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Les conventions collectives : un obstacle à la liberté d’entreprendre

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Depuis une dizaine d’années a été entamée une fusion des conventions collectives de branches. Quel bilan peut-on tirer de cette réforme ? Ne pourrait-elle pas être améliorée pour favoriser la liberté d’entreprendre ?

La branche professionnelle n’est pas définie dans le Code du travail. C’est pourtant, dans la plupart des cas, le champ d’application de la convention collective qui définit notamment les conditions de travail, les salaires, les congés payés, les droits et obligations des employeurs et des salariés et adapte les règles du Code du travail aux situations particulières du secteur concerné.

La restructuration des branches : une simplification qui n’en est pas une

C’est en 2014 que la restructuration des branches professionnelles a été lancée par les pouvoirs publics, avec l’objectif d’en réduire le nombre de 700 (hors secteur agricole) à 200. En l’absence de projet de fusion volontaire, le ministère du Travail a procédé à des fusions administratives par arrêté pour les branches de faible effectifs (moins de 5 000 salariés), celles où l’activité conventionnelle était faible, et celles qui avaient un champ d’application non national.

Aujourd’hui, il ne reste plus que 226 branches (en France métropolitaine, et hors agriculture). L’objectif de 200 branches est donc presque atteint. Sans doute pourra-t-il l’être dans les prochaines années, car le travail de rationalisation se poursuit.

Pourquoi ces regroupements ont-ils été voulus ? Deux arguments principaux ont été avancés. Le premier est qu’il fallait « remédier à l’éparpillement conventionnel dans un but de lisibilité et d’effectivité du droit, en constituant notamment un socle conventionnel pour les petites et moyennes entreprises majoritairement non couvertes par des accords d’entreprises ». Deuxième argument en faveur des fusions : « Mutualiser les moyens des branches pour qu’elles soient à même de remplir leurs différentes missions ».

À ces motifs officiels se rattachent trois autres raisons cachées. La simplification dont il est question (« lisibilité ») n’est pas pour les entreprises, mais pour la Direction générale du travail (qui gère notamment les inspecteurs du travail). Elle souhaitait ne plus avoir à jongler avec autant de conventions collectives.

Deuxième raison inavouée : contraindre les branches à relever les salaires. En effet, plusieurs branches ont encore aujourd’hui des salaires minimums conventionnels en-dessous du smic. Début 2023, la branche des industries du caoutchouc avait même 11 échelons de sa grille de salaire inférieurs au smic. A chaque fois que le smic augmentait, un ou plusieurs échelons tombaient sous le smic car la branche ne renégociait pas ses minima conventionnels. Comme les entreprises ne peuvent pas payer leurs salariés sous le smic, ceux-ci sont de plus en plus nombreux à être rémunérés au salaire minimum légal. Cela contribue à la smicardisation des salariés. Un phénomène que les gouvernements acceptent difficilement. En brandissant la menace de fusionner les branches récalcitrantes avec des branches accommodantes, le Gouvernement espère contraindre les premières à relever leurs minima conventionnels.

Si la branche du caoutchouc avait des minima conventionnels sous le smic, c’est peut-être parce qu’ils correspondaient à la situation économique du secteur. Et s’il existait 77 conventions collectives locales dans la métallurgie, c’était pour coller au plus près des réalités du terrain. Elles avaient la vertu d’avoir des minima conventionnels en rapport avec le coût de la vie locale. La réforme les a supprimées. Et pendant ce temps-là , Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, réclamait la mise en place d’un smic francilien parce que le coût de la vie est plus élevé dans sa région que partout ailleurs en France. C’est sans doute vrai, mais la solution dans ce cas est de supprimer le smic national, pas de créer des smics régionaux. Les entreprises seraient alors libres de leurs rémunérations, après négociation avec les salariés. Elles pourraient aussi, si elles le souhaitent, s’en remettre aux branches pour négocier localement les salaires conventionnels minimaux avec les syndicats.

La convention collective étendue : un cartel légal ?

Enfin, troisième raison cachée au regroupement des branches professionnelles : restreindre, voire supprimer, les branches dont les accords peuvent difficilement être étendus car elles se chevauchent trop. C’est notamment le cas dans le secteur des activités sanitaires, sociales et médico-sociales. Précisons que la procédure d’extension des accords collectifs consiste à les rendre obligatoires à toutes les entreprises de la branche et non pas seulement aux seules entreprises adhérentes aux organisations patronales signataires de ces accords. Or, le ministère du Travail juge cela insupportable car, pour lui, la branche a une mission de « régulation de la concurrence (limitation du dumping social) ».

Ne soyons pas dupes : par « régulation » de la concurrence, il faut évidemment comprendre « règlementation » et même « limitation ». Cela voudrait-il dire que la branche et sa convention collective fonctionnent comme une « entente » ou un « cartel » par ailleurs prohibés ?

Nous n’en sommes en effet pas loin et c’est, en partie, ce qui explique la grande difficulté qu’il y a en France à concurrencer de grandes entreprises publiques. Comment, en effet, une entreprise pourrait-elle concurrencer sérieusement EDF alors qu’elle doit obligatoirement appliquer les accords de la branche des industries électriques et gazières (IEG) qui prévoient, par exemple, un financement obligatoire de la caisse centrale d’activités sociales (CCAS) gérant notamment les centres de vacances, qui instaurent diverses primes pour des événements familiaux (union, naissance, etc.) et imposent de rémunérer en partie le congé enfant malade ? Sans compter la grille salariale et ses minima conventionnels très avantageux. Tout nouveau venu sur le marché de l’électricité est tenu d’appliquer la convention collective des IEG. C’est ce que les syndicats appellent le « sac à dos social ». En réalité, un fardeau qui limite la concurrence et nuit aux consommateurs.

Libérer les entreprises des conventions collectives

Les ordonnances Macron de 2017 réformant le code du travail ont fait perdre un peu de son importance à la branche dans le sens où la primauté de l’accord d’entreprise est devenue la règle et celle de l’accord de branche, l’exception. Néanmoins, elle reste compétente dans un grand nombre de domaines et elle s’est vue confortée dans sa mission de « régulation de la concurrence » comme nous l’avons dit.

Ce n’est pas satisfaisant du point de vue des consommateurs qui en payent le prix, pas plus que de celui des entrepreneurs qui sont entravés. Par conséquent, il conviendrait, non pas de supprimer les branches mais de cesser d’étendre les accords et conventions qu’elles négocient.

Les entreprises adhérentes aux organisations professionnelles signataires seraient tenues d’appliquer les textes signés, à commencer par la convention collective. Les autres appliqueraient le Code du travail (qui devrait faire l’objet d’une très large réforme, mais c’est une autre affaire…), ni plus, ni moins. Il en serait de même pour les salariés : le bénéfice des accords collectifs serait réservé aux seuls adhérents des syndicats signataires, comme le propose la CFE-CGC.

La concurrence entre entreprises d’un même secteur d’activité en serait accrue, au bénéfice de tous.

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