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Comment lutter contre les déserts médicaux ?

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Le manque de médecins en France et leur inégale répartition sur le territoire préoccupent nos compatriotes. Huit millions de Français (plus de 10% de la population) vivraient aujourd’hui dans un désert médical. Pour y remédier, chacun y va de son idée… le plus souvent liberticide. Les propositions visent, en effet, la plupart du temps à limiter la liberté d’installation des médecins. L’association NèreS suggère de s’appuyer sur le réseau des pharmacies.

La question des déserts médicaux n’est pas nouvelle. Elle ne fait malheureusement que s’empirer et concerne désormais tout le pays, et pas seulement les zones rurales, puisque même l’Ile-de-France est touchée. Selon l’ancienne ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, « 87 % du territoire français est un désert médical » !

Pour 68% des Français, il est difficile d’avoir accès à un professionnel de santé en 2024

Une enquête d’Axa, réalisée en avril 2024 auprès de ses clients, montre que l’accès aux soins est une préoccupation pour de plus en plus de Français. Ils étaient 52% en 2021 à s’inquiéter d’avoir rapidement un rendez-vous chez le médecin. En 2024, ils étaient 66%. Par ailleurs 58% des sondés affirment avoir renoncé aux soins ou les avoir reportés au cours des douze derniers mois, principalement parce que les délais pour obtenir un rendez-vous étaient trop longs ou parce qu’ils n’avaient pas de médecin à proximité de chez eux.

L’association NèreS, qui regroupe les laboratoires pharmaceutiques produisant et commercialisant des produits utilisés pour la santé du quotidien et vendus en pharmacie sans ordonnance, a publié, fin juin 2024, la troisième édition de son « Bulletin de santé des Français ». Il donne des résultats similaires à l’enquête d’Axa.

En effet, 68% des personnes interrogées déclarent qu’il leur est difficile d’avoir accès à un professionnel de santé. Presque 30% affirment qu’il est difficile de consulter un médecin généraliste, notamment parce que le délai pour obtenir un rendez-vous est trop long (65%).

Dans ces conditions, on comprend que la confiance des Français dans le système de santé chute. Elle a baissé de 19 points entre 2023 et 2024, passant de 84% à 65%. Dans le même ordre d’idée, le sondage nous apprend que 54% des Français estiment que le système de santé fonctionne mal, et qu’il s’est dégradé depuis dix ans pour 61% de nos compatriotes, notamment parce que l’État n’a pas entrepris les réformes nécessaires (pour 70% des personnes interrogées).

S’appuyer sur les pharmacies ?

Pour 91% des Français interrogés par NèreS, il est facile de se rendre chez un pharmacien, et pour 80% ceux-ci sont facilement accessibles pour trouver en 24 heures une solution pour se soigner. Nos compatriotes sont même favorables à ce que le pharmacien puisse effectuer des consultations pour des affections courantes (à 83%), et à ce qu’il puisse procéder au dépistage de certaines maladies (à 77%).

Forte de ce constat, l’association NèreS propose de « définir et promouvoir la pharmacie comme porte d’entrée pour les soins de premier recours ». Cette solution, si elle n’est pas mauvaise en soi, nous semble cependant être un peu courte.

Le problème, en effet, est qu’il existe de plus en plus de déserts pharmaceutiques, notamment dans les zones rurales. Le Figaro nous apprenait récemment que 4 000 officines ont disparu depuis 2007, dont 300 rien qu’en 2023, faute de repreneurs – « même pour un euro symbolique, comme c’est parfois proposé », précise l’article. Elles sont aujourd’hui moins de 20 000.

Apparemment le nombre de pharmaciens reste stable : 74 219 en 2023 contre 74 441 en 2016. Il ne faut cependant pas oublier, qu’entre temps, la population a augmenté et vieilli. Par ailleurs, les jeunes diplômés préfèrent travailler dans l’industrie (+20% en dix ans) ou devenir salariés. Seulement un tiers des pharmaciens inscrits à l’Ordre sont titulaires d’une officine. C’est 10% de moins qu’il y a dix ans. Les contraintes de chef d’entreprise, l’amplitude des horaires de travail, les pénuries de personnel, les astreintes, l’inflation de normes et… la bureaucratie imposée par la Sécurité sociale rebutent bien des candidats.

S’appuyer sur les seuls pharmaciens pour les soins de premier recours et compenser ainsi le manque de médecins nous semble être une solution bancale. Cette idée peut contribuer à améliorer l’offre de soins, mais elle ne suffira pas seule. En la matière, il faut faire feu de tout bois et, sans doute, permettre aux professionnels d’inventer des solutions innovantes.

La liberté plutôt que la contrainte

La télémédecine fait probablement partie de la solution. D’ailleurs, le « Bulletin de santé des Français 2024 » indique que 37% de nos compatriotes ont déjà bénéficié d’une ou plusieurs téléconsultations, et que 84% d’entre eux trouvent cela utile.

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer la startup Alan qui secoue le monde des complémentaires santé. Elle a développé sa clinique en ligne, présentée comme « une oasis dans le désert médical », qui permet d’obtenir l’avis d’un médecin généraliste en moins de deux heures, d’un dermatologue en 24 heures ou bien d’échanger avec un pédiatre 7 jours sur 7, de 8 heures à minuit.

Mais Alan propose d’aller beaucoup plus loin en permettant aux patients de choisir librement leur assureur santé. Une solution que l’IREF préconise depuis toujours. Cette mise en concurrence de l’Assurance maladie permettrait notamment, selon Jean-Charles Samuelian-Werve, le fondateur d’Alan, de faire émerger des « services premiums pour ceux qui peuvent se l’offrir, non pas pour créer des inégalités, mais pour amorcer de nouveaux axes d’innovation avant que les prix de ces technologies ne baisse ».

La santé des Français a besoin de moins de bureaucratie, de moins de charges financières, sociales et fiscales, de moins de contraintes. En revanche, elle a besoin de plus de marché, de plus de concurrence, de plus de prix libres. C’est avec davantage de liberté que l’on pourra sortir de la pénurie. Sûrement pas en adoptant la proposition du Nouveau Front populaire (largement inspirée de celle de Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention et ancien président de la Fédération hospitalière de France) qui consiste à « réguler l’installation des médecins dans les déserts médicaux ».

En clair, il s’agit de créer une autorisation d’installation des médecins (et chirurgiens-dentistes). En zone sous-dotée en médecins, elle serait délivrée de droit. Mais hors des déserts médicaux, elle ne serait délivrée qu’après la cessation d’activité d’un praticien. Bref, il s’agit d’étatiser encore un peu plus la médecine libérale.

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