Comme lors de chaque élection présidentielle, la question de la proportionnelle fait son retour avec son concert de critiques à l’encontre du scrutin existant – le scrutin uninominal majoritaire à deux tours – et en contrepoint une ode à la représentation proportionnelle (RP).
Le débat ne concerne pas le court terme puisque les élections législatives de juin sont trop proches pour qu’une loi -ordinaire- de modification du mode de scrutin soit votée. Un éventuel changement dans le mode d’élection des députés ne pourra donc avoir lieu que pour 2027… sauf dissolution de l’Assemblée nationale précédemment.
Les arguments mal fondés en faveur de la représentation proportionnelle
Depuis la fin du XIXe siècle, les mêmes arguments sont échangés au soutien des différents modes de scrutin. La RP semble aujourd’hui faire consensus. Emmanuel Macron a émis plusieurs fois le souhait d’une « dose » de proportionnelle aux élections législatives et il a même déclaré dans l’entre-deux-tours qu’il n’était pas opposé au principe d’une proportionnelle intégrale. Les extrêmes, à droite comme à gauche, sont de chauds partisans de la RP, de même que les centristes, les écologistes et les communistes. Depuis qu’ils sont en chute libre, certains socialistes et mêmes certains républicains ont abandonné leur réticence. L’une des rares voix dissonantes est celle du Président du Sénat.
L’argument imparable brandi par les partisans de la proportionnelle est l’« injustice » de scrutin majoritaire. En effet, remporte le siège au sein d’une circonscription celui qui obtient la majorité des voix au premier ou au second tour. En contrepoint, la RP serait juste car elle éviterait l’écrasement des minorités. Est-il équitable, clament-ils, que le parti qui obtient 10 ou 20 % des voix dans une circonscription n’ait pas de représentant au Parlement ? Mais, d’un autre côté, si un parti ne parvient pas à être majoritaire dans chacune des circonscriptions, est-il si injuste qu’il n’ait pas d’élus ?
En réalité, le débat sur le mode de scrutin pose une question autrement subtile dans un régime parlementaire comme le nôtre : l’Assemblée nationale doit-elle établir une représentation-miroir de l’opinion qui entende épouser très finement les nuances politiques du pays ou doit-elle permettre d’assurer la stabilité des institutions par le truchement d’une majorité cohérente donnée au gouvernement ? Les partisans de la proportionnelle ont tendance à oublier non seulement notre histoire constitutionnelle -la fin de la IIIe République et la IVe- mais encore les leçons du droit comparé. Souhaite-t-on retourner aux délices et aux poisons des républiques précédentes, et conséquemment revenir sur les avantages, chèrement acquis, de notre Constitution ? Souhaite-t-on copier les désastreuses institutions belge ou israélienne ?
Certes, le mode de scrutin majoritaire ne garantit pas l’existence d’une majorité à l’Assemblée, ne serait-ce que parce que le mode de scrutin n’est que l’un des éléments de la stabilité d’un régime, à commencer par le système des partis. Mais il faut reconnaître qu’il tend à produire du fait majoritaire et que la RP, elle, présente la tendance inverse de disperser les forces politiques. Pour que les minorités soient vraiment représentées, il faut une proportionnelle intégrale ou une forte dose de proportionnelle, mais avec un risque encore accru d’émiettement politique à l’Assemblée.
Les défauts majeurs de la représentation proportionnelle
Si le scrutin majoritaire n’est pas la panacée, la RP se caractérise par une série de défauts… majeurs.
D’abord, la RP vise la justice. Or, pour être « juste « , elle doit être complexe, alors que l’une des vertus du scrutin majoritaire est la simplicité, avec la réserve du découpage des circonscriptions. Les types de RP se déclinent à l’infini : doit-elle être partielle ou intégrale ? Les listes doivent-elles être locales ou nationales ? Doit-on prévoir un pourcentage minimal de suffrages pour qu’une liste soit représentée à l’Assemblée et, dans ce cas, à quel étiage ? Que l’électeur ne s’entende pas à connaitre les résultats globaux rapidement après la fin du scrutin : les calculs sont eux aussi complexes.
Ensuite, la dispersion des forces politiques entraîne un jeu de bascule au profit des partis centristes, ce qui explique le chaud soutien de François Bayrou à la proportionnelle. Face à un bloc d’extrêmes, l’alternance tend à se réduire au profit de majorités de regroupements qui varient du centre droit au centre gauche, comme sous la IVe République. Une minorité centriste décide ainsi de la couleur politique des gouvernements. L’Assemblée devient un « Parlement sans fenêtres » sourd aux mouvements d’opinion dans le pays. Un comble pour une chambre prétendument présentative ! Est-ce cela la justice ?
Un autre défaut majeur de la proportionnelle est toujours mis sous le boisseau : la nécessité de la pêche au vote parlementaire pour produire une majorité, fût-elle de circonstances, favorise le « marché politique » avec son lot de corruption et de favoritisme.
De nombreuses études, notamment américaines, ont démontré depuis longtemps que la RP entretenait en moyenne un accroissement des dépenses publiques plus important qu’un scrutin majoritaire, d’une part, et une augmentation de l’interventionnisme de l’Etat, d’autre part. Nous subissons déjà les effets délétères d’une « monarchie républicaine » quasi unique dans le monde civilisé ; il serait judicieux d’éviter un nouveau facteur d’étatisme dans notre beau pays de l’exception.
Des objections mal fondées au soutien de la représentation proportionnelle
D’aucuns rétorqueront que la plupart des pays européens pratiquent aujourd’hui une forme ou une autre de proportionnelle dans le cadre de scrutins dits mixtes. Le mélange de scrutin majoritaires et de RP permettrait de résoudre la quadrature du cercle en garantissant à la fois l’efficacité et la justice. Il suffirait par exemple de donner une prime majoritaire au parti qui arrive en tête. Mais les minorités reçoivent alors la portion congrue, si bien qu’on peut se demander l’intérêt de ce mode de scrutin qui peut allier l’injustice à la complexité.
Enfin, d’autres objecteront que l’Allemagne apparaît comme un modèle avec son mode de scrutin mixte, au sein duquel en fait la RP est prépondérante. L’électeur allemand vote deux fois : une fois pour un candidat et une fois pour une liste, ce qui permettrait de conserver les qualités des deux systèmes. Mais, au-delà du fait que certains parlementaires peuvent se prétendre directement élus par le peuple alors que d’autres ne le sont que par le truchement d’une liste, et que, comme dans toute RP, les têtes de listes des grands partis, quel que soit le discrédit qui puisse les frapper, sont assurées de leur réélection, la souveraineté de l’électeur se trouve captée par la souveraineté parlementaire en apparence, et par celle des partis politiques, et plus encore les états-majors des partis politiques, en réalité. L’électeur vote mais, comme il n’y a pas de parti majoritaire dans quasiment tous les cas, les tractations commencent entre partis politiques après les élections pour former une coalition gouvernementale. Les citoyens se trouvent nantis d’une capacité de choix en trompe-l’œil : ce qu’ils sont censés gagner directement pour élire leurs représentants, ils le perdent indirectement quand au choix de la coalition gouvernementale. C’est ainsi, qu’à plusieurs reprises, les électeurs allemands ont cru devoir voter pour une majorité conservatrice-libérale qui s’est transformée après les élections en « grande coalition » entre les conservateurs et les sociaux-démocrates ! Il n’est guère étonnant que le Général de Gaulle, méprisant les « ratatouilles politiciennes », se défiait du régime exclusif des partis. Est-ce véritablement un système à allemande que nous souhaitons pour notre pays ?
En définitive, la « brutalité » du système parlementaire anglais avec son scrutin majoritaire à un tour n’est-elle pas plus juste puisque l’électeur, lorsqu’il vote aux élections législatives, vote en fait non seulement pour son député mais également pour son futur Premier Ministre en toute clarté ? Chaud partisan de la proportionnelle, Jean-Luc Mélenchon n’a-t-il pas rendu le plus bel hommage involontaire au scrutin majoritaire lorsque, au soir du second tour, il a appelé les électeurs par prétéritions à l’« élire » Premier Ministre lors des élections législatives de juin ?
Quels que soient ses défauts, la Ve République nous a apporté la stabilité gouvernementale. N’ajoutons pas, en apprentis sorciers, l’anarchie du Parlement à celle de la rue !
9 commentaires
Le vote majoritaire, tel qu’il existe en France, conduit à une sorte de dictature de la majorité. Le vote proportionnel intégral conduit à une dictature des minorités qui négocient à leur avantage leurs votes. Force est de constater que la situation actuelle conduit au défaut des deux systèmes. Au nom de ce qui est qualifié « d’État de Droit » qui laisse supposer que c’est le droit issu de la loi qui régit la société, alors que dans les fait nous sommes dans une « société des droits » exigés par les minorités en dehors des règles démocratiques.
Voir ici un commentaire sur la proportionnelle, favorable aux partis effectivement, mais défavorable aux électeurs : https://electeurs-libres.fr/4DCGI/num_editFE47D2FB47834945B55F5FFC4DD5D959
Le mode de scrutin majoritaire est une imbécilité.
Le parlement ne sert à rien puisqu’il ne représente pas le peuple de France dans sa diversité.
Les députés LAREM qui ont été élus grâce à E. Macron sont incompétents. Il suffit de voir ce qui s’est passé depuis cinq ans !
Il faut arrêter avec ce système électoral français bricolé en permanence par des énarcotechnocrates en quête de pouvoir qui se moquent de l’avis du peuple.
Si on en juge par l’abstention, avoir Douze candidats lors de l’élection Présidentielle, dont certains habitués, que je qualifierais « d’exotiques » n’a pas servi à grand chose.
La « cuisine » des partis de gauche pour arriver à une majorité à l’Assemblée Nationale donne un avant goût e ce que serait l’introduction de la proportionnelle. En vérité, le quinquennat et le couplage des élections législatives avec les Présidentielles ont ôté toute possibilité au peuple Français de sanctionner l’action du gouvernement. Faut-il revenir au septennat limité à deux mandats ?
Il existe une solution, trop simple pour nos énarques : conserver le scrutin majoritaire uninominal, mais à un seul tour. C’est le mieux placé qui aura la place. Avantage : suppression des magouilles entre partis qui n’existent qu’entre les deux tours et qui aboutissent à interdire à la moitié du corps électoral d’être représenté. C’est pour cela que nos élus n’en veulent à aucun prix.
Les magouilles se feront juste au premier tour. Rien de plus.
Donc, si la RP est pire que le scrutin actuel, que proposez-vous concrètement ?
Et si on revenait aux sources de la 5ème ? On remet la balle au centre et on rejoue. L’erreur n’est pas la proportionnelle, ni le reste, l’erreur c’est le soi disant être humain qui s’auto vénère et remet sans cesse la faute sur l’autre en n’hésitant jamais à détruire tout ce qui l’entoure. Je regrette, mais je connais peu d’êtres humains respectables. Il n’y a que la nature qui mérite du respect et voyez ce que l' »humain « en fait » !.
Bonjour, la 1 ère chose à faire est d’imposer la présence de 70 % de parlementaire pour voter un texte et instaurer le jeu à somme nulle (1 loi votée = 1 loi précédente d’abandonnée). Bien à vous