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Privatiser la Banque postale

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Dans le programme économique du Rassemblement National (RN) figure la fin de la subvention publique accordée à la Banque postale dans le cadre de sa mission d’accessibilité bancaire. Cette proposition est un bon début, mais ne faudrait-il aller plus loin en privatisant l’établissement bancaire de La Poste ?

Accessibilité bancaire

Pour sa mission d’accessibilité bancaire, la Banque postale doit recevoir, selon la convention signée le 23 novembre 2021 avec l’État, une compensation financière de 1,77 milliard d’euros (Md€) sur six ans, selon la répartition suivante :

On remarquera que la subvention baisse dans le temps puisqu’elle devrait être, en 2026, inférieure de 86 millions d’euros (M€) à ce qu’elle était en 2021, soit une baisse de 25%. Cet effort mériterait d’être souligné s’il n’était là que pour satisfaire aux règles européennes en matière d’aides d’État qui prévoient, notamment, que le montant de la compensation allouée doit s’inscrire dans une trajectoire baissière tout au long de la période de financement considérée.

En 2010, la Banque postale recevait 270 M€ pour cette mission, soit peu ou prou ce qu’elle perçoit aujourd’hui. Si l’on tient compte de l’inflation, il est évident que la subvention a baissé. Sans doute est-ce parce que le nombre de bénéficiaires a, lui aussi, diminué. Les chiffres, en la matière, sont difficiles à obtenir. La Banque postale évaluait, à fin 2023, le nombre de clients entrant dans le champ de l’accessibilité bancaire à 1,3 million. Dans un rapport de juin 2017, la Cour des comptes l’estimait à 2 millions pour l’année 2015. Dans un autre rapport, daté de juin 2023, la Cour évaluait le nombre de bénéficiaires à 1,04 million en 2021. En six ans, le nombre de bénéficiaires aurait donc été divisé par deux. On comprend, dans ces conditions, que la subvention de l’État diminue également. Elle devrait même baisser davantage.

Rappelons que la mission d’accessibilité bancaire confiée à la Banque postale consiste, notamment, à ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande et lui permettre de l’utiliser comme un quasi-compte courant, ce qui n’est pas autorisé dans les autres banques.

Nous pensons que cette mission pourrait être confiée au marché qui, aujourd’hui, offre des solutions qui facilitent l’inclusion bancaire. Comme nous l’écrivions l’année dernière, Nickel, qui s’appuie sur un réseau de 6 750 bureaux de tabac, pourrait tout à fait suppléer la Banque postale sans subvention. Il faudrait pour cela que l’établissement de paiement qu’est Nickel aujourd’hui soit autorisé à devenir une vraie banque.

La Banque postale ou l’Assurance postale ?

La Banque postale reçoit indirectement d’autres subventions étatiques. Par exemple, les aides (allègement de fiscalité locale et dotation annuelle) que reçoit La Poste (maison-mère de la Banque postale) pour contribuer, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire, bénéficient à la Banque postale. Ces aides soutiennent, en effet, les agences bancaires situées dans les 7 000 bureaux de poste. Un réseau qu’aucune autre banque ne peut offrir. La Caisse d’Épargne, par exemple, la plus développée dans l’Hexagone, ne dispose que d’un peu plus de 4 000 agences.

Toutes ces aides n’empêchent pas la Banque postale de présenter des résultats mitigés. Si l’on écoute la direction de la banque, tout va bien. En 2023, le produit net bancaire (PNB), équivalent du chiffre d’affaires, est en hausse de 16,7% par rapport à 2022 et s’établit à 7,26 milliards d’euros (Md€). Le résultat net progresse aussi (+30,6%) à 955 M€. Et le patron de La Poste de commenter : « La Banque postale ne se comporte pas si mal, elle est dans la moyenne du peloton ».

Quand on y regarde d’un peu plus près, on est vite moins enthousiaste. Le document de présentation des résultats ne mentionne-t-il pas que le résultat de la banque est « porté notamment par la hausse des résultats de CNP Assurances » ?

CNP Assurances a, en effet, été rapproché de la Banque postale dans un grand pôle financier public détenu par La Poste. Son résultat net a été, en 2023, de 1,55 Md€, soit une fois et demi supérieur à celui du groupe auquel la compagnie appartient.

Bref, sans CNP Assurance, la Banque postale présenterait de moins bons résultats. A tel point qu’on peut se demander si elle ne devrait pas plutôt se dénommer l’Assurance postale !

Quoi qu’il en soit, si les informations nous manquent pour affirmer que l’activité bancaire est déficitaire en 2023, nous savons que la banque de détail a connu une perte nette de 335 M€ en 2022, et qu’elle était déjà dans le rouge en 2020 et 2021. On soulignera aussi que la Banque postale est classée dernière en Europe par l’Autorité bancaire européenne (ABE) sur les critères de solidité.

C’est dans ce contexte, finalement pas aussi reluisant que le PDG de La Poste veut bien le dire, que la banque en ligne Ma French Bank a été fermée il y a quelques mois. Il était temps d’arrêter là les frais, Ma French Bank ayant cumulé près de 300 M€ de pertes depuis sa création en 2018.

La privatisation comme solution

Cependant, liquider Ma French Bank et profiter des bons résultats de CNP Assurance ne sont que des expédients pour que l’on évite de se poser la seule question qui vaille : la Banque postale doit-elle rester une filiale de La Poste ?

Plusieurs pays européens ont privatisé leur banque postale ou les services financiers de leur poste. C’est le cas en Allemagne, où la Deutsche Postbank, filiale de la Deutsche Post, a été privatisée en 1996 et est devenue, fin 2010, une filiale de la Deutsche Bank. C’est le cas en Grande-Bretagne où la Girobank a été cédée, en 1990, à une société financière privée, dont elle est devenue une filiale très spécialisée dans la gestion de fonds pour le secteur du commerce de détail.

C’est aussi le cas aux Pays-Bas où les services financiers ont été séparés des activités de la poste néerlandaise (KPN) en 1988, avant d’être privatisés en 1990. La Postbank a alors fusionné avec une banque (NMB), puis avec la première compagnie d’assurance néerlandaise (NatNed) et est désormais dans le giron du groupe bancaire ING.

Les privatisations des banques postales n’ont pas nécessairement eu pour résultat de couper tout lien avec les services postaux. Aux Pays-Bas, Postbank et la poste néerlandaise ont créé une joint venture (Postkantoren) en 1993 en vue de distribuer des services financiers à travers le réseau des bureaux de poste. En Grande-Bretagne, la Girobank continue à utiliser les bureaux de poste pour distribuer ses produits.

Quand on constate que toutes ces privatisations ont été réalisées il y a déjà une trentaine d’années, on se demande vraiment pourquoi la Banque postale est toujours publique.

Le nouveau gouvernement aura-t-il le courage d’engager la privatisation de la Banque postale ? Ce serait une première étape avant celle de La Poste. Les Allemands et les Anglais l’ont fait, là aussi depuis des années. Ils ne s’en portent pas plus mal.

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