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Pour éviter le conflit des générations : la solidarité intergénérationnelle

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Le 10 juin dernier et face aux polémiques qui montaient, nous avions choisi un titre quelque peu provocateur: « Les retraités ont vraiment de la chance : plus de 30 000 morts dus à la pandémie » pour alerter les lecteurs de l’IREF sur les dissensions qui se faisaient jour de part et d’autre d’un bout à l’autre de la chaîne des âges. Le moins qu’on puisse dire au début de ce second confinement , c’est que loin de s’apaiser, les tensions ont repris avec une vigueur accrue et qu’elles commencent à flirter de manière inquiétante avec le conflit de générations.

I – L’ÉTAT DES LIEUX: UN CLIMAT PRÉOCCUPANT

Les jeunes reprochent aux anciens que le souci prioritaire de leur survie leur impose des tas de sacrifices qui, non seulement, gâchent l’insouciance de leur jeunesse, mais aussi ruinent l’accès à l’emploi des nouvelles générations. Cependant qu’en face, les vieux font observer avec aplomb que ce ne sont pas eux les contaminants, mais qu’ils sont bel et bien les contaminés avec tous les risques aggravés qui en résultent pour eux, lorsqu’au delà des négligences sur les gestes-barrières, certains comportements dégénèrent dans des provocations collectives qui défient l’ordre, la sécurité et le bon sens. Et l’on voit ainsi de jour en jour les oppositions se tendre dangereusement, au point que certains avancent la nécessité d’accroître encore la rigueur envers les anciens pour procurer plus de liberté aux autres et relancer plus énergiquement l’activité économique sérieusement mise à mal. Inversement, le Professeur Axel Kahn, président de la ligue contre le cancer, soutient qu’il est médicalement impossible d’éradiquer la pandémie en parquant uniquement les anciens, comme l’a d’ailleurs suffisamment montré la tragédie des EHPADS.

Or dans toutes ces critiques, dans tous ces griefs, dans toutes ces contradictions, il manque une approche humaniste, une dimension morale, totalement absente de nos politiques engluées dans la gestion calamiteuse de l’immédiat, les affrontements erratiques de spécialistes ou prétendus tels, le tout hélas aussi sans qu’émerge une véritable stratégie. Cette dimension oubliée s’appelle la solidarité intergénérationnelle et présentement c’est sur elle que repose le « vivre ensemble » non plus seulement d’ethnies différentes, mais de toutes les générations qui, au sein d’un même pays, se côtoient et succèdent indéfiniment dans le cycle de la vie. Certes cette forme de solidarité ne nous est pas rigoureusement inconnue, puisque c’est elle qui sous-tend le régime de la répartition dans nos retraites. Mais il y a loin d’un principe, même familier, à une vertu quotidienne. La preuve? Depuis des lustres, les retraités sont systématiquement virés à la fois:

– de toutes les institutions qui les concernent au premier chef, notamment le Conseil économique, social et environnemental, le Conseil d’orientation des retraites, le Comité de suivi des retraites et les deux Caisses Nationales d’Assurance-vieillesse et d’Assurance-maladie,

– comme de beaucoup trop de caisses de retraites qui, soit comme l’Agirc-Arrco, les ignorent complétement, soit comme beaucoup d’autres leur réservent chichement quelques rares strapontins.

Or ces exclusions quasi-systématiques des retraités par rapport aux actifs sont très mal vécues par les aînés, qui ne comprennent pas pourquoi on les chasse de ces institutions, alors qu’ils ont par leur nombre – plus de 17 millions – naturellement vocation à y représenter, à côté des salariés et des employeurs et indépendants, le troisième pilier social de la Nation. Et progressivement le poison du ressentiment s’infiltre et diffuse dans cette population. Elle s’attriste notamment que l’ingratitude intergénérationnelle l’emporte progressivement sur une solidarité intergénérationnelle qui, peu à peu, s’étiole et n’existe plus guère que dans les discours et dans les codes.

II – ÉVITER ABSOLUMENT LE CONFLIT ENTRE LES GÉNÉRATIONS

À nous tous de changer la donne: aux politiques, aux syndicats, aux actifs, aux plus jeunes et aussi à toutes les personnes âgées d’entamer un challenge désormais indispensable. Il faut que la solidarité intergénérationnelle ne soit plus seulement une référence abstraite et lointaine. Il faut qu’elle soit pratiquée généreusement aussi bien par les aînés qui aident les générations montantes, que par ces générations qui prennent naturellement en charge ces aînés qui sont aussi leurs parents, lorsqu’ils viennent à tomber dans le besoin ou que l’âge ou la maladie altèrent leur santé. Il faut aussi qu’elle inspire le débat public pour supprimer des ségrégations indues et pour dissiper les affrontements que certains chroniqueurs ne cessent d’exacerber. Car il faut bien comprendre que cette solidarité n’est pas une notion abstraite, un concept fumeux d’idéologue ou de juriste. La solidarité intergénérationnelle est une valeur parfaitement concrète qui est simple à comprendre, car elle sollicite plus le cœur que l’esprit. Face à la menace de la Covid, il suffit de partir de notre propre cellule familiale et le véritable enjeu tient alors en deux questions élémentaires qui se fondent une sorte de réciprocité bien comprise:

1 – quel père, quelle mère voudrait que ses enfants, ses-petits enfants versent dans la pauvreté dans une nation ruinée par le chômage et les fermetures d’entreprises?

2 – quel fils, quelle fille, quels petits-enfants refuseraient de prendre toutes les précautions nécessaires pour que leurs parents ou grands parents ne succombent pas à la pandémie?

À chacun ensuite et indépendamment des fluctuations et de la plus ou moins grande pertinence des contraintes publiques, de prendre en conscience ses propres responsabilités, en sachant que ce qui vaut pour sa propre famille vaut ailleurs et chez les autres pour toutes les familles de France. Mais il est évidemment très difficile de penser en ces termes pour un macronisme fortement mâtiné de saint-simonisme. Pour lui en effet, la famille naturelle – les autres sont beaucoup mieux tolérées…-est un obstacle à abattre parce que sa structure forte et ses liens puissants sont contraires à l’extrême fluidité des biens et à la parfaite fongibilité des êtres que prônent tous ceux que perd leur haine de la famille.

III – CONCLUSION: NE PAS AMPUTER LA NATURE HUMAINE

La solidarité intergénérationnelle doit donc devenir une vertu cardinale dans notre pays, parce qu’elle touche profondément à notre raison d’être, qu’elle commande notre comportement non seulement envers nos proches et tous ceux que nous aimons, mais aussi envers tous ceux que nous côtoyons et dont peu ou prou nous partageons le sort. Elle seule garantit présentement l’unité de la Nation en lui permettant de surmonter sainement des antagonismes qui, tant qu’ils ne dégénèrent pas en conflits, sont le marqueur sain des véritables démocraties . Mais après tout, si cette vertu discrète prend d’un coup tant d’importance, si brusquement elle devient vitale au sens premier du terme, n’est-ce pas parce que dans nos sociétés marchandes où l’échange importe plus que les hommes, où l’économie impose sa loi à des structures dépassées en dévoyant la concurrence vers le monopole, nous avons nous-mêmes et depuis trop longtemps oublié de relire et de rappeler à nos enfants la belle devise de notre République. Souvenez-vous, faîtes une effort: cette vieille devise inclut in fine, mais à même hauteur que la liberté et l’égalité, une vertu très spécifique, trop souvent négligée et qui n’existe sur aucun marché: la fraternité. Or c’est elle et elle seule, qui doit rendre à notre pays par-delà les opinions, par-delà les divisions et par-delà les crises, ce supplément d’âme, ce réflexe d’empathie dont, aujourd’hui et dans l’épreuve, nous avons tant besoin les uns pour les autres. En réalité, il ne s’agit que de restituer à la nature humaine toute la richesse, toute la dimension éthique dont l’application forcenée de l’individualisme des droits de l’homme et un juridisme étriqué l’ont progressivement dépouillée.

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Dhelft 19 novembre 2020 - 4:48

De la gestion des caisses de retraites
Je me souviens qu'il y avait des élections des membres du conseil d'administration de l'Association de gestion de la prévoyance des cadres (AGPC)une entité de l'AGIRC. Un de mes collègues y siégeait.
Un jour on a appris qu'un responsable syndical du ministère des finances en fin de carrière était à la fois nommé "Receveur général" si j'ai bonne mémoire alors que cette fonction était en cours de suppression et, simultanément président de l'AGIRC.
Macron veut la mort des non indispensables ? que ne vire-t-il 20% de nos fonctionnaires

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