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Compétitivité de l’agriculture: la France décroche lentement mais sûrement

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Le 11 octobre 2017, c’est un Emmanuel Macron fraichement installé dans le fauteuil de président de la République qui avait prononcé, à Rungis, un discours fondateur pour la politique agricole qui allait être menée les années suivantes. Les idées apparaissaient séduisantes : développer les avantages comparatifs de l’agriculture française en organisant sa montée en gamme, investir dans sa compétitivité structurelle pour tirer les prix vers le haut, augmenter les revenus des agriculteurs, rester compétitif face aux pays bénéficiant de faibles coûts de main d’œuvre, comme le Brésil, et s’octroyer le luxe de diminuer notre consommation de produits phytosanitaires, via l’augmentation de la surface agricole consacrée au bio par exemple.

Précisément, le chef de l’État souhaitait :

Continuer à accompagner la montée en qualité, la montée du bio. […] Ça veut dire arrêter des productions, qu’il s’agisse de la volaille ou du porc, qui ne correspondent plus à nos goûts, à nos besoins et qui font que nous allons lancer la concurrence sur des marchés internationaux face à des pays contre lesquels nous ne pouvons rien et nous ne pourrons rien.

Cruelle désillusion : plus de six ans après, l’ensemble de cette politique est un échec manifeste, justifiant le blocage de Paris par les paysans en colère. Entre temps, l’État a désorienté le marché, conduit les agriculteurs dans une impasse et n’a pas réglé la question du déficit caché de nos échanges agricoles internationaux.

Hors vins et spiritueux, la balance agricole est déficitaire

L’année 2022 semblait avoir été faste pour l’excédent de la balance agricole française à + 10,3 Mds€. Il s’agissait, en fait, d’un chiffre en trompe l’œil puisque poussé par le dynamisme des vins et spiritueux, un domaine où des siècles d’une tradition d’excellence seront difficiles à concurrencer à l’international. Le secteur affiche un excédent de 15,6 Mds€ (un chiffre stable, à peu près identique l’année suivante), à l’image de celui des céréales (+ 10,7 Mds€, soit 4,2 Mds€ de plus qu’en 2021), tiré par la flambée des prix entraînée par la guerre en Ukraine.

En 2023, l’excédent s’est d’ailleurs replié à 6,7 Mds€ : alimenté par la décrue du prix des céréales, celui des produits de la culture et de l’élevage a fondu, passant de 5,8 à 2,2 Mds€. De nombreuses filières sont déficitaires, telles que la viande (- 3,1 Mds€), le poisson (-3,7 Mds€), les fruits et légumes (- 3,9 Mds€) ou les huiles et graisses (-2,5 Mds€). En somme, sans le poste « boissons », le solde de la balance agricole serait déficitaire de 8,7 Mds€.

Notons qu’en 2018, la Direction générale du Trésor considérait que 70 % de la diminution du solde de la balance agricole étaient dus à un déficit de compétitivité.

Une stratégie de montée en gamme ratée promue par l’État

L’année dernière, le sénateur Laurent Duplomb et quelques-uns de ses collègues s’étaient intéressés à la question de la compétitivité de notre agriculture et avaient  notamment constaté le décrochage lent et continu de notre vitalité exportatrice.

Or, la politique du Gouvernement a surtout consisté à augmenter les charges des agriculteurs de manière détournée en réduisant les exonérations fiscales sur le gazole non-routier, en augmentant la redevance pour pollutions diffuses ou en interdisant les remises sur les produits phytosanitaires.

La mise en valeur de l’agriculture biologique[1] s’est également révélée être une véritable catastrophe, en faisant baisser les rendements et en saturant le marché de produits trop chers, que seules les catégories sociales les plus aisées peuvent acheter (environ 22 % de la population française), créant ainsi des situations de surproduction dans des filières comme le lait, la viande ou les œufs. À partir de 2021, le marché a commencé à se retourner, la consommation en valeur de produits bio reculant de 1,3 % puis de 4,6 % l’année suivante (et même 8,6 % en volume).

Véritables dindons de la farce, nombre de paysans ont dû vendre leurs produits à des tarifs conventionnels, tels les producteurs de lait bio, dont 30 % de la marchandise a dû être déclassée pour être mélangée avec du lait classique.

Les orientations ont, en fait, été décidées, comme l’avait déjà fait remarquer l’IREF, en dépit de la logique du marché, en aiguillant l’offre vers la qualité alors que la demande exigeait la quantité. Le commerce mondial de produits agricoles et agro-alimentaires, tiré par le développement des pays émergents, a ainsi triplé de volume entre 2000 et 2020 pour atteindre les 1100 Mds€ : une phase d’expansion qui n’est pas près de s’arrêter, la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) prévoyant une augmentation de 50 %, entre 2006 et 2050, de la quantité de calories consommées par tête.

Faute d’un choc de compétitivité rapide et massif, tant sur le plan fiscal que normatif, et à cause de l’arrêt progressif des subventions aux produits, l’agriculture hexagonale devrait continuer à décliner et mettre en péril notre souveraineté, un véritable comble pour un pays qui fut le grenier de l’Europe.


[1] Entre 2010 et 2021, la surface agricole consacrée à l’agriculture biologique est passée de 3 à 11% de l’ensemble des terres cultivables.

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2 commentaires

Eric Pecquerie 14 mars 2024 - 11:03

Ces fonctionnaires technocrates qui sont persuadés de tout savoir et d’être infaillibles nous conduisent comme en Union Soviétique au déclin. Nous avons besoin de liberté pas de nouvelles règles.

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Philippe 14 mars 2024 - 12:06

Tous les marchés et activités administrées par l’état sont voués à l’échec. c’est mécaniques c’est inéluccar l’état est incompétent pour absolument tout ce qu’il entreprendr et c’est la raison pour laquelle il ne faut lui confier que le secteur régalien, dans lequel il est déjà assez incompétent d’ailleurs ! !

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