La question des « déserts médicaux » revient à la une de l’actualité. L’assemblée des maires de France s’en préoccupe, l’assurance maladie cherche des remèdes. Mais qui a organisé la pénurie, sinon l’Etat, avec un numerus clausus absurde, un système bureaucratique qui décourage les jeunes médecins et une socialisation de la médecine qui empêche le marché de fonctionner ?
La pénurie de médecins : « une catastrophe »
Beaucoup de Français s’inquiètent de la pénurie de médecins. Il devient difficile de trouver un remplaçant aux médecins partant en retraite. Le 31 mai, l’Association des maires de France vient d’en faire le thème numéro 1 de son 99° congrès. Son Président, François Baroin, a déclaré « Il n’y a aujourd’hui pas un département de France, pas un canton, pas un chef-lieu de canton, qui n’a des problèmes pour trouver un remplaçant à un médecin de campagne ». L’Ordre des médecins affirme que 2,5 millions de Français vivent dans un désert médical et son président, Patrick Bouet, déclare que « l’Etat n’a pas été capable d’anticiper la catastrophe et aujourd’hui aucun territoire du pays n’est à l’abri ».
Mais qui a créé la pénurie ? C’est l’Etat qui a fixé un numerus clausus, préférant la régulation au marché. C’était mission impossible. Depuis 1971, c’est un arrêté ministériel qui chiffre le nombre d’étudiants pouvant passer de 1ere à 2eme année, entrainant les fameux « reçus-collés », souvent largement admis, mais recalés car n’entrant pas dans le quota. La longueur des études (9 ans minimum, parfois bien plus) et l’impossibilité de prévoir la demande de soins font que ces décisions sont totalement arbitraires, en fonction des critères du moment, alors que ces étudiants ne seront opérationnels qu’une dizaine d’années plus tard.
L’Etat crée la pénurie et décourage les libéraux
Cela a entrainé un manque global de médecins, surtout dans certaines spécialités. Le système n’a guère de sens, puisque les règles européennes permettent à des médecins formés dans un autre pays de s’installer en France et des étudiants français contournent le numerus clausus en faisant leurs études en Belgique, Roumanie ou ailleurs. Numerus clausus intérieur et liberté d’installation pour ceux qui sont formés dans l’espace européen est contradictoire. Tout système bureaucratique entraine des techniques destinées à le contourner.
Mais il y a également un refus de nombreux jeunes médecins de s’installer en libéral. Là aussi, l’Etat a une lourde responsabilité. La médecine dite encore libérale l’est de moins en moins. Le travail administratif entrainé par la sécurité sociale (encore accentué avec le tiers payant), transforme les médecins en quasi-fonctionnaires. A cela s’ajoutent les charges financières, sociales, fiscales entrainées par le statut de libéral : de quoi décourager beaucoup de jeunes, qui ne veulent pas ajouter aux contraintes d’un exercice libéral, qui conduit à ne pas compter ses heures, les contraintes de l’Etat et de la sécurité sociale.
Le prix est un faux prix et ne peut jouer son rôle régulateur
De plus, les mentalités changent, ce qui est accentué par la féminisation de la médecine : les jeunes voudraient exercer autrement, mais se heurtent aux contraintes arbitraires, qui freinent tout changement, compliquent les installations novatrices. Le monopole de la sécurité sociale exclue des innovations comme une convention entre des assureurs de santé et les professionnels, pour organiser les soins. Même si le monopole de l’assurance-maladie est remis en cause par la législation européenne, en pratique les médecins doivent bien constater qu’ils sont pour l’essentiel prisonniers de la sécu et de ses règles rigides.
Certes, s’installer dans une zone rurale peut être perçu comme une contrainte lourde. Comment s’en étonner, puisque la sécu impose ses tarifs médicaux. Or le prix, seul régulateur sur un marché, étant artificiellement fixé et identique partout, ne joue plus aucun rôle. Dans un marché libre, le prix serait plus élevé là où il y a pénurie, attirant ainsi de nouveaux professionnels. Un système concurrentiel d’assurance-maladie réglerait pour les assurés la question du surcoût, par des remboursements adaptés aux situations.
L’Etat crée des usines à gaz pour singer le marché
Ce refus du marché, pour des raisons idéologiques, est la cause véritable des déserts médicaux : c‘est l’Etat qui en est responsable. Le paradoxe, c’est que l’on voit aujourd’hui l‘assurance-maladie prête à mettre la main à la poche. Elle a proposé le 25 mai d’offrir 50 000 euros à tout médecin qui s’installerait dans les zones désertifiées. En contrepartie, le médecin s’engagerait à y exercer trois années minimum. D’autres dispositifs, moins généreux, existent déjà, en partie sous forme de majoration d‘honoraires, mais le système est trop complexe: difficile pour la bureaucratie d’imiter le marché.
Ainsi, l’Etat empêche le libre marché de fonctionner, créant la pénurie, et pour compenser en vient à « singer le marché ». C’est coûteux et inefficace. Réduite la bureaucratie, libérer les prix, rendre l’exercice de la médecine vraiment libéral, donc laisser jouer le marché, serait moins coûteux et plus efficace. Mais les bureaucrates préfèrent les usines à gaz !
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CEUX QUI SAVENT ET CEUX QUI SOIGNENT…
Tout est parti d'une idée lumineuse, à la logique implacable: puisque la quasi-totalité des dépenses de l'assurance-maladie proviennent sous une forme ou sous une autre d'une prescription médicale, il suffit de plafonner, ou mieux de réduire, le nombre des médecins pour venir à bout de la dérive des dépenses de santé. Cette même démarche a déjà été appliquée avec le succès que l'on sait au corps infirmier, en obligeant la France à "importer" d'urgence nombre de praticiens étrangers, dont une partie ne maîtrisaient même pas notre langue.
Bien sûr, aucune des intelligences supérieures qui président à l'avenir de notre santé n'avait jamais pensé qu'à l'origine des dépenses de santé, ce n'est pas le médecin – ou plus largement le corps soignant – que l'on trouve, mais la maladie. Or la maladie survient le plus souvent en dehors du médecin qui, au contraire. contribue à la soigner et à éviter son apparition ou sa propagation. Mais cette réflexion est incontestablement issue d'une évidence trop lumineuse pour faire vaciller les certitudes de nos gouvernants, pétris des certitudes qu'on enseigne dans les meilleures écoles de la République où l'on n'a jamais su ce que soigner veut dire.
C'est ainsi qu'au fur et à mesure que l'administratif a pris le pouvoir sur les médecins (qui, pour certains, c'est vrai ne sont pas toujours exempts d'abus), en tissant un réseau compliqué d'obligations, dont la plupart ne brillent ni par leur pertinence, ni par leur efficacité. On en est venu progressivement à raisonner non plus en terme d'efficacité thérapeutique, mais en terme de coûts et d'optimisation administrative en obligeant quotidiennement le corps médical à faire le grand écart entre sa volonté de soigner – qui est quand même la règle suprême – et des contraintes administratives sans cesse renforcées, qui font du métier une profession de moins en moins libérale, à horaires indéterminés et promise à un avenir bureautique lourd, à l'activité sans cesse plombée par une "boulimie administrative" complètement insensée (pas moins de 14 pages d'imprimé et d'une dizaine de signatures pour un transport en VSL de 60 euros!)
Alors les déserts médicaux, c'est le résultat d'un aveuglement prolongé où ceux qui ne savent pas, ceux qui n'ont jamais pratiqué décident souverainement de ce qui est bien pour le malade et surtout pour leurs propres carrières, qui à l'inverse du métier de généraliste, ne souffrent jamais d'aucune crise de vocation, d'aucune surcharge prolongée ou d'aucun aléa de rémunération.
A ce train on finira pour la médecine comme pour l'agriculture, à avoir à terme plus de gens censés s'en occuper bien au chaud en Ministère et dans les directions décentralisées que de professionnels exerçant réellement leur métier sur le terrain. Il n'est pas sûr du tout que la santé publique ait quelque chose à gagner à voir ses coûts de traitement progressivement remplacés par des coûts de gestion. Avec au bout du chemin l'aberration de ces déserts dont on ne doit pas s'étonner, puisque en définitive nous avons laissé faire, comme des inconscients et des irresponsables, tous ceux qui, sans vraiment les prévoir, les ont quand même objectivement organisés.