L’État considère souvent les citoyens comme des mineurs qu’il faudrait guider pour qu’ils ne fassent pas de bêtises. C’est notamment le cas en matière de santé où les recommandations pullulent. Mais sont-elles utiles ?
Les messages d’avertissement et de recommandation nous envahissent : « Fumer nuit gravement à la santé » ; « L’énergie est notre avenir, économisons-la » ; « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération » ; « Au quotidien, prenez les transports en commun » ; « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé » ; « Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo » ; « Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour », etc. Nous connaissons tous ces phrases répétées à chaque fois que nous voyons ou entendons une publicité, que nous ne pouvons pas manquer sur les emballages de certains des produits incriminés.
Ces slogans sont-ils efficaces ? Pas vraiment si l’on en croit les derniers chiffres portant sur la consommation de fruits, de légumes, de sucre et de gras.
La consommation de fruits et légumes est en baisse
C’est le 1er mars 2007 que les messages sanitaires ont été introduits dans les publicités alimentaires. Le décret et l’arrêté du ministre de la Santé et des Solidarités de l’époque, Xavier Bertrand, précisaient que quatre messages devaient être présentés en alternance (« Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour » ; « Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière » ; « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé » ; « Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas »).
Il était en outre indiqué que la mesure s’appliquait à tous les grands vecteurs de publicité, médias comme hors médias, à tous les produits alimentaires manufacturés et à toutes les boissons avec ajouts de sucre, de sel ou d’édulcorants.
Il n’y a pas eu vraiment d’évaluation sur son efficacité depuis lors. En revanche, il est certain que, depuis 2020, les achats de fruits et légumes frais ne cessent de baisser comme nous l’explique le journal Les Échos. Alors qu’un ménage français (composé de 2,2 personnes en moyenne) en achetait 182 kg par an en 2020, ce n’était plus que 158 kg en 2024, soit une baisse de 13%.
Les professionnels mettent en cause l’inflation, « le développement du télétravail et de la restauration hors domicile, et la préférence de plus en plus marquée pour les produits pratiques et prêts à consommer ».
Une enquête réalisée en 2023 montrait que les jeunes de moins de 35 ans consommaient trois à quatre fois moins de fruits et légumes que dans les années 1960 : même pas 3,5 portions par jour pour les 18-24 ans alors qu’ils ont toujours entendu le slogan leur rabâchant d’en manger 5 ! Et alors que 40% d’entre eux déclaraient avoir un régime alimentaire principalement axé sur la consommation végétale.
Une épidémie de surcharge pondérale
Le Figaro relayait il y a quelques jours une étude mondiale publiée par The Lancet qui estimait que, d’ici 2050, 60% des adultes et 31% des enfants et adolescents dans le monde seront en surpoids ou obèses.
Les Français n’échappent pas au phénomène. Une étude coordonnée par l’Inserm montrait que la prévalence de l’excès de poids (surpoids + obésité) était de 47,3% en 2020. Chez les seuls adultes, l’étude de The Lancet donne des chiffres de prévalence pour la France de 35% en 1990, 54% en 2021 et estime qu’elle sera de 68% en 2050.
Si l’on considère uniquement l’obésité, la progression est aussi très rapide, selon l’Inserm. Elle est passée de 8,5% en 1997 à 15% en 2012 et 17% en 2020. L’augmentation est encore plus marquée chez les plus jeunes : elle atteint 142% entre 2006 et 2020 chez les 18-24 ans et 59% chez les 25-34 ans.
Bref, ceux qui ont entendu dès leur plus jeune âge qu’il fallait pratiquer une activité physique régulière, éviter de manger trop gras et trop sucré, et éviter de grignoter entre les repas sont, en fait, les plus atteints par l’obésité.
Du côté du sucre, ce n’est guère mieux : les enfants dépassent allègrement les seuils recommandés par l’Anses qui sont de 60 g par jour pour les 4-7 ans (75% sont au-dessus) et de 75 g par jour pour les 8-12 ans (60% au-dessus) . C’est sans doute pourquoi le Gouvernement a fortement augmenté la taxe sur les boissons sucrées (appelée « taxe soda ») dans le budget 2025 de la Sécurité sociale. En-dessous de 5 kg de sucre ajouté par hectolitre de boisson, elle passe de 3,79€ à 4€ par hectolitre ; entre 5 et 8 kg, de 7,30€ à 21€ ; au-delà de 8 kg, de 17,70€ à 35 €. Les industriels estiment qu’ils vont devoir augmenter leurs prix de 10% en moyenne. Pas sûr que cela fasse changer le comportement des jeunes consommateurs. Ni de leurs parents.
Des messages contreproductifs
Deux chercheuses à Grenoble École de Management (GEM) ont montré, il y a une douzaine d’années, que les messages sanitaires de prévention de l’obésité rataient quelque peu leur but.
Elles ont présenté à 130 personnes des publicités pour des produits hypercaloriques. Certaines portaient le bandeau de prévention exigé par la loi, d’autres non. A la fin de l’expérience, en guise de remerciement, les participants se voyaient offrir une collation. Ils avaient le choix entre des glaces et des fruits. Et… 82% de ceux qui avaient visualisé la publicité avec le message sanitaire ont choisi la glace, 65% de ceux qui n’avaient pas eu ce qui message ont opté pour un fruit !
Une des chercheuses, Carolina Werle, a alors expliqué : « Lorsque l’on veut se faire plaisir en mangeant quelque chose de gras ou de sucré, on a besoin de le justifier, afin de ne pas culpabiliser. En associant des messages sanitaires à des produits alimentaires hédoniques (glaces, hamburgers…), les individus perçoivent ces informations comme une solution potentielle à la prise de poids. Si je fais ce que le message indique, implicitement je m’octroie le droit de manger plus sucré ou plus gras. Cela a pour effet de les déculpabiliser au lieu de les inciter à manger sainement. »
De même, un article paru en 2018 dans le Journal de gestion et d’économie médicales concluait que si les avertissements sanitaires ont « un impact positif sur la connaissance des risques liés à la consommation d’alcool », « leur effet sur les intentions et les comportements d’alcoolisation est très limité ».
C’est à se demander si les Français, en bons Gaulois, ne prennent pas un malin plaisir à faire le contraire de ce qu’on leur recommande. Mais à force de les prendre pour des enfants, est-il étonnant qu’ils ne se comportent pas en adultes ?
L’augmentation du surpoids et de l’obésité est sans doute un sujet de préoccupation. Comme pour le tabagisme, leur prévalence est plus élevée dans les catégories sociales défavorisées. Alors, pour que les Français mangent mieux, nous suggérons (liste non exhaustive) qu’on libère les agriculteurs des normes, taxes et impôts qui gonflent le prix de leurs productions ; qu’on abolisse la loi Egalim qui impose des produits bio plus chers dans la restauration collective ; que l’on diminue le coût du travail et qu’on permette à chacun de prendre l’assurance sociale de son choix, moins chère que la Sécurité sociale étatique ; qu’on réduise les dépenses et les réglementations publiques qui entravent la croissance. Bref, que l’État cesse d’appauvrir les Français pour qu’ils aient plus de pouvoir d’achat et puissent ainsi acheter des produits alimentaires plus sains.
14 commentaires
Je pense qu’un des aspects fondamentaux de la malbouffe est qu’on ne cuisine plus… Je ne fais le reproche à personne, car cela demande du temps et de l’énergie voire de la passion. Quand on a la chance d’avoir quelqu’un qui cuisine au quotidien à la maison, on sait comme c’est précieux. Le rapport à la nourriture et au repas en est entièrement transformé et reconquis. … Il ne faut pas hésiter à apprendre à cuisiner aux enfants (garçons et filles) tout comme il faut leur apprendre à bricoler un peu. Sans devenir de grands chefs ni faire des recettes compliquées, on peut faire une cuisine honnête et saine au quotidien. Cela change beaucoup de choses. Il est vrai que ça demande aussi un budget (notamment avec l’inflation astronomique sur les légumes) et donc de sacrifier d’autres choses. Mais le jeu en vaut la chandelle, et ça devient l’un des plaisirs de la famille.
Je suis persuadé que votre commentaire est bon. Cependant il faut admettre que les normes agricoles sont un obstacle à la bonne bouffe. Quant au bio alors là c’est l’arnaque généralisée, qui fait augmenter les prix, alors que le bio c’est bidon. Comment faire croire que la terre après des décennies de pesticides divers et devenue propre du jour au lendemain ?! On nous prend pour des c..
A toutes ce recommandations, j’e rajouterais une : Plus menteur qu’un politique ça n’existe pas.
Certaines personnes qui se pensent pourtant éclairées ne semblent pas comprendre que les les gens cherchent une balance plaisir/ longévité différente de la leur..
Ce qui est remarquable est que ce qu’ils veulent imposer aux autres, ils le refusent quand ça les concerne..
eh oui… on ne vit pas pour vivre le plus vieux possible…
le sujet devrait DONC être..la sécurité sociale et “l’assurance maladie”..
ces injonctions liberticides n’en sont que le produit…
ta santé me regarde… ben non…
la santé n’est pas non plus reductible à UN nombre…en meilleure santé n’est pas une concept trivial..
De nombreux scientifiques, des médecins portent une lourde responsabilité.. quand le doge de la science publique va arriver, ils ne vont pas comprendre..
Et que dire du Nutri-Score, mètre étalon de la fausse bonne idée, étiquetage censé renseigner les gueux sur ce qu’il est bon de consommer. Les frites, par exemple, qui ont la meilleure note (A). Normal, puisque dans leur sachet surgelé elles n’ont encore vu ni huile, ni sel, ni la sauce samouraï chère à la famille Tuche.
Le Nutri-Score fait également fi des additifs, conservateurs ou perturbateurs endocriniens, permettant ainsi à un soda sucré “de base” de faire passer sa note de E à B en remplaçant le sucre par des édulcorants chimiques…
Pour votre santé mentale, n’écouter pas les consignes de ces donneurs de leçons;j’ai passé l’âge que l’on me dise ce que j’ai à faire ou pensé
Et maintenant le manuel de survie , présenté sous la forme d’un cartable ! SAUVE QUI PEUT ! A quand un kit d’installation d’un abri de jardin antiatomique ! quant à moi je souhaiterai un kit de survie pour tenir le coup jusqu’à 2027.
déjà, mon cerveau est dressé pour s’éteindre pour tout message sous forme de publicité
Vos préconisations sont peines de bon sens et c’est pour cela qu’elles ne seront pas suivies car ignorées par les responsables des administrations.
Manger 5 fruits par jour ! Encore faudrait-il qu’ils soient murs, ce qui est loin d’être toujours le cas
Quant aux légumes : même si on en trouve prêts à l’utilisation (épluchés) il faut les laver, les éplucher etc. A en juger par le nombre de soupes en conserve commercialisées dans nos rayons de super marchés ce n’est pas gagné. Le manque de temps ??? une excuse facile !
Le sport ??? Difficile de convaincre les enfants de faire du sport quand les parents passent leur temps à se muscler les pouces devant une console… après leur avoir offert écrans divers et variés !
Et surtout, combien ça coûte ? Rien de plus utile à faire ?
L’Etat et donc ses recommandations passent à côté du sujet, encore une fois, par facilité et refus de creuser le sujet.
Suffit-il d’écrire sur un paquet de cigarettes que fumer tue pour que 100% des fumeurs cessent ? Ben non…
C’est pareil pour ce que la bien-pensance appelle malbouffe : quand tout va mal, le gras et le sucré sont des refuges pour nombre de personnes. Comme pour cette majorité de fumeurs qui a besoin de sa dose, les boulimiques/anorexiques ont besoin de cette bouffe.
Alors que faut-il faire ? S’attaquer à la source du problème : le cerveau et ses réflexes protecteurs, et non la culpabilisation qui ne fait qu’entretenir un cercle vicieux.
Très bon reportage il y a quelques années sur ces maladies du cerveau : la personne s’isole (car elle sait que c’est un dysfonctionnement) pour consommer un max de produits sucrés/gras en quelques minutes : boulimie. Puis certains se font vomir : anorexie. Si vous essayez de l’en empêcher, elle deviendra agressive.
Ce sont bien sûr les cas extrêmes mais ils ont le mérite de rappeler une évidence : on ne devient pas obèse par plaisir ! Tant que les pouvoirs publics n’auront pas compris qu’il faut un traitement multi-disciplinaire du surpoids et de l’obésité, il n’arrivera à rien et continuera de dépenser des sommes astronomiques dans des campagnes publicitaires démultipliées et parfaitement inutiles (sauf pour les personnes déjà convaincues).
La chercheuse l’a un peu exprimé, mais à l’envers : tant que les personnes qui se réfugient dans la bouffe n’auront pas été orientées vers psy ou surtout hypnose, ça ne marchera pas. Or psy, hypnose, sophrologie coûtent cher et il faut aussi que les gens sachent que ces méthodes existent et donnent de bons résultats.
Mais la psychiatrie en France est dévastée, parent pauvre de la médecine elle-même déjà exsangue.
Encore de belles victoires de la Sécurité Sociale.
C’est tout à fait vrai et exaspérant. Idem concernant ces annonces que j’exècre à la suite des pubs pour l’automobile. Mais où sommes nous ? Sommes nous dernier état stalinien ? On nous prend pour des perdrix de l’année ou pour des lapins de sis semaines ! Ce ministère de la transition écologique devrait être purement et simplement supprimer.
Bien sûr, l’État cherche à infantiliser les citoyens, il est plus facile de diriger et enfumer des citoyens avec mentalité d’enfants, que de s’adresser à des adultes qui analysent et critiquent. Et puis la gestion de tous ces messages sans efficacité, ça occupe des fonctionnaires qui ne songent pas à protester.
Je n’ai appris qu’une chose à l’armée : toujours créditer son ennemi ou son opposant avec au moins autant d’intelligence qu’on pense en avoir soi même, on sera quelquefois en dessous de la vérité. L’État est dirigé par des gens intelligents qui savent comment maîtriser le peuple, préserver leur pouvoir et leurs intérêts. Si ils utilisaient leur intelligence exclusivement au service des Français, la France serait un pays merveilleux. Mais ce sont les Français qui les choisissent, alors il faudra un évènement dramatique en France pour que les choses changent, c’est ce que j’espère, sans trop d’illusions.