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L’évaluation des politiques publiques est-elle utile ?

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Dans un pays comme la France, où les dépenses des administrations publiques représentaient en 2021, selon l’Insee, 59,2 % du PIB, et où la réglementation a augmenté de près de 94 % entre 2002 et 2022 selon le décompte réalisé par le conseiller d’État Christophe Éoche-Duval, l’évaluation des politiques publiques (EPP) n’est pas un luxe. C’est une nécessité absolue.

Selon un décret du 22 janvier 1990 (abrogé en 1998), l’évaluation d’une politique publique « a pour objet de rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en œuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés ». Pour faire bref, il s’agit de s’interroger sur la pertinence et l’efficacité d’une intervention publique.

Dans notre pays, de multiples institutions participent à l’EPP. Nous pensons bien évidemment à la Cour des comptes dont nous regrettons régulièrement, à l’Iref, que les avis soient si peu suivis d’effets. D’autres organismes interviennent comme le Parlement, l’Insee, France Stratégie, les inspections générales (IGF, IGAS, etc.), mais aussi des think tanks, des cabinets privés, des organismes de recherche, des universités, etc.

Tous ces « évaluateurs » ne s’organisent ni ne concertent généralement entre eux, souvent parce qu’ils n’ont pas les mêmes intérêts, ni les mêmes méthodes, ni les mêmes objectifs. Mais leurs travaux sont-ils utiles ?

Les évaluations académiques sont souvent inutiles

France Stratégie, dont l’EPP est l’une des missions, s’est intéressée, il y a quelques mois, aux évaluations d’impact publiées dans des revues académiques à comité de lecture. Partant de 227 évaluations parues entre 2008 et 2020, l’organisme public a compté combien de fois elles avaient été citées par des décideurs publics (gouvernement et Parlement), des administrations et des institutions publiques (Insee, Dares, Pôle emploi, Ademe, etc.), des chercheurs et des médias. Près de 8 300 citations ont été trouvées, et 94 % d’entre elles ont été faites par les chercheurs, qui se citent donc eux-mêmes ou citent leurs collègues.

Autrement dit, seulement 6 % des citations sont le fait des médias (1,9 %), des administrations (3 %) et des décideurs publics (1,2 %). Il n’y a vraiment que France Stratégie pour s’en réjouir. L’organisme public constate en effet, dans son étude, que les décideurs publics et les administrations citent de plus en plus souvent les évaluations à condition qu’elles soient en français, produites par des administrations elles-mêmes (c’est-à-dire partiales ou orientées ?), riches en résultats (c’est quand même le moins que l’on puisse en attendre) et en recommandations (ce qui n’est pas forcément l’objectif d’une évaluation).

Nombre de citations des évaluations académiques

Nous sommes, en ce qui nous concerne, moins enthousiaste et n’avons pas peur d’affirmer que ces évaluations académiques ne servent finalement pas à grand-chose. L’étude montre, en effet, clairement que les politiques, qui devraient être les premiers à s’intéresser aux conséquences des lois qu’ils ont initiées ou votées, sont la catégorie qui y prête le moins d’attention. De plus, citer une évaluation dans un communiqué de presse, un discours ou un rapport ne signifie pas qu’on l’ait comprise, ni qu’on n’en ait pas volontairement déformé les résultats, encore moins qu’on en tienne compte dans l’élaboration de nouvelles lois.

Les évaluations sont-elles mobilisées avant le vote des lois ?

France Stratégie s’est aussi penchée sur ce dernier point, c’est-à-dire l’usage qui est fait des travaux évaluatifs au sens large – c’est-à-dire « toute publication visant à éclairer un champ de politique publique ou la conduite d’une intervention publique, en s’appuyant sur une expertise reconnue et sur des données ayant valeur de preuves (statistiques, témoignages, et.) – en amont du vote des lois.

Sur les 262 lois étudiées (votées entre 2008 et 2020), seules 14 (un peu plus de 5 %) ne citent aucune évaluation. En moyenne, elles mentionnent 18 travaux évaluatifs en amont du vote.

Cependant, il est affligeant de constater que les études préalables d’impact, qui depuis 2009 doivent être produites à l’occasion des projets de loi (d’initiative gouvernementale), ne produisent que 25 % des citations. Les 75 % restants proviennent des travaux parlementaires. Il semble donc que les parlementaires fassent correctement leur travail au contraire du Gouvernement qui traite les études préalables d’impact avec une grande désinvolture.

Il est également consternant d’observer que 40 % seulement de ces 262 lois ont fait l’objet d’une évaluation ex post (en aval).

Comment s’étonner, après cela, que l’on ait des lois mal ficelées, bavardes, circonstancielles, mal appliquées et trop nombreuses, des « bégaiements et malfaçons législatives » comme le déplorait Jean-Louis Debré en 2014 alors qu’il était encore président du Conseil constitutionnel ?

Par conséquent, ne faudrait-il pas évaluer avant de légiférer ? Une bonne loi devrait, en effet, s’appuyer sur des évaluations puis sur des études d’impact, comme le suggère Gilles de Margerie, le commissaire général de France Stratégie. Certes, une évaluation peut prendre du temps alors que les politiques sont pressés de légiférer, puis pressés d’avoir des résultats pour légiférer à nouveau alimentant ainsi l’inflation législative qui est l’une des plaies françaises.

Par exemple, entre 2002 et 2022, il y eu 5 lois sur la formation professionnelle et 13 sur l’apprentissage. Étaient-elles toutes indispensables ? S’appuyaient-elles toutes sur des évaluations ex post ? Comportaient-elles toutes des études d’impact (ex ante) sérieuses ? Ont-elles été toutes correctement évaluées a posteriori ? Ou n’étaient-elles là que pour satisfaire l’ego des 12 ministres de l’Éducation nationale, des 12 ministres du travail et des 5 ministres délégués ou secrétaires d’État de la formation professionnelle qui se sont succédés en vingt ans ?

Évaluer, oui ! Mais quoi ?

Si ces notes de France Stratégie sont riches d’enseignements, on regrette toutefois qu’elles ne s’attardent pas davantage sur l’objet même des évaluations.

Pour reprendre l’exemple des lois sur la formation professionnelle et l’apprentissage, on peut supposer que, s’il y a eu des évaluations, elles se sont attardées sur l’augmentation des bénéficiaires. Elles se sont aussi probablement intéressées à leur origine sociale, à leur sexe, aux types de formations suivies, etc. Elles ont sans doute cherché à savoir si les inégalités ont été réduites, si l’insertion professionnelle des jeunes a été augmentée, si les jeunes femmes se sont engagées dans des formations jusqu’alors masculines, etc.

Mais ces évaluations se sont-elles intéressées aux coûts et à la bureaucratie générés par ces lois ? Se sont-elles penchées sur les embauches qui ont dû être faites, tant dans les administrations que dans les entreprises, pour permettre leur application ? La perte de compétitivité des entreprises qu’a entraîné davantage de réglementation a-t-elle été mesurée ? Nous pouvons en douter.

Quelles qu’elles soient, les évaluations des politiques publiques ne produiront des résultats que sur ce que leurs commanditaires souhaitent chercher. Ainsi, à Nantes, la mairie a-t-elle annoncé qu’elle allait « mieux évaluer son action en faveur de l’environnement » et « s’assurer que ses choix budgétaires n’accentuent pas les inégalités hommes-femmes ». Si les résultats ne sont pas conformes à ce que la mairie attend, il est probable que des mesures correctrices – c’est-à-dire de nouvelles dépenses et de nouvelles contraintes – seront mises en place.

Heureusement, l’Iref existe. Comme vous le savez, nous passons beaucoup de temps à évaluer les politiques publiques avec des critères simples : permettent-elles de réduire les dépenses et les dettes publiques ? Permettent-elles de diminuer la pression fiscale et la réglementation ? Sont-elles respectueuses de nos libertés individuelles ? Encouragent-elles l’initiative privée et la responsabilité ? Le reste, à vrai dire, n’a d’intérêt que pour des politiques et des fonctionnaires qui cherchent à se justifier.

 

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4 commentaires

Laurent46 7 février 2023 - 5:30

Il faut surtout engager les responsabilités nécessaires, Président, Ministres, Parlementaires, Hauts fonctionnaires des sangsues de la République qui font ce qu’ils veulent en toute irresponsabilité. Le dernier Maire venu se voie souvent sa responsabilité engagée pour peu de chose alors que cette haute mafia fait valoir le 49.3 0 tour de bras engageant leur Responsabilité et celle du gouvernement avec quelles conséquences, quelles Responsabilité autre que de se fourrer dans une grosse rente à vie en fin de mandat. C’est là le vrai problème de la République ou j’aurai dû dire la Ripoublique qui n’a cessée de construire des organismes et postes pour les potes avec le même système d’irresponsables quels que soient leurs actes.

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Martinie 7 février 2023 - 9:43

Encore un article et une pétition de principe «  Y’a qu’à, faut qu’on «  qui finiront comme toujours dans un classement vertical des discours bavards pour être poli…
Mettons en œuvre le principe de responsabilité (et ad-hominem ), pour les politiques, les hauts fonctionnaires et les magistrats et on constatera que la crainte est le début de la sagesse et de l’efficience …mais seulement au bandeau des déclarations d’intentions !

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Obeguyx 7 février 2023 - 10:21

Une évaluation, quelle qu’elle soit, n’a de valeur que si elle est suivie d’effet(s). En ce qui concerne les politiques publiques ça ne sert strictement à rien, car rien ne change jamais. Bien au contraire tout s’aggrave au fil des ans avec la bénédiction des électeurs, trop contents de pouvoir toucher un chèque de 100 balles !!!

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Astérix 8 février 2023 - 8:51

Lorsque l’on confie la gestion de la France à l’état, puisqu’aujourd’hui les décisions sont prises par l’état et non plus par le secteur privé, voir ci-après ce qui arrive !

Révision pour ne pas oublier ….
Dans les années 90, les airbus air inter étaient révisés à Dakar… Et la SNCF envoyait ses wagons se faire réviser en Roumanie..

Aujourd’hui, la France ne fait plus d’armes (pistolets, fusils… etc.) depuis la disparition de la manufacture de Saint-Étienne, créée sous Louis XV. Pas même les munitions..

Si un conflit éclate, ce sera comme pour les masques, on devra passer une commande à l’Étranger ! Des Cons ou des cyniques ?
Les pièces de rechange du char LECLERC sont fabriquées… En Chine et les munitions en Israël. Le moteur en Allemagne.

Les survêtements et articles de sport pour l’Armée française, en Tunisie et en Roumanie.
La fabrication des pistolets Sigg-Sauer P 2006, pour les forces de l’ordre, est faite en Allemagne, sous licence suisse. Manurhin n’a plus de travail donc il ferme.
Les balles de nos armes militaires sont d’origine israélienne : plus de fabrications de munitions en France.

Air France fait une grosse partie de ses révisions… En Angleterre et au Maroc.
Les vêtements de la Poste et de la SNCF sont eux aussi fabriqués à l’étranger : en Tunisie ou en Italie, via la Roumanie.
Les vêtements pour le personnel hospitalier ? En Corée !
Et on demande aux Français d’acheter « Français » ! ?
La macronie donne le coup de grâce au peu qui reste !

Une seule chose est sûre :
les Cons sont bien « fabriqués » en France !
Et…
l’usine s’appelle l’ENA …

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