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Désarmement français : à qui la faute ?

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Nos hommes politiques, de droite, de gauche et du centre, pour une fois à peu près d’accord, semblent subitement se rendre compte que notre pays a tiré les « dividendes de la paix » depuis trop longtemps. Il s’est désarmé, ce qui le rend vulnérable. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Une précision tout d’abord : il devrait être aisé de donner les chiffres relatifs à l’évolution du budget de nos armées. En réalité, les chiffres disponibles sont très divers parce qu’ils renvoient à des données différentes. Certains donnent les statistiques globales de l’armée et des anciens combattants. D’autres, en vertu du changement des règles budgétaires, renvoient à des missions, et non plus au ministère. D’autres encore retranchent les dépenses de pension, voire de gendarmerie. Les derniers concernent des euros courants ou bien des euros constants sur la base d’une année particulière.

Cette précision étant faite, nous pouvons dévoiler à nos lecteurs un ensemble de statistiques, puisque ce sont surtout les ordres de grandeur qui importent.

Les chiffres les plus récents

Le site du ministère du Budget nous indique que la loi de finances initiale pour 2025 prévoit (nous arrondissons) une enveloppe de 95 milliards d’euros pour l’armée et les anciens combattants. Ce chiffre correspond à environ 11 % du budget total de l’État qui s’élève à 844 milliards, mais il ne nous dit pas grand-chose.

Pour y voir plus clair, il est préférable de s’en tenir à la mission Défense. La hausse du montant de la mission n’est pas négligeable puisque le site du ministère des Armées précise que les crédits hors pensions se montaient à un peu moins de 41 milliards d’euros dans le budget de 2022, et qu’ils dépassent les 50 milliards dans celui de 2025.

L’évolution des dépenses militaires

Même si les chiffres diffèrent, l’évolution des dépenses militaires de la France depuis le général de Gaulle ne fait aucun doute : la baisse a été, sauf exception, massive après la fin de la guerre d’Algérie.

En prenant les chiffres de la mission Défense hors gendarmerie et pensions, un article déjà ancien du Point (14 mars 2013) relevait que la mission comptait pour près de 5,5 % du produit intérieur brut au début de la présidence De Gaulle et un peu plus de 4 % à sa fin ; un peu plus de 3 % au début de la présidence Pompidou et un peu plus de 2,5 % à sa fin ; avant de remonter sous Giscard d’Estaing à presque 3 %, de redescendre à moins de 2,5 % sous Mitterrand, puis à largement moins de 2 % sous les présidences suivantes, Chirac, Sarkozy et Hollande.

Dans un article de La Tribune (7 février 2023), le groupe de réflexions Mars dénonçait sur la période 1981-2010 une perte de 225 milliards d’euros constants de pouvoir d’achat pour nos armées. Celles-ci n’absorbaient plus que 10 % des dépenses de l’État contre 14 % trente ans plus tôt. Si le budget de la Défense avait été maintenu à son niveau de 1981, il aurait été plus élevé en 2023 d’au moins 90 % !

En 1988, le budget des Armées était encore le premier budget de l’État devant l’Education nationale (Jean-Marc Daniel, « Finances publiques : les dividendes de la paix ? », Observations et diagnostics économiques, n ° 47, octobre 1993). En 2018, un auteur se lamente du fait que le budget de la Défense soit devenu en 2015 seulement le sixième poste de dépenses publiques (Friederike Richter, « Les budgets de défense en France », Les Champs de Mars, 2018/1, n° 30).

Les raisons de la chute des dépenses militaires

Comment expliquer les chiffres des dépenses militaires en chute libre ? Un article récent (Julien Damon, « Dépenses militaires versus dépenses sociales ? », Telos, 25 février 2025) livre un tableau fort éclairant en pourcentage du produit intérieur brut que nous reprenons :

1960                      1990                       2023

Dépenses sociales        15 %                       25 %                       33 %

Dépenses militaires        5 %                         3 %                         2 %

Ce tableau se passe à peine de commentaires. Le 10 juin 1990, un certain Laurent Fabius, alors Président de l’Assemblée nationale, parlait des « dividendes de la paix » à la suite de la chute du mur de Berlin. Il convenait donc selon lui de baisser les dépenses militaires puisque « l’Armée Rouge ne (représentait) plus une menace ». Et de les baisser non pas bien entendu pour diminuer les dépenses de l’État, mais pour les réorienter ! Les gouvernants successifs, tant de droite que du centre ou de gauche, ont suivi son conseil comme un seul homme. Selon la formule consacrée, les dépenses militaires sont devenues une variable d’ajustement pour assurer la croissance du modèle social français, d’autant plus que la « Grande muette » qu’est l’armée ne pouvait guère renâcler.

Pour le dire autrement, nos gouvernants successifs ont unilatéralement désarmé le pays. Il faut savoir gré à Emmanuel Macron d’avoir pris conscience de la gravité de la situation fin 2017, mais, du fait de la croissance continue de la dette publique et, ceci expliquant cela, de l’État providence sous ses mandats, les efforts restent aujourd’hui très insuffisants. Et de toute façon, on ne rattrape pas en quelques années des décennies d’errements…

« il y aurait un grave risque à se lancer dans un désarmement budgétaire », prévenait pourtant François Léotard, le ministre des Armées, il y a plus de 30 ans, pour contester la thèse des « dividendes de la paix » (Le Monde, 10 septembre 1993). Que ne l’a-t-on écouté !

 

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