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Crimes sans châtiment. Aux sources du poutinisme

Dina Khapaeva

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Dans Crimes sans châtiment Dina Khapaeva se propose d’identifier « les sources du poutinisme ». C’est la troisième édition – augmentée d’une importante préface – de ce livre, paru initialement en 2007. Le communisme a laissé en héritage une criminalité incontrôlable, une corruption endémique, un prosélytisme de la violence et encore ce que l’auteure appelle « l’esthétique gothique ». La fédération de Russie serait une république féodale : comme au temps d’Ivan le Terrible, la garde rapprochée du czar a des pouvoirs illimités, n’hésite pas à éliminer tous les ennemis, réels ou supposés. La loi est lettre morte, seule la force compte. Le tissu social est organisé en clans, le clientélisme prospère, les institutions sont devenues des moyens d’enrichissement.

La réhabilitation du Moyen Age donne naissance à de drôles de situations. En 2009, un groupe de militants a fêté Halloween avec un portrait de Poutine en Dracula et un portrait de Medvedev en Frankenstein. Ce qui est bizarre c’est que ce rapprochement entre Poutine et Dracula serait, aux yeux de nombreux Russes, valorisant. Une autre anecdote semble renvoyer au film de Polanski Le Bal des vampires : le maire de la ville de Saratov a offert au chef de la section régionale du parti La Russie unie (le parti de Poutine) une botte d’ail, un pieu en bois de tremble et une balle en argent pour l’aider à combattre plus efficacement l’opposition.

Les vampires, les sorcières, les loups-garous, les dragons seraient les nouveaux héros du cauchemar national, « nés dans les ténèbres psychotiques d’une mémoire réprimée » -(c’est la mémoire réprimée des victimes, car les Russes ne veulent plus entendre parler aujourd’hui du goulag). L’auteure donne de nombreux exemples (romans de Victor Pelevine, Serguei Lukianenko, etc.) où l’on voit que les vampires et autres personnages surnaturels dominent les hommes, dictant les lois et les règles de la société. L’être humain est dévalorisé, devient insignifiant. L’absence de jugements moraux favorise le culte de la force et entretient la confusion entre le bien et le mal.

Il est vrai que cette régression vers le Moyen Age est un phénomène global : l’esthétique gothique a proliféré un peu partout. Le monstre est devenu le héros de notre temps et le vampire – le nouvel idéal esthétique. Les vampires dans les romans et les films d’aujourd’hui sont beaux, séduisants, raffinés, ont des pouvoirs magiques qui les rendent invulnérables et, surtout, incarnent le rêve le plus audacieux et le plus fascinant de l’humanité : ils sont immortels. Dans cet univers, l’homme est une proie facile, la violence s’est banalisée. Ce sont des aspects qui, selon Dina Khapaeva, caractérisent au plus haut degré la société russe.

L’explication finale avancée par Dina Khapaeva mérite d’être retenue : « Il est tout à fait possible que la mémoire secrète des milliers de personnes qui ont eu des sympathies pour les régimes totalitaires, et ‘la mémoire des bourreaux’ (…) aient été canalisées dans les œuvres d’horreur et les récits de vampires. Le succès de ces genres est peut-être dû au fait qu’ils expriment (…) la mémoire secrète mais toujours présente de l’univers concentrationnaire ».

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1 commenter

Bruno GERMAIN 17 juin 2023 - 1:36 pm

Remarquable ! On retrouve en effet dans cet ouvrage de Dina Khapaeva toute la dramaturgie et l’horreur de la Russie POUTINIENNE ! Le sang, la cruauté, le diabolisme d’Etat et la dégénérescence mentale de ce pauvre type.
Ce peuple vit toujours dans un goulag intellectuel, et la prison pour la moindre opposition. On en revient donc à Staline, Mao et Pol Pot le Khmer rouge. L’abjection absolue !
Merci à Eltsine le soulographe de lui avoir donné les clé du Pouvoir !
Mais il y a aussi le camarade Medvedev ! Alors ? L’immonde absolu et les petits potentats africains près à leur lécher le c… pour qq. roubles et se faire à nouveau coloniser pour leurs matières-premières !
Le seul à vouloir en sortir était vraiment Korbatchev !

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