français).. Donald Tusk lui-même a été président du PPE et du Conseil européen.

Les raisons de la victoire de l’opposition

Cette élection a souvent été présentée comme une victoire de la démocratie sur le populisme. En réalité la victoire du centre est peut-être plus terre à terre et plus économique. Le PiS est certes un parti conservateur mais aussi très interventionniste et social (pour ne pas dire socialiste sur les questions économiques). Le PiS a voté en 2022 une réforme fiscale (Polish Deal) qui s’est révélée très impopulaire : si, officiellement, elle devait bénéficier à la plupart des Polonais, c’est inverse qui s’est produit, particulièrement pour un certain nombre d’entrepreneurs. Le site Notes From Poland rapportait que « en choisissant le nouveau barème fiscal promu par le gouvernement, un entrepreneur gagnant 7 800 zlotys (1 720 euros) bruts par mois sera perdant ». Combinée avec l’inflation qui a atteint 18%, le PiS a eu du mal à capitaliser sur son bilan économique.

Il est probable que cette situation ait eu un impact sur les élections. Les sondages ont montré que la Confédération (Konfederacja), un parti libertarien et nationaliste, était montée jusqu’à 14% en 2023. Ce parti, populaire au sein de la jeunesse, proposait un programme purement libéral sur le plan économique et très conservateur sur le plan social. Son résultat final lors des élections, 7%, s’explique par le fait que les deux grands partis ont repris chacun une partie de son programme : le PiS, le nationalisme et la Ko, l’économie.

Des idées libérales chez la Coalition civique

Le programme de la Coalition civique de Tusk contient des propositions libérales en matière d’impôts et d’entreprenariat.

  • Nous réduirons les impôts. Les personnes gagnant moins de 6 000 PLN (1300 euros) bruts (y compris les entreprises) et percevant une pension inférieure à 5 000 PLN (11000 euros) bruts ne paieront pas d’impôt sur le revenu. Nous augmenterons le montant exonéré d’impôt de 30 000 PLN (6820 euros) à 60 000 PLN (13641 euros), pour les contribuables qui dépendent du barème fiscal, y compris les entrepreneurs et les retraités.
  • Les entrepreneurs ne paieront l’impôt sur le revenu qu’à la réception des fonds provenant d’une facture payée (impôt sur le revenu des personnes physiques).
  • Nous introduirons des « vacances pour les entrepreneurs » : un mois sans charges sociales et une indemnité de vacances égale à la moitié du salaire minimum.
  • Nous limiterons le temps d’inspection fiscale des micro-entrepreneurs à 6 jours par an. Les bureaux fiscaux ne prolongeront plus les inspections indéfiniment.

En matière d’énergie, la Coalition souhaite maintenir la politique pro-nucléaire du PiS.

Un bémol cependant : le programme de la Coalition n’indique pas de réforme significative pour les dépenses publiques. Laissant planer un risque de déficit.

Quelques problèmes à prévoir…

Si la Ko semble aller dans le bon sens au niveau économique, elle va devoir composer avec des partis plus interventionnistes comme Nowa Lewica. Vont-ils accepter toutes ces propositions ?

De plus, la coalition a fait part de sa volonté d’obtenir les milliards d’euros de subventions européennes actuellement gelées à cause du conflit politique et juridique entre l’Union européenne et le PiS. La Pologne reste donc volontairement tributaire de l’argent européen. Ce qui peut poser quelques problèmes : que se passera-t-il si dans un proche avenir la France et l’Allemagne souhaitent influer sur le cours de sa politique pour lui faire prendre telle ou telle direction ? Aura-t-elle la capacité de refuser ?

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