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Un code du travail décidément kafkaïen !

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Lors du vote de la loi du 21 décembre 2022 sur le marché du travail, une disposition avait entre autres fait grand bruit : celle selon laquelle le refus d’un contrat à durée indéterminée (CDI) après un contrat à durée déterminée (CDD) permettait de priver un salarié du bénéfice des allocations chômage. Le code du travail avait en réalité été modifié à un double titre car les contrats de travail temporaire étaient également concernés avec une réglementation presque identique.

Une urgence… pas urgente !

On avait perdu de vue ces nouvelles règles jusqu’à un décret d’application du 28 décembre 2023 et un arrêté du 10 janvier 2024. Il a donc fallu attendre le 1er janvier de cette année pour que les modifications du code du travail prennent effet. La situation est d’autant plus ubuesque que la loi de 2022 portait précisément sur les « mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ». Voilà donc une urgence qui a mis plus d’une année à être traitée et ce, alors que la fin du quinquennat arrive à grands pas et que le plein emploi relève de l’Arlésienne… En effet, il faut rappeler qu’une loi dépend le plus souvent de décrets d’application pour entrer effectivement en vigueur.

Une procédure floue

Au fond, et sans que nous rentrions dans des détails trop techniques (nous ne traiterons que des CDD), il faut retenir que les salariés sont en fait suspectés de frauder à France Travail (la nouvelle dénomination plus positive de Pôle Emploi qui va sans doute tout changer…) car il considère que la situation « normale » est d’être :

  1. un salarié,
  2. à durée indéterminée,

et 3. à temps complet.

Si bien que :

  1. les indépendants sont mal vus (l’Iref en a récemment traité),
  2. les CDD sont strictement encadrés,
  3. les contrats à temps partiel sont un nid à problèmes pour les entreprises.

Il faut aussi retenir que ces dernières voient une nouvelle fois leur charge administrative s’alourdir.

La procédure est la suivante. Après deux refus en moins de douze mois, un salarié ne pourra plus bénéficier de l’indemnisation chômage. Mais encore faut-il que son employeur propose un DCI à son salarié en CDD :

  1. au même emploi,
  2. sur le même lieu de travail,
  3. selon la même durée du travail,
  4. avec un salaire au moins équivalent.

La proposition devra être faite avant la fin du CDD. Elle devra laisser au salarié un « délai raisonnable » pour répondre, l’absence de réponse valant refus. Dans le mois qui suit le refus ou l’absence de réponse, l’employeur devra en informer France Travail.

Exemple : M. Paul Emploi (un nom pris totalement au hasard) est embauché dans une première entreprise, la société Jesuissurtaxée. Il devrait être engagé en CDI mais l’entreprise, comme c’est souvent le cas, préfère le « tester » en CDD, fût-ce au mépris de la réglementation. Donnant satisfaction, il se voit proposer à la fin de son CDD un CDI, mais les conditions d’emploi ne lui conviennent finalement pas. Le CDD prend fin. Comme Paul est un salarié travailleur et compétent, il retrouve immédiatement un nouvel emploi, toujours en CDD, un CDD cette fois parfaitement conforme à la réglementation, auprès d’une seconde entreprise, la société Jesuissurréglementée. Là encore, on lui propose un CDI à la fin de son CDD, mais il considère que les conditions du CDI ne sont pas totalement conformes à celles de son CDD en cours et il n’y donne pas suite. Il souhaite s’inscrire au chômage le temps de retrouver un emploi qui lui corresponde. France Emploi lui refuse toute indemnisation au motif que, selon elle, le CDI est identique au CDD.

Conformément à la réglementation déjà existante, le salarié sera également privé de son indemnité de fin d’emploi (couramment appelée indemnité de précarité), ce qui sera intéressant pour l’employeur.

A noter d’ailleurs que si un employeur ne veut pas proposer un CDI à son salarié en CDD, il lui suffira comme précédemment d’attendre la fin du CDD et la sortie du salarié des effectifs… Reprenons notre exemple : la société Jesuissurréglementée a besoin d’un salarié en CDI, mais, tout bien considéré, Paul ne lui convient pas totalement. Elle attend donc la fin de son CDD avant de créer un nouveau poste, en CDI, légèrement différent du CDD expiré afin d’éviter tout recours de Paul et d’embaucher quelqu’un d’autre, Pierre Quiroule. Paul sait qu’il lui sera très difficile de démontrer la fraude commise par l’entreprise, à supposer que le jeu en vaille la chandelle compte tenu de sa faible ancienneté, sans parler des années de procédure pour y parvenir devant les prud’hommes et éventuellement la cour d’appel.

Les spécialistes de droit du travail n’ont pas manqué de relever le flou de la réglementation : qu’est-ce qu’un « délai raisonnable » ? Quelles sont les sanctions puisqu’aucune n’est prévue par la loi si l’entreprise ne respecte pas les règles? De quel recours dispose le salarié ? La responsabilité de l’employeur pourrait-elle néanmoins être recherchée ? Etc.

La même impression de flou concerne la procédure de présomption de démission en cas d’abandon de poste d’un salarié, également prévue par la loi du 21 décembre 2022 pour interdire le bénéfice des allocations d’assurance chômage. En revanche, le fait que des ruptures conventionnelles par centaines de milliers soient signées chaque année et qu’elles permettent aux salariés de bénéficier du chômage ne semble pas poser problème, même si leur régime fiscal et social a récemment été modifié, et que l’on annonce périodiquement une réforme…

Les suites prévisibles

Il ne faut pas être grand clerc pour prédire les suites qui seront données à ces nouvelles règles relatives à la proposition d’un CDI après un CDD : soit elles seront modifiées car elles seront largement inefficaces, par exemple pour prévoir des sanctions à l’égard des employeurs ; soit elles resteront inappliquées, elles ne seront pas abrogées pour autant et elles mourront à petit feu. Et dire que nos gouvernants nous rebattent les oreilles avec la nécessaire simplification administrative !

A cet égard, il nous semble utile de signaler que de préciser que la nouvelle réglementation ne doit pas être confondue (ce serait trop simple !) avec celle qui est en vigueur depuis le 1er novembre 2023 selon laquelle un employeur doit informer ses salariés ayant au moins six mois d’ancienneté, ainsi que ses intérimaires qui le demandent, des postes en CDI à pourvoir qui relèvent de la même qualification…

En substance, tant que l’État se mêlera de la vie interne des entreprises, tant que les bureaucrates pondront des règles hors sol, tant que les hommes politiques s’attacheront à traiter les conséquences d’un problème plutôt que ses causes, la France restera une société bloquée.

L’IREF réclame depuis longtemps que l’État cesse son interventionnisme tous azimuts pour se recentrer sur ses missions régaliennes et que l’assurance chômage soit privatisée, ce qui permettrait à chacun, au-delà d’un filet social, de choisir sa couverture chômage.

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9 commentaires

Broussard 16 février 2024 - 9:21 am

certes sans aucun rapport avec ce code pénal, je n’ai rien vu à propos du décès de Robert Badinter ;
normal ?
Christian B.

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Roven 16 février 2024 - 9:51 am

L’administration, qui tourne en rond dans un immense vase clos, n’est pas capable d’imaginer autre chose que son propre statut : elle voudrait que tous soient fonctionnaires !

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DRAY 16 février 2024 - 10:46 am

« En substance, tant que l’État se mêlera de la vie interne des entreprises, tant que les bureaucrates pondront des règles hors sol, tant que les hommes politiques s’attacheront à traiter les conséquences d’un problème plutôt que ses causes, la France restera une société bloquée. »
C’est malheureusement la situation actuelle qui ne risque pas d’être débloquée tant que nous aurons des « microns » étatistes destructeurs au pouvoir.

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Bruno GERMAIN 16 février 2024 - 1:27 pm

Je me demande vraiment si nos politiques n’ont pas fait un stage en Corée du Nord.
La France rivalise d’une technocratie aberrante de monstruosité ! Quand on voit à Pyongyang les défilés de leurs esclaves, cela ressemble à nos 5 millions de fonctionnaires adorateurs de LFI et de Lénine, et à leurs grèves dictatoriales !!!! Il paraît qu’en LAPONIE, seuls les rênes manifestent.

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Mathieu Réau 18 février 2024 - 6:05 pm

L’État français est plus esclave de ses fonctionnaires que l’inverse : c’est la différence fondamentale entre notre pays et les dictatures communistes. Elles, au moins, savent faire bosser leurs agents.

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Bruno GERMAIN 28 février 2024 - 3:45 pm

C’est vrai ! Je me suis trompé. A l’image du défilé des millions d’illuminés devant le petit gros Kim Jong-Un, notre pays doit se soumettre à la CGT et ses fanatiques.

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Broussard 17 février 2024 - 9:26 am

vous avez dit bizarre ?
je ne vois pas mon commentaire d’hier…
il n’était pourtant pas virulent
il posait juste une question
Christian B.

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Mathieu Réau 18 février 2024 - 6:04 pm

Qu’un employé ne puisse avoir droit au chômage en cas de refus d’un nouveau contrat, je peine à voir ce qui vous dérange, dans cette histoire… Vous défendez les chômeurs, maintenant ?

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AlainD 19 février 2024 - 6:20 pm

Je persiste à penser que la législation du travail est concoctée par des besogneux qui visiblement n’y connaissent pas grand chose, étant généralement fonctionnaires et par conséquent vivant dans un monde parallèle.

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