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Tirage au sort à l’entrée de l’Université

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C’est un dossier plus explosif que prévu dont le gouvernement d’Edouard Philippe a hérité : celui de l’accès des bacheliers aux filières surchargées. Comme l’IREF l’a expliqué, l’une des dernières décisions du gouvernement Cazeneuve a été de publier une circulaire autorisant le tirage au sort dans les filières tendues. Le nouveau gouvernement a promis de réfléchir à une solution…pour 2018 et, en attendant, a minimisé l’importance du problème. Mais il vient d’être rattrapé par la réalité. L’arbitraire est donc bien en marche !

Tirage au sort arbitraire ou sélection sur critères objectifs ?

Le problème est connu, notamment des nouveaux bacheliers et de leur familles. Il s’agit du choc brutal entre l’idéologie (chaque bachelier a « droit » de s’inscrire à l’université dans la filière de son choix) et la réalité (certaines filières, surchargées, ne peuvent accueillir tous les candidats). Il faut donc choisir qui aura le droit de s’inscrire. Comme le tabou absolu est la sélection selon le mérite ou la formation initiale des candidats, on « sélectionne », sans employer le mot, sur des critères inappropriés : l’académie du candidat, sa situation matrimoniale,…et, si cela ne suffit pas, on recourt au tirage au sort ! L’aveuglement idéologique conduit à préférer l’arbitraire du tirage au sort aux critères académiques.

Pris au dépourvu par l’urgence, le gouvernement a cherché à minimiser l’ampleur du problème. De plus, saisi par deux associations, le Conseil d’Etat n’a pas voulu suspendre le texte, arguant qu’il n’y avait pas « d’urgence à statuer ». Mais le calendrier est là et la plateforme APB, admission post-bac, a rendu son verdict, une semaine avant les épreuves du bac. Bien des familles ont été surprises en constatant que le tirage au sort était plus répandu que prévu et que les recalés du tirage au sort étaient nombreux. Cela n’est guère surprenant, avec 40 000 étudiants supplémentaires chaque année, pour des raisons démographiques, mais aussi en raison de la volonté des rectorats, par des consignes laxistes de correction, de diminuer les échecs au bac.

169 licences concernées

La réalité se venge toujours et l’idéologie ne peut faire disparaitre le réel. Cette année, ce sont 169 licences qui sont concernées, contre 78 en 2016. C’est le cas des STAPS (sciences du sport- 33000 premiers vœux pour 16000 places), de la psychologie, mais aussi de plus en plus du droit et, fait nouveau, de la médecine (PACES, première année commune aux études de santé). Ce dernier cas est d’autant plus intéressant qu’une sélection existe, avec le numerus clausus, en fin de première année. La situation est ubuesque : on autorise des étudiants à s’inscrire en médecine, alors que leur filière de bac ne les prépare pas à cette formation et que leur échec est certain, et on écarte d’excellents bac S, parce que leur bac n’est pas de l’Académie ou parce qu’ils ne sont ni pacsés, ni concubins et que cela les a conduit au tirage au sort, qui ne leur a pas été favorable !

Même la médecine est concernée

Les médias ont mis en avant le cas de l’Ile de France, où 857 candidats dont la médecine était le premier choix sont restés sur le carreau, car ils n’ont pas été tirés au sort. Comme le cas est emblématique, le cabinet du ministre a promis de trouver une solution, ce que contestent les universités qui n’ont ni les amphis, ni les enseignants pour les accueillir. On a moins parlé de la province. Le cas d’Aix-Marseille est représentatif. L’université a rassuré en disant que tous les bacheliers de l’académie seraient admis à s’inscrire, mais a ajouté que pour les autres, un tirage au sort serait envisagé, d’autant plus qu’il y a beaucoup de redoublants en médecine : beaucoup de candidats doivent s’y reprendre à deux fois pour réussir dans cette filière.

Le tirage au sort devrait concerner par exemple 500 candidats varois, relevant de l’académie de Nice et souhaitant faire leurs études à Marseille. Prenons un bachelier S de Toulon : il peut souhaiter aller à Marseille plutôt qu’à Nice, soit parce qu’il juge la Faculté plus cotée, soit en raison de la distance (65 km Toulon/Marseille, 150 Toulon/Nice). Comme il n’est pas de la « bonne » académie, il risque d’être soumis-et recalé- au tirage au sort, alors qu’un Avignonnais titulaire d’un bac pro est automatiquement admis à s’inscrire, sachant que ses chances de réussir sont nulles (99% des reçus en fin de 1ere année ont un bac scientifique). L’Université réclame, au minimum, de remplacer le tirage au sort par des prérequis en adéquation avec la discipline choisie. Pendant ce temps, pour certains IUT qui, eux, ont le droit de sélectionner, on peut avoir 3000 candidats pour 100 places : ainsi une filière courte est sélective sur critères académiques, mais, pour une filière longue, c’est le tirage au sort qui décide. Ubu est au pouvoir !

Le symptôme d’une université fonctionnarisée et étatisée

Que va faire le gouvernement ? Pour cette année, il gagne du temps, et espère qu’entre les échecs au bac et les changements d’avis, il ne restera que peu de filières concernées. Pour la suite, la ministre de l’enseignement supérieur a dit qu’elle avait pour objectif d’éliminer le tirage au sort. Mais d’une part elle voit une solution dans l’augmentation des moyens (comme si tout le monde avait vocation à faire n’importe quelles études), d’autre part elle veut « travailler sur l’orientation » par exemple en affichant les taux de réussite par bac ! Pendant la campagne, Emmanuel Macron avait envisagé de recourir aux prérequis. On le voit, cela reste flou pour l’instant, par peur de provoquer des manifestations des syndicats dominés par l’idéologie (comme l’UNEF) pour qui la sélection est un mot tabou, alors que c’est la règle dans toutes les grandes universités étrangères (et en France dans les grandes écoles). Il faudra bien que le gouvernement tranche, car le refus d’une sélection sur critères objectifs conduit à une sélection arbitraire.

Faut-il s’étonner que les universités françaises soient si mal classées sur le plan international ? Elles n’ont pas d’autonomie financière, elles ne peuvent fixer leurs tarifs librement, ni recruter les étudiants de leur choix, ni décider de la rémunération de leurs enseignants, le tout reposant sur la fiction de diplômes nationaux de même « valeur » dans toutes les universités ! L’IREF, qui défend autonomie et concurrence et qui propose de « défonctionnariser » et « désétatiser » l’Université sera particulièrement vigilant sur ce dossier essentiel pour l’avenir du pays.

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