La France, c'est vrai, n'ai pas aidée, par les temps qui courent, par son régime fiscal.
Et puisque les libéraux dont vous êtes, aiment bien, en France, comparer cette même France à d'autres nations - situées en Europe et dans le reste du monde -, afin de démonter qu'ailleurs la situation est meilleure qu’en France, en raison d'une fiscalité moins contraignante sur le revenu et sur la fortune, il faut néanmoins rappeler à tous ceux qui mettent cet argument en avant, que la prospérité d'un pays repose sur d'autres considérations que le régime fiscal au sens strict, ou que le fait de savoir si un pays est géré de manière libérale, comme vous le souhaitez vous-mêmes, ou de manière socialiste, comme vous ne le souhaitez pas.
Je vais vous donner, ici, si vous le permettez, un seul exemple, qui concerne la comparaison entre un pays comme la Suisse (dont je suis un ressortissant), qui est très libérale à vos yeux, et un pays comme la France, qui est très socialiste à vos yeux.
Au delà du régime fiscal, il existe, en Suisse, des politiciens qui coûtent moins cher, à ce pays, par unité de PIB, que les politiciens français n'en coûtent à la France.
Deuxième point : en Suisse on décentralise la fonction politique de manière à doter les Cantons (qui sont, à la Suisse, ce que les Départements sont à la France), un maximum de liberté de gestion. En d'autres termes les Cantons sont maîtres chez eux, et dépendent le moins possible de la Capitale Fédérale (à savoir Berne), et pas du tout des Capitales Européennes telles que Bruxelles, Strasbourg, Francfort ou Berlin.
En un mot comme en cent, le Suisse est très attaché à son petit jardin et ne supporte pas que des étrangers viennent mettre le nez dans ses affaires.
A ce jardin, il est si attaché, qu’il impose des conditions très dures aux immigrés. Ce qui n’empêche pas la Suisse d’avoir le plus grand nombre d’étrangers en Europe et dans le reste du monde, une fois celui-ci rapporté à la population totale du pays.
Sauf que l’Etranger, en Suisse, doit s’intégrer au modèle suisse, puisque le Suisse est plus conservateur, sous ce rapport, que dans d’autres pays.
La Suisse fait donc attention à ne pas entretenir des gens, venus d’ailleurs, à ne rien faire, uniquement parce qu’ils voudraient profiter du fait que les conditions sociales sont meilleures en Suisse que dans les pays dont ils sont originaires
Mais là également les choses sont en train. Tout comme, d’ailleurs, la violence qui s’installe partout insidieusement, à travers le pays, de même que la drogue (les deux choses étant le plus souvent liées).
Quoi qu’il en soit, il existe, en Suisse, au total, moins de violence qu’ailleurs.
De plus le Suisse respecte la vie privée des gens, y compris quand ceux-ci sont des millionnaires venus finir leurs jours en Suisse, après avoir fait fortune ailleurs.
Le Suisse aime bien, aussi, le secret bancaire, ce qui lui permet d'accueillir chez lui tous ceux qui veulent éluder l'impôt dans leur propre pays. (En fait c’est leur argent qui vient en Suisse, et non eux-mêmes, sauf s’ils ont décidé, comme Français soucieux de préserver leur patrimoine, de passer la frontière et de s’installer en Suisse avec leur famille - en général près de Genève et dans la région du Lac Léman).
Reste à préciser que cet amour-là, associé au secret bancaire, concerne surtout les banquiers suisses (et ceux de Genève et de Zürich en particulier), qui peuvent gérer ainsi des fortunes considérables venues d'ailleurs.
Quant au simple pékin, il est, en Suisse, travailleur, et donc besogneux, et économe.
Et, par-dessus tout, il cherche toujours à régler les choses par la négociation plutôt que par l'affrontement.
Cela signifie que les rapports sociaux ont toujours été moins durs (chose qui est d’ailleurs en train de changer) en Suisse qu'en France, et notamment parce que les syndicats y sont moins politisés qu'en France, et que quantité de choses, qui sont réglées, en France, par des lois, le sont, en Suisse, par des conventions établies branche par branche, ce qui donne plus de flexibilité à ces dernières pour régler leurs propres affaires.
Mais ce qui fait surtout la différence, entre ce petit pays qu'est la Suisse, et ce grand pays qu'est la France, c'est qu'en Suisse il n'existe point de classe parasitaire qui contrôle, depuis la tête du pays, l'économie aussi bien que la politique.
Ne serait-ce que par les politiciens suisses s'occupent uniquement du sort de leurs administrés, aux différents échelons des villes, des Cantons et de la Confédération, et qu'ils laissent l'économie à des entrepreneurs qui, au lieu de sortir de l'ENA, sont, pour la plupart, des petits patrons de PME/PMI qui, au lieu d'avoir une formation d'avocat, de juriste, de fiscaliste, d'économiste, ou au lieu d’avoir étudié à Sciences PO, à l'ENA ou à HEC, ont fait une maîtrise dans le métier pratiqué par eux.
Et puisque cet aspect-là n'est quasiment jamais mentionné par tous les Think Thank(s) qui ne cessent de vanter les vertus du Livre Marché et de la Pensée Unique, il était bon de le faire ici.
Quant aux thèses que Thomas de Piketty défend dans son pavé de 1000 pages intitulé Le Capital au XXIe siècle, si vous désirez connaître mon point de vue (ce qui m'étonnerait, mais la question n'est pas là), je me permets de vous renvoyer à toute une section que je consacre à l'examen des thèses de cet auteur, et aussi à celles d'autres intervenants qui, comme vous, ont répondu à cet auteur, laquelle section est consignée dans un livre en trois volumes que j’ai intitulé Le développement du capitalisme à travers l’Histoire.
Merci, Madame, Monsieur, d'avoir prêté attention à ce qui précède.
Claude Gétaz