Le syndicat de l’encadrement CFE-CGC a publié début avril 2022 un épais document intitulé « Restaurer la confiance » dans lequel il expose ses propositions pour dépasser la crise actuelle. Elles sont classées en six chapitres dont il serait sans doute fastidieux de faire ici l’énumération.
Intéressons-nous modestement aux propositions censées « revaloriser les dynamiques collectives militantes » (sic). Le syndicat des cadres fait, au préalable, le constat que les salariés « semblent continuer à exprimer une certaine défiance vis-à-vis des organisations syndicales ». C’est un euphémisme pour dire que plus de 60% des salariés, interrogés par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), n’ont « plutôt pas » ou « pas du tout confiance » dans les syndicats. Seuls 5 % affirment avoir « très confiance ».
D’ailleurs, selon l’OCDE, le taux de syndicalisation en France est de 8,8% alors qu’il est de 91,8% en Islande, de 66,5% au Danemark, de 64,9% en Suède, de 60,3% en Finlande, et même de 50,3% en Belgique ou de 34,4% en Italie (chiffres de 2018). Et encore, le chiffre serait probablement plus bas en France si l’on ne prenait en compte que le secteur privé.
Pour la CFE-CGC, cette situation a plusieurs explications, comme les ordonnances Travail de 2017 qui ont appauvri les instances représentatives du personnel et recentralisé le dialogue social au niveau des sièges des entreprises, mais aussi la méfiance du patronat envers les salariés affichant une appartenance syndicale. Surtout, le syndicat regrette que le bénéfice des accords collectifs soit partagé entre tous les salariés, qu’ils adhèrent ou non à une organisation syndicale.
Réserver le bénéfice des accords collectifs aux seuls adhérents des syndicats signataires
L’organisation syndicale lance ainsi quelques idées « pour redonner envie de croire dans des dynamiques collectives militantes représentant au mieux les intérêts des parties qui dialoguent ». L’une d’entre elles consiste donc à « réserver le bénéfice des accords aux seuls adhérents des organisations syndicales signataires ». Une solution « à l’allemande » qui serait, selon François Hommeril, président de la CFE-CGC, « de nature à convaincre les salariés de s’engager ». Pour lui, cette proposition « provocatrice » est une réponse « aux politiques qui jugent les syndicats illégitimes en comparant le taux de syndicalisation français à celui de l’Allemagne ou de la Belgique. Limitons le bénéfice des accords aux seuls adhérents des organisations syndicales et vous verrez le taux de syndicalisation monter en flèche ».
Il est vrai que dans de nombreux pays, situés notamment au nord de l’Europe, on pratique un syndicalisme de services. On voit ainsi des syndicats prendre en charge les frais d’avocat lorsqu’un adhérent conteste certaines décisions de son employeur devant les tribunaux. L’assistance juridique s’étend parfois à la vie privée, lors de litiges de voisinage ou de divorce. Les syndicats peuvent apporter aussi une aide financière aux salariés qui désirent se former et progresser dans leur carrière professionnelle. Certains ont même des centres de formation réservés à leurs adhérents. En Allemagne, en Autriche, dans les pays du Benelux ou les pays scandinaves, les syndicats assurent aux salariés en grève un revenu quasi équivalent au salaire net. Dans ces pays, ce sont les syndicats qui distribuent les indemnités de chômage. En Suède, le syndiqué bénéficie d’un tarif préférentiel pour son électricité, négocié par le syndicat. Il bénéficie aussi d’un tas d’autres réductions sur présentation de sa carte d’adhérent. Aux Pays-Bas, la FNV rémunère des fiscalistes afin qu’ils remplissent les déclarations d’impôts des adhérents.
Libérer les salariés des syndicats
Il est probable qu’un syndicalisme de services augmenterait la syndicalisation des salariés. Néanmoins, il ne faut pas oublier que les syndicats français ont une spécificité que n’ont pas la plupart des autres syndicats européens : ils sont politisés. On l’a encore vu dernièrement lorsqu’ils ont appelé à faire barrage à Marine Le Pen, alors que 43% des salariés ont voté pour elle au second tour, et même 53% des ouvriers. Les syndicats français se mêlent de tout, et surtout des sujets qui ne les concernent pas. Est-ce vraiment ainsi qu’ils espèrent gagner des adhérents ?
Les syndicats français sont aussi les champions de la grève. Du ramassage des ordures aux transports publics, on ne compte plus les « mouvements sociaux » qui enquiquinent les Français dans leur vie quotidienne. Est-ce ainsi qu’ils pensent s’attirer les faveurs des travailleurs ?
Nous pensons aussi que les syndicats français n’ont aucun intérêt à augmenter le nombre de leurs adhérents puisque leurs ressources ne sont pas liées aux cotisations collectées mais dépendent des subventions publiques – 121 millions d’euros en 2020 pour les principales organisations syndicales et patronales. En réalité, les Français payent indirectement une cotisation syndicale, même s’ils ne le désirent pas.
La première mesure à prendre serait donc de supprimer le financement public des syndicats.
La deuxième serait de supprimer le monopole syndical. Aujourd’hui, les organisations syndicales sont les seules à pouvoir présenter des candidats à l’occasion du premier tour des élections professionnelles dans les entreprises. Ce n’est que si les salariés s’abstiennent massivement (à plus de 50%), qu’il peut y avoir un deuxième tour ouvert à toute liste candidate, avec ou sans étiquette syndicale. Supprimer ce monopole dès le premier tour n’augmenterait probablement pas le nombre des adhérents aux syndicats – d’ailleurs la CFE-CGC propose de renforcer ce « monopole syndical dans la négociation collective » – mais libérerait les salariés en leur donnant la possibilité d’élire, comme représentants, les collègues qu’ils estiment le mieux à même de remplir cette mission. De la même manière, il convient de supprimer le monopole syndical dans la négociation des accords collectifs d’entreprise.
Enfin, troisième mesure urgente – il y en aurait évidemment bien d’autres, comme la réforme du droit de grève – relever le seuil à partir desquels les entreprises sont contraintes d’avoir un comité social et économique (CSE), fixé à 11 salariés. Les entreprises à taille humaine n’ont pas besoin de ces « machins » qui leur font perdre du temps et de l’argent.
C’est en se libérant de syndicats politisés, subventionnés et monopolistiques que les salariés pourront mieux être représentés.
7 commentaires
Tout à fait d’accord sur tout
je diffuse à mes correspondants
C.B.
Les syndicats ne pensent que vacances ,peu de travail et beaucoup d’argent . Ils oublient de défendre l’entreprise source de revenu des salariés .Quand vous avez des salariés qui abusent des temps de pose ,ou qui s’alcoolisent , le syndicat ne bronche pas c’est pourtant l’avenir de tous les salariés qui en dépend .Il faut des syndicats à l’Allemande ou pas .J’ai connu une entreprise qui marchait du feu de Dieu , le comite d’entreprise et le patron géraient ensemble les décisions meme l’obligation de faire des heures sup en cas de retard des commandes ou des sanctions contre des abus des salariés .L’entreprise en contre partie partageait les dividendes .
Vous avez tout résumé avec votre phrase en conclusion : « C’est en se libérant de syndicats politisés, subventionnés et monopolistiques que les salariés pourront mieux être représentés. »
Depuis des lustres, je dis qu’il faut supprimer toute subvention versée par l’état aux syndicats. Ils devront se contenter des cotisations de leurs adhérents ou mettre la clef sous la porte.
Alors,ils feront moins les malins.
Et une proposition pour remplacer toutes les autres :
DEMOCRATISER LES SYNDICATS
Merci pour votre article stimulant. Que pensez-vous de Syndicatho (http://syndicatho.fr), syndicat que j’ai créé fin 2013 et qui espère se démarquer des syndicats traditionnels (pas de financement public, pas d’opposition de principe aux employeurs, attachement indéfectible à la liberté – extérieure ET intérieure -, donc opposition systématique à tout recours – par l’État, notamment, mais pas seulement – à la contrainte, etc.) ?
La mare
Supprimons les syndicats en France. Ils ont torpillé les entreprises et les services publics.
Faisons comme Margaret Thatcher.